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Points de vue

La mère, le père dans la procréation artificielle

Rédigé par Chems Youssef | Lundi 21 Février 2005 à 00:00

           

L'Islam interdit toute manipulation du corps humain, son appropriation et sa réification. Les musulmans ont été précurseurs de la médecine moderne et il est paradoxal que leurs descendants ne soient pas aujourd'hui à la pointe de la découverte. Mais les moyens de soigner, car il ne peut s'agir que de soins dans le cadre du permis et de l'éthiquement légitime de l’Islam, ne sont pas tous autorisés par notre dogme.



L'Islam interdit toute manipulation du corps humain, son appropriation et sa réification. Les musulmans ont été précurseurs de la médecine moderne et il est paradoxal que leurs descendants ne soient pas aujourd'hui à la pointe de la découverte. Mais les moyens de soigner, car il ne peut s'agir que de soins dans le cadre du permis et de l'éthiquement légitime de l’Islam, ne sont pas tous autorisés par notre dogme.

 

Docteur Folamour, le Coran et la Sunnah.

 

Le bébé existe quand le corps de la femme secrète l'ovule qu'un spermatozoïde féconde après un rapport entre époux. Simple comme l'origine du monde. Par contre, il n’y a pas de grossesse lorsque cet enchaînement se fait mal ou ne se fait pas du tout. Alors l'homme a cherché à comprendre et il a trouvé. Il peut désormais pallier à certaines insuffisances et elles sont nombreuses. Résumons en simplifiant les possibilités actuelles de la médecine moderne dans ce domaine si délicat pour la morale  religieuse. Nous verrons que l'Islam n'est pas seul en cause dans ces réticences. Chrétiens, juifs et protestants aussi se posent mille questions et y répondent nettement.

Tout commence par un apport de sperme. Mais que si celui-ci n'est pas assez vigoureux la science peut le renforcer. En le traitant ou en le remplaçant. D'où les assistances médicales à la procréation (AMP) et leurs différentes techniques.

 

Dans la fécondation 'in vivo', le médecin introduit des spermatozoïdes dans la cavité utérine de l'épouse le jour de l'ovulation. En espérant qu'ovule et spermatozoïdes seront assez « forts » pour faire leur travail. Si nécessaire, le médecin peut aussi 'préparer' les spermatozoïdes et même stimuler les ovaires pour que tout se passe au mieux.

 

Il en va autrement dans fécondation 'in vitro' : En labo, une fécondation est opérée entre un ovule et une suspension de spermatozoïdes. L'œuf ainsi fécondé est ensuite réimplanté dans l'utérus. Et si tout va bien ce dernier deviendra un embryon qui se développera pour donner un bébé.

Mais l'Islam interdit ce processus contre nature Du fait que cette technique nécessite qu’une épouse saine découvre devant un médecin ce qui est considéré comme zone interdite 'awrah', réservée au seul mari, elle est contestée par certains. Mais d’autres tolèrent que l’épouse ne dévoile que la stricte partie nécessaire et seulement à une femme médecin.

Un hadith conciliant rassure celles et ceux qui hésitent devant l’aspect de dureté du dogme, en exprimant que 'la nécessité lève les interdits là où le besoin irrépressible (haja) et licite fait loi'. D’autant plus que si les spermatozoïdes proviennent du mari l'opération est considérée tout simplement comme un traitement médical 'tadâwy'. Toutefois une dernière obstruction peut être évoquée par certains sur le mode d’obtention du sperme.

La masturbation étant répréhensible en Islam comment recueillir cette goutte sacrée ? Par 'coït interruptus' disent certains. Par prélèvement direct sur les testicules affirment d’autres. Dans tous les cas, il demeure strictement prohibé de conserver le surplus dont nul ne pourrait présager des usages. En un mot, le sperme doit provenir du conjoint seul (IAC-Insémination Artificielle par le Conjoint). Mais s'il s'agit d'un donneur extérieur (IAD-Insémination Artificielle par un Donneur) cela s'assimile à un adultère. L'Islam n'est pas que contrainte. Si son principe souhaite que les femmes réalisent leur bonheur, ce même principe le veut de manière saine et respectable.

 

D'autres techniques peuvent être appliquées selon la force des ovules et des spermatozoïdes. Mais le cas précédent toléré par l’Islam va se trouver bousculé, et les interdits vont s'abattre. En particulier lorsque, pour augmenter les chances de réussite, l’on implante plusieurs embryons avec un risque de grossesses multiples.  Le jeu consistant à supprimer les embryons en excédent quitte à se rendre complice d'avortements lourdement réprouvés par la foi musulmane.

 

Du don de sperme et d’ovules

 

Dans le cas où l'homme ne produirait pas de sperme ou la femme d'ovules et que le couple veut procréer, certains font appel à un don extérieur. Anonyme ou pas, cet exercice ne va pas sans conséquences juridiques, sociales et tout simplement humaines.

 

S'il s'agit d'une 'donneuse', elle doit se préparer à un véritable parcours du combattant. Le traitement hormonal n'est pas neutre, ni facile à tolérer. Prises de sang multiples, anesthésie générale, ponctions, examens lourds et onéreux…

Des filles dans le besoin, des étudiantes pour payer leurs études s'y soumettent pour gagner un peu d'argent (environ 2.000 euros). Nous nous trouvons devant une exploitation de la pauvreté par les plus nanties qui vont jusqu'à payer 3.000 euros pour recevoir ce don. En France, même si ces pratiques sont presque courantes, les praticiens et aides médicales ne les soutiennent pas. Ils font tout pour décourager les donneuses par un accueil désagréable dans les centres, par des attentes et des questionnaires longs et insupportables. Un reste de bon sens et de respect de l'individu peut-être !

 

En ce qui concerne le 'donneur', tout s'est fait longtemps en France dans la plus belle des  clandestinités. Aujourd'hui c'est un peu différent. Mais l’acte reste toujours assez discret et de toute manière anonyme. C'est déjà çà. Le Pape a toujours condamné ce genre de pratiques en avançant, comme en Islam, que ce don peut s'assimiler à 'une corruption du sang familial' par un apport de sperme étranger.

En 1949 le Pape récidive et la laïcité de l'époque prendra le relais. Depuis 1968 tout bascule et la libéralisation des mœurs efface lentement les condamnations vaticanes de cette manipulation de la vie. Les couples seuls peuvent prétendre à ces thérapies et le donneur doit catégoriquement rester anonyme. Le médecin seul peut choisir le 'don' dans le secret de son cabinet. Terrible responsabilité, horrible assimilation ou association avec Dieu.

 

Cette morale est musulmane, juive et chrétienne

 

L'Etat tente de modérer les postulantes et installe à travers un organisme, le Cecos, un contrôle propre et rigoureux. C'est au moins çà. Le sperme devient ainsi un produit rare et protégé. Aux Etats-Unis, la question devient une véritable affaire dans les mains de manipulateurs cupides et sans scrupule. Le sperme est parfois comme une marchandise qu'on peut se faire envoyer par Internet ou acheter dans un drugstore. De jeunes démunis vendent leur semence deux à trois fois par semaine et fécondent à chaque éprouvette trois à quatre femmes. Faites le compte sur une période d’une année. Les résultats ont de quoi nous inquiéter. Enfoncé le Casanova de la place Saint Marc !

 

Dans une dernière technique l’on procède à la fabrication de l’embryon 'in vitro'. Puis on le dépose ensuite au sein d’une autre femme puis l’on attend. L’opération vaut son pesant d’or. Comme toujours, les régions et les quartiers les plus déshérités fournissent leur contingent de malheureuses que l'appât de quelques sous attire.

Pour l’Islam, les musulmans ne doivent point s’essayer à cette pratique. La mère n'est pas seulement celle qui a fourni l'ovule mais celle qui a porté et senti la vie naître en elle. Il est impropre de dissocier ces deux fonctions. Les litiges apparaîtront certainement au fur et à mesure de la grossesse. L'instinct maternel de la porteuse se réveillera et des drames surviendront. D'abord entre les deux femmes et par la suite autour de l'enfant.

 

Aujourd'hui la France durcit les précédentes libertés. Les Lois Bioéthiques de 1994  ont rejeté certaines nouvelles pratiques. L'hypocrisie va s'installer et les agences de voyages fonctionnent à plein pour des pays moins regardants de notre nouvelle Europe qui n'a de commun que les piécettes de bronze de leurs monnaies.

 

Le sperme porte en lui toutes les significations les plus mythiques depuis la nuit des temps et ce, quelles que soient les religions. L'homme réagit immédiatement dès qu'on aborde ce genre de sujet et il le doit.

 

L'Islam interdit les dons d'ovules, la parthénogenèse, le clonage, le prêt ou la location d'utérus . Comme il protège l’enfant en refusant les paternités hypothétiques hors du cadre sécurisé du couple. Il est catégorique en ce qui concerne l'insémination artificielle hétérologue des femmes, mariées ou célibataires. Et ne cesse de marteler que la procréation n'acquiert sa légitimité qu'à l'intérieur du mariage. Les musulmans sont rejoints dans ce combat pour la dignité de l'homme, de la femme et du couple en général, par les morales juives et chrétiennes.

 

En Islam, le père est le père et l'autre ne sera jamais qu'adoptif. Le donneur de sperme réduit à un statut d'étalon et diminué dans sa dignité d'homme. La fierté d'une descendance licite, dans le cadre d'une famille respectée est l'exemple que la communauté musulmane offre aujourd'hui et aspire à offrir toujours.

 


Youssef Chems

Ecrivain

Derniers ouvrages :

'Nass' Le Tabernacle des Lumières

'Hadj Amor' Pour l'amour de Dieu

(éditions E-Dite)





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