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Société

Éva de Vitray-Meyerovitch : « Je devrais être en Turquie ! »

Rédigé par Selami Varlik | Mercredi 11 Février 2009 à 10:19

           

Près de dix ans après son décès, Éva de Vitray-Meyerovitch voit réaliser son vœu de rejoindre son maître Jalâl ud-Dîn Rumî à Konya, en Turquie.



Celle qui fit connaître en France l’œuvre du maître des derviches tourneurs a quitté l’anonymat du cimetière de Thiais, dans le sud de Paris, pour être enterrée, le 17 décembre dernier, auprès de la tombe de Rumî. Ce souhait, elle l’avait publiquement formulé lors d’une conférence donnée à Konya, en 1998 ; mais elle l’avait aussi confié à ses amis les plus proches dans l’intimité des instants qui précédèrent sa mort.

C’est ce que nous raconte celle qui l’accompagna dans ces moments, son infirmière et élève Aïsha Sassi, à qui Éva avait raconté ce rêve qu’elle avait fait, avant même sa conversion, et où elle se voyait enterrée auprès de Rumî.

En véritable passionnée de la pensée de Mevlânâ, Éva de Vitray-Meyerovitch avait réussi à transmettre cet amour à de nombreux francophones intéressés par la spiritualité musulmane, en donnant une portée universelle au message de paix délivré par celui que les Turcs appellent Mevlânâ, « notre Maître ».

16 décembre 2009 : conférence dans la salle Sultan Veled, du centre culturel Mevlana, à laquelle participent M. Tahir Akyürek, maire de Konya, Dr Agah Oktay Güner, ancien ministre turc de la Culture, des professeurs et de nombreux amis d’Éva.
16 décembre 2009 : conférence dans la salle Sultan Veled, du centre culturel Mevlana, à laquelle participent M. Tahir Akyürek, maire de Konya, Dr Agah Oktay Güner, ancien ministre turc de la Culture, des professeurs et de nombreux amis d’Éva.
Yildiz Ay, qui est elle-même originaire de Konya, fait partie de cette génération qui a découvert le soufisme de Rumî à travers cette noble dame, qu’elle rencontra alors qu’elle n’avait que 16 ans.

Pourtant, ses souvenirs sont encore très clairs ; et c’est encore aujourd’hui avec émotion qu’elle raconte ce qui lui dit Éva et le « courant » qui traversa sa main quand elle prit la sienne la première fois qu’elle la rencontra. Aussi, voir un tel personnage réduit à l’anonymat et à l’oubli l’affectera profondément. « Elle n’avait même pas de pierre tombale, raconte-t-elle, on avait du mal à repérer sa tombe ; c’était vraiment triste de voir qu’une personne de son envergure n’ait même pas une pierre sur laquelle était écrit son nom. »

Dans un premier temps – la concession de 10 ans allant bientôt arriver à échéance –, Yildiz et ses amis se mobilisèrent pour renouveler celle-ci, dans l’intention de lui offrir cette pierre. Fort heureusement, l’arrivée, à Paris, d’un ancien élève d’Éva, le professeur Abdullah Öztürk, de l’université de Konya, permet de mettre en place le projet de transfert de la dépouille d’Éva auprès du tombeau de Rumî.

C’est la municipalité de Konya qui prendra ainsi en charge les frais de l’opération et qui organisera, avec l’université Selçuk et le centre culturel Mevlânâ, l’enterrement ainsi qu’un colloque à la mémoire d’Éva, et auquel participèrent ses amis comme Aïsha Sassi ou Yildiz Ay, qui firent le déplacement.

Konya, 17 décembre 2009 : après la prière funéraire prononcée devant la mosquée de Selimiye, la dépouille d’Éva est acheminée jusqu’au cimetière Uçler. Photo : © Şamil Kucur
Konya, 17 décembre 2009 : après la prière funéraire prononcée devant la mosquée de Selimiye, la dépouille d’Éva est acheminée jusqu’au cimetière Uçler. Photo : © Şamil Kucur

Plus de 400 habitants de Konya accompagnent Éva

Tous ensemble, accompagnés par plus de 400 habitants de Konya, ils accompliront le 17 décembre 2008, à 11 heures, le rite de la prière aux morts devant la mosquée de Selimiye, à l’intérieur du complexe du musée de Mevlânâ. Yildiz raconte avoir beaucoup pleuré parce que « Éva rejoignait enfin, après tant d’années, celui qu’elle avait tellement aimé ».

Voici comment elle décrit ses émotions pendant l’enterrement : « Il y avait des centaines de personnes, des vieux, des jeunes, qui venaient des quatre coins de la ville et de différents pays, uniquement pour accompagner cette femme qui avait voulu rejoindre son maître Rumî dans sa dernière demeure. C’était extrêmement émouvant, ce mélange m’a rappelé ce qu’on raconte sur l’enterrement même de Rumî, où des membres de toutes les religions étaient présents dans le cortège. En voyant ce dévouement, j’ai compris pourquoi Éva aimait tellement cette ville et ses habitants. »

Aujourd’hui, ses amies se réjouissent de voir que celle qui aima son maître d’un amour profond et sincère put enfin le rejoindre.

Aïsha, qui voit en elle la figure de « la vraie mystique » raconte qu’à ses derniers instants elle disait : « Qu’est-ce que je fais là ? Je devrais être en Turquie ! »







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