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Points de vue

Etre musulman, c’était être directement intégriste

Rédigé par Besseghir Entretien avec Ichem | Lundi 26 Mai 2003 à 00:00

           

Ichem Besseghir, le petit frère du « bagagiste de Roissy », ayant lui-même subi trois jours de garde à vue a accepté de répondre aux questions de saphirnet.info autour de l’ouvrage « Bagagiste à Roissy, présumé terroriste ».



Ichem Besseghir, le petit frère du « bagagiste de Roissy », ayant lui-même subi trois jours de garde à vue, a accepté de répondre aux questions de saphirnet.info autour de l’ouvrage « Bagagiste à Roissy, présumé terroriste ».

 

SaphirNet.info : Pourquoi votre frère a t’il écrit ce livre ?

 

Ichem Besseghir : C’est Aziz Zemouri, journaliste au Figaro Magazine qui nous a donné l’idée. Au début, mon frère était un peu réticent, mais nous avions su le convaincre en lui montrant que son livre pourrait servir d’exemple. Il a été écrit, avant toute chose, pour laisser un témoignage à son enfant. Ce livre lui permettra de savoir, pour l’avenir, ce qui s’est réellement passé . Parce qu’on a pu lire tout et n’importe quoi dans les journaux.

En plus,  nous avions envoyé pas mal de droits de réponse à différents journaux, au Figaro, à Libération, au Monde…qui n’ont jamais été publiés. Nous avons été « censurés ». A chaque  fois, on nous a dit que nos droits de réponse n’étaient pas conformes, alors que nous avions demandé à notre avocat de les rédiger ! L’écriture de ce livre lui a permis de se retrouver, de faire un hommage à sa femme, et aussi de montrer qu’on peut être musulman pratiquant et assumer ses devoirs de citoyenneté sans aucun problème.

 

Au cours de cette mésaventure, vous aussi, vous vous êtes retrouvé en garde à vue…

 

J’ai fait 70 heures de garde à vue. On nous a parqués dans des cellules en plexiglas avec la plupart des gardiens qui venaient nous voir en disant « voilà, c’est ça la famille des terros ! »

Mon père n’a pas supporté, il a fait une crise et est tombé dans les pommes. On ne nous donnait pas à manger, ou quand on le faisait, on nous ramenait du pain rassis et des oranges. Les interrogatoires étaient musclés. Pour ma part, je n’ai reçu qu’une seule gifle mais mon frère s’est vraiment fait tabasser.

 

Comment cela est arrivé ?

 

J’en avais marre d’être là pour rien. Depuis le début de la garde à vue, on nous avait isolés pour nous interroger, et nous avions donné la même version des faits, à savoir qu’il pouvait s’agir d’un complot de la belle famille, ça a énervé les policiers apparemment. Et à un moment, il y a un policier qui me demande « est-ce-que ton frère connaît Ben Laden ? ». Et moi ironiquement, je lui ai demandé  « est-ce-que vous connaissez Michael Jackson ? ». Il n’a pas apprécié et il m’a frappé. Des propos racistes n’ont pas arrêté de fuser durant la garde à vue. On n’a pas arrêté de nous insulter et de tenir des paroles blasphématoires sur l’islam…Par exemple, ils nous ont dit « même les chiens ont plus d’honneur que vous car ils ne s’agenouillent pas ! »

Mais l’image qui me restera, c’est l’image de ma mère et de mes sœurs en pleurs lors de la perquisition. Mon oncle, mon père, mon frère et moi étions à terre poignets et mains liés. La télé était à terre, mon armoire brisée, des papiers et des vêtements par terre, les policiers ont tout cassé dans la maison.

 

Pour n’avoir trouvé que des tapis de prière, des Corans !

 

Chez les musulmans, ce sont des choses tout à fait banales. Qui n’a pas de Coran, qui n’a pas de tapis de prière ? Mais pour eux, cela servait de pièces à conviction. Pour eux, si vous faites la prière, et si vous avez une cassette vidéo écrite en arabe, vous ne pouvez qu’être un terroriste ! De fil en aiguille la boucle était bouclée ! Il y avait trop de raccourcis : être musulman c’était être directement intégriste.

 

 

Maintenant que votre frère ait bénéficié d’un non lieu, quelle conclusion en tirez-vous ?

 

En l’espace de même pas 48 heures, à savoir que mon frère a été arrêté le samedi 28 décembre et que le lundi 30 décembre, on apprend que son nom, son adresse ont été déjà communiqués aux médias. A partir de là, on a eu 15 jours de lynchages médiatiques. Par contre, il a fallu 4 mois et demi pour réparer cette erreur, pour que mon frère se retrouve innocenté. C’est ça que je n’arrive pas à  comprendre …

De plus, je suis né en France, j’ai grandi en France… Mais je ne me sens plus réellement français. Je n’ai pas l’impression d’être intégré. La preuve, avant cette affaire, je faisais la prière à la mosquée. Pendant cette affaire, j’ai mis un temps à y retourner. J’avais peur d’aller à la mosquée pendant que mon frère était en prison, je craignais lui porter préjudice. Cette histoire m’avait mis mal à l’aise par rapport à ma religion…Mais maintenant ça va mieux.

C’est une épreuve, ça m’a renforcé dans ma foi. Et il faut que les jeunes d’origine maghrébine sachent que malgré tout ce qu’on peut rapporter, la religion musulmane est une richesse pour la société française. Il ne faut pas laisser les idées reçues gagner du terrain, de montrer que le terrorisