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Points de vue

La diversité, vécue dans le cadre d’une laïcité bien comprise, peut favoriser la fraternité et la paix civile

Madipax chemine pour la paix

Rédigé par Jacques Hubert | Vendredi 4 Février 2022 à 11:25

           

La Maison du dialogue et de la paix (Madipax) a organisé en octobre 2021 un voyage de la paix en France. Un séjour riche en rencontres que l’association raconte sur Saphirnews à l’occasion de la Journée internationale de la fraternité humaine le 4 février.



La diversité, vécue dans le cadre d’une laïcité bien comprise, peut favoriser la fraternité et la paix civile
Après l’Algérie, Rome - Assise et l’Egypte, neuf membres de l’association Madipax ont sillonné la France du 17 au 21 octobre 2021, sur 2 800 kilomètres, avec un total de 18 rencontres. Le but de l’association demeure la construction d’un vivre ensemble apaisé dans une société pluriculturelle. Ses membres, eux-mêmes croyants ou incroyants, unis par un engagement humaniste, sont allés engager des dialogues et des partenariats avec des acteurs de paix dans la diversité des régions.

Lire aussi : Un voyage interreligieux à travers la France à la rencontre d'acteurs de la paix

Le rêve de paix de Robert Schuman

Après un bref passage par Verdun au Centre mondial de la paix, des libertés et des droits de l’Homme, nous nous arrêtons à Scy-Chazelles, sur les coteaux du pays messin, pour une visite aux racines de l’Europe. Le début du voyage a ainsi été placé sous le patronage de Robert Schuman, premier artisan d’une Europe unie, dans sa maison lorraine typique, terre disputée pendant des siècles entre la France et l’Allemagne.

C’est là, au cours d’un week-end d’avril 1950, que celui qui fut le ministre des Affaires étrangères a eu l’audace de concevoir cet « acte hardi » qui a changé le cours de l’Histoire. Avec d’autres hommes d’Etats européens, tel un visionnaire, en scellant la réconciliation franco-allemande et en posant les premières pierres de l’Union européenne, il crée les conditions d’une paix durable en Europe. La graine qu’ils ont semée a mûri, c’est à nous désormais qu’il convient de travailler pour que la paix devienne réalité malgré nos différences.

L’expérience du concordat en Alsace-Moselle

L’Alsace-Moselle est un passage obligé pour qui veut faire un voyage de la paix. Le concordat, droit local des religions établi depuis 150 ans, offre matière à réflexion sur les possibilités de coopération entre la République et les cultes. A Strasbourg, dans le quartier de la Meinau, on peut y découvrir le magnifique « Oasis de la rencontre », un jardin interreligieux reflétant la diversité des cultures et des communautés. Son université a co-construit le projet Relien, formation à la pluralité des cultures et des religions dans le monde de l’entreprise.

Plus largement, la Région Grand-Est accorde une réelle importance, civique, sociale et humaniste au dialogue interreligieux. Elle organise et anime le suivi d’un comité interreligieux, prend en charge une chargée de mission pour animer les activités du comité, organise le Forum des religions ou encore le festival des Sacrées journées… « Après ces différentes rencontres, les membres du voyage de la paix ont apprécié cette prise en charge publique de la diversité religieuse. La région Grand-Est a su trouver des réponses spécifiques aux nouvelles modalités de présence des religions dans l’espace public. La diversité, quand elle est vécue dans une logique de laïcité bien comprise, peut favoriser la fraternité et la paix civile. Nous en avons la preuve ici ! » Jacques

Le dynamisme associatif au service de la fraternité

Quand l’art devient vecteur de la rencontre. Les vitraux de Chagall et de Jean Cocteau, l’agnostique, à Metz, le monastère épuré de Le Corbusier à La Tourette, l’architecture accueillante des mosquées de Lyon et de Valence, les objets magnifiques de l’Institut culturel du judaïsme de Lyon présentés par des guides inspirés, offrent aux regards la fécondité de cultures millénaires.

A Valence, une pluralité d’associations (CPCI, Franco-Turque, Paroles communes, L'Ouverture, La Plume, Mosquée de Valence) font à Madipax un accueil particulièrement chaleureux autour d’un repas partagé, de la visite de lieux de culte et d’enseignement ; l’occasion d’échanger sur les parcours des un(e)s et des autres, de reconsidérer les stéréotypes sur l’islam. Chacune d’elles nous a offert son dynamisme, son rayonnement, sa soif de rencontre. Chaque personne rencontrée s’active sur le terrain pour promouvoir une fraternité universelle. C’est simple, direct, contagieux !

