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Points de vue

Izetbegovic : « Il faut exclure la vengeance mais réclamer justice et verité »

Rédigé par MAYOUFI Naziha | Mardi 28 Octobre 2003 à 00:00

           

Alija Izetbegovitc l’ex- président bosniaque est décédé le 19 octobre dernier. A Sarajevo , 150.000 personnes ont assisté à ses obsèques dont 80 chefs d’états ou représentants tel le Premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan, pour qui, M. Izetbegovic n'était « pas seulement une personnalité historique, mais aussi un être honorable et noble, qui nous a inspirés par son travail, et un héros qui insufflait énormément de courage aux siens… »
le britannique David Owen, qui avait occupé le poste d'ex-médiateur européen pour l'ex-Yougoslavie, a déclaré qu 'Izetbegovic n'a pas été un interlocuteur « facile ». 'Il était très déterminé, mais il était honnête', a-t-il affirmé.
Dans les rues de Sarajevo, les habitants déploraient la mort de celui qui était considéré comme le 'père de l'indépendance' de la Bosnie.
Retour sur le parcours d’un homme dont la droiture et l’éthique dictaient ses actes: Dans son essais , Islam Between East and West il résume l’action à ceci près : « La reconnaissance de la condition humaine offre deux choix soit la soumission à Dieu, soit la révolte. Ce sont les deux alternatives à un même dilemme. La soumission à Dieu ne signifie aucunement être passif , bien au contraire , la soumission à Dieu est la voie la plus digne et humaine qui soit. Celui qui agit n’agit pas en héros mais en homme ordinaire , en homme qui a fait son devoir et s’en est remit à Dieu »
En se retirant de la vie politique en 2000 il déclara « mon plus grand regret est de n’avoir pas réussi à établir une Bosnie, démocratique, unie et prospère » s’il échoua effectivement dans cette tâche il restera néanmoins dans les mémoires comme la figure déterminée et ferme qui contre toute attente, permit la résistance de son peuple à l’épuration ethnique.




 

Alija Izetbegovitc l’ex- président  bosniaque est décédé le 19 octobre dernier. A Sarajevo, 150.000 personnes ont assisté à ses obsèques dont 80 chefs d’états ou représentants tel le Premier ministre Turc, Recep Tayyip Erdogan, pour qui, M. Izetbegovic n'était « pas seulement une personnalité historique, mais aussi un être honorable et noble, qui nous a inspirés par son travail, et un héros qui insufflait énormément de courage aux siens… »

Le britannique David Owen, qui avait occupé le poste d'ex-médiateur européen pour l'ex-Yougoslavie, a déclaré qu'Izetbegovic n'a pas été un interlocuteur « facile ». 'Il était très déterminé, mais il était honnête', a-t-il affirmé. Dans les rues de Sarajevo, les habitants déploraient la mort de celui qui était considéré comme le 'père de l'indépendance' de la Bosnie.

Retour sur le parcours d’un homme dont la droiture et l’éthique  dictaient les actes: Dans  son essais , 'L'Islam entre l'Est et l'Ouest', il résume l’action à ceci près : « La reconnaissance de la condition humaine offre deux choix soit la soumission à Dieu, soit la révolte. Ce sont les deux alternatives à un même dilemme. La soumission à Dieu ne signifie aucunement être passif , bien au contraire , la soumission à Dieu est la voie la plus digne et humaine qui soit. Celui qui agit n’agit pas en héros mais en homme ordinaire , en  homme qui a fait son devoir et s’en est remit à Dieu »

En se retirant de la vie politique en 2000 il déclara « mon plus grand regret est de n’avoir pas réussi à établir une Bosnie, démocratique, unie et prospère » s’il échoua effectivement dans cette tâche il restera néanmoins dans les mémoires comme la figure déterminée et ferme qui contre toute attente, permit la résistance de son peuple à l’épuration ethnique.