Fondée après-guerre par Roger Schütz, protestant suisse, la communauté de Taizé se propose d’ouvrir le message chrétien au monde contemporain. De fait, de nombreux jeunes et moins jeunes européens s’y côtoient, témoignant d’une recherche intense de sens et d’un besoin de rencontres autres que consuméristes ou de divertissement. La communauté ouvre aujourd’hui son accueil à des personnes en situation de migration et plus encore. « Frère Jean nous fait le cadeau d’une pleine présence, le regard franc et limpide… Chaque année, des jeunes musulmans et chrétiens viennent se rencontrer à Taizé, cela fortifie leur amitié. » Gaëtane

Lire aussi : A Taizé, l’écologie et la fraternité au cœur d’une rencontre entre musulmans et chrétiens

Après Taizé, le carmel de la Paix à Mazille (Saône-et-Loire). « Enfin, un carmel ouvert au monde. C’est, à mon avis, la seule condition pour des contemplatifs (et contemplatives) de témoigner d’une présence légitime chrétienne… J’ai mieux saisi, au cours de notre voyage, que la planète religieuse aux multiples courants trouvait ses limites, si elle n’intégrait pas d’autres personnes, très nombreuses, avec des convictions humanistes réelles, en excluant toute référence à Dieu. D’ailleurs le mot "Dieu" est usé et a beaucoup servi. Partons de l’Homme et de tous ses possibles. Comme disait un chrétien des premiers siècles : "Dis-moi quel est ton homme, je te dirai quel est ton Dieu !" » Michel

Du dialogue avec le bouddhisme et l'orthodoxie

Le bouddhisme, dans ses expressions zen et tibétaine, est perçu par beaucoup d’Occidentaux comme une « troisième voie », entre religion et philosophie, centrée sur l’expérience personnelle et les notions de libération intérieure et de compassion. Une « rencontre méditative » a été proposée, à Saint-Agrève (Ardèche) puis à Saint-Léon-sur-Vézère (Dordogne) par deux pratiquantes, témoignant de leur longue initiation personnelle.

« Ce qui marque, c’est la recherche d’une libération intérieure pour dominer nos souffrances, nos contradictions, nos passions ; un dépouillement progressif grâce à des guides très (trop) présents aux personnes. Rester éveillé, n’est-ce pas notre tâche à tous ? Mais ce retrait du monde ne me comble pas. Est-ce trop centré sur soi ? Je retiens chez eux, le goût de la paix et de la compassion. Et le combat pour la justice, que devient-il ? » Michel

« L’enseignement de la voie du Bouddha, à l’instar d’une religion, propose une voie spirituelle d’éveil et de compréhension des mécanismes mentaux. Au-delà de la prise de conscience de l’effet de nos actions sur les êtres vivants, le bouddhisme est une voie individuelle dont le but est l'éveil, par l'extinction du désir égotique et de l'illusion, causes de la souffrance de l'homme. Cette sagesse millénaire non dogmatique propose un autre regard sur les problèmes de notre quotidien sur le sens de la vie et de la paix. » Patrick

Lire aussi : Le bouddhisme : une philosophie du bonheur ?

A Doumérac (Charente), c’est une petite communauté orthodoxe, regroupant moniales et laïcs, qui offre une chaleureuse conclusion au périple. Des familles d’origine géorgienne installées dans la région retrouvent là leurs racines cultuelles. « Les clochers à bulbes du monastère orthodoxe, les amis du Centre interreligieux multilatéral pour la paix de Doumérac et l’évocation de son fondateur, le Père archimandrite Barsanuphe, leur accueil enthousiaste et chaleureux sur la finale de notre parcours, tout en nous dynamisant encore sur l’importance du dialogue vecteur de paix. » Jacqueline

L’urgence de mettre en place des espaces de rencontre féconde

Les membres de Madipax ont été frappés par la reconnaissance témoignée par nombre de leurs interlocuteurs, par l’attente exprimée d’un prolongement à ces échanges. Sous les apparences, parfois réelles d’une conflictualité accrue, la société française révèle des « gisements » de dialogue disponibles, attendant d’être traduits en actions.

A Madipax, nous pensons qu’il devient urgent de responsabiliser les citoyens, de les inciter à participer à des actions de terrain pour le mieux vivre-ensemble dans une société cosmopolite et d’imaginer un pilotage qui puisse réunir toutes les expériences et surtout leur permettre de durer.

Nous avons pris conscience que, si participer profondément à l’action visitée et à la vie des personnes sur place est essentielle dans la rencontre, il faut sans doute aller plus loin, au-delà de la personne ou du groupe en face pour atteindre une dimension interculturelle plus large. Les différents partenaires pourraient, en effet, se mettre à disposition et se réunir dans cet espace de rencontre commune, Maison du dialogue et de la paix, porteuse de la culture du tiers et ouverte sur l’avenir. N’est-ce pas l’urgence de mettre en place ces espaces de rencontre qui permettront de pérenniser ce mieux-vivre ensemble dans une diversité apaisée ?

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Jacques Hubert est fondateur et président de la Maison du dialogue et de la paix, à l’initiative de différentes actions originales favorisant le lien entre personnes de convictions diverses dont les Voyages de la Paix en France et à l’étranger à la rencontre d’acteurs du dialogue. Pour en savoir plus : maisondialogueetpaix@gmail.com





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