 

 

 Alija, figure de la resistance

 En 1990, Alija Izetbegovic triomphe lors des premières élections libres en même temps que les partis nationalistes serbes et croates dans leurs communautés respectives. Ils gouvernent ensemble, puis l'alliance se fracture. Musulmans et Croates misent sur l'indépendance. Armés par Belgrade, les Serbes de Bosnie décident de faire sécession. Izetbegovic haïssait la guerre et croyait pouvoir l'éviter. Il ne l’avait donc pas préparée… L'  agression  éclate pourtant et dura de 1992 à 1995 sous le silence quasi complice de la communauté internationale…

Les Serbes bosniaques  l’accusèrent à tort d’avoir essayer de mettre en place une république islamique en Europe, ce prétexte fut endossé par les croates nationalistes pour justifier une guerre ethnique qui n’avait d’autres ambitions que la convoitise d’une terre…Bien que son combat pour l’indépendance et la dignité de son peuple reçu un support majoritaire chez les occidentaux certains d’entre eux critiquèrent son appel à l’aide de pays tels l’Arabie Saoudite ou l’Iran, alors même que le défunt n’accepta de recourir à cette aide qu’ après avoir attendu en vain l’envois des troupes internationales pour sauver son peuple de l’extinction...

L’exemple le plus frappant de l’inertie de la communauté internationale fut le sort réservé à la zone de Srebrenica en 1995. Zone sous protection des casques bleus des Nations Unies, les forces bosniaques y massacrèrent 8000 musulmans . De cette tragique situation Izetbegovic dira plus tard «  Srebrenica était une zone sous protection des Nations Unies, et nous pensions qu’ils la protégerait. Selon la Charte des Nations Unies si une zone sous sa protection est attaquée, les casques bleus doivent la défendre militairement .Nous ne pouvions imaginer que les Nations Unies accepteraient une telle violation de leur propre Charte sans faire quoi que ce soit .Nous pensions que le monde empêcherait l’invasion de  Srebrenica mais nous nous sommes trompés . Srebrenica a été trahie par le monde ».

A le fin de l’année 1995 à Dayton aux Etats-Unis Izetbegovic dû signer avec Slobodan Milosevic et le président Croate, Franjo Tudjman un accord divisant le pays et mettant un terme aux hostilités sanglantes d’une guerre qui fit plus de 250.000morts.

Cet accord officialisa  la partition de la Bosnie en deux entités, la Republika Srpska (RS, entité serbe) et la Fédération croato-musulmane.

 

Une vie faite de combats

L’engagement  d’Izetbegovic remonte bien avant le conflit bosniaque. Il fut emprisonné par trois fois pour son opposition au Communisme Yougoslave. Ces accusations se transformèrent sous la vision du régime en « activités subversives ou fondamentalisme musulman ». Il fut d’abord emprisonné sous le règne dictatorial de Josip. B Tito il passa trois années en prison entre 1946 et 1949, puis fut condamné en 1972 à trois années d’emprisonnement à cause de son fameux « Manifeste Islamique » et  enfin incarcéré entre  1983 et 1988 pour avoir osé défier la dictature communiste en place, et toujours la même accusation pour justifier la sanction : « activisme panislamique »…

Entre ces trois séjours en prison il décrocha en 1956 son diplôme d’avocat de l’université de Sarajevo.

Après les premières élections pluralistes en Bosnie, 1990,  il est devenu   Président du Parti de l’Action Démocratique et de la présidence collégiale de la République . Il créa le Parti d’Action Démocratique en 1990 pour obtenir la représentativité des Musulmans de Bosnie dont l’identité était menacée par la montée des nationalismes Serbes et Croates.

En combattant  l’épuration ethnique subie par son peuple il n’abandonna son rêve d’une Bosnie multi-ethnique qu’en tout dernier ressort ; avant cela  il épuisa toutes les possibilités que ce soit sur le front militaire ou à la table des négociations avec les présidents , Slobodan Milosevic et  Franjo Tudjman.

Pourtant les bosniaques, musulmans Catholiques et Orthodoxes vécurent des siècles durant en harmonie et ne furent troublés dans cette quiétude que par les manifestations de fascismes et nazismes européens.

Dans ses mémoires « Inescapable questions : Autobiographical Notes » Izetbegovic pose sous la forme de  questions rhétoriques les éléments suivants :  « Pourquoi la guerre dans les Balkans a-t elle été permise, était-ce une conspiration, ne savaient on pas ce qui se passait, pourquoi si peu d' efforts pour l’empêcher, et est il vrai que seul des malheurs s’abattent sur les gens biens ? »…

Malgrès cela le message qu’il fit entendre au peuple bosniaque de son lit d’hôpital, peu de temps avant sa mort fut le suivant : « Il vous faut exclure la vengeance mais réclamer la justice et la verité ».

 


Bibliographie:

-'L'Islam entre l'est et l'ouest' Edition originale, 1980.
Traduction française 2003, editions François-Xavier de Guibert

-'Le manifeste Islamique' Edition originale 1970.
Traduction française 1990 editions Al Bouraq.





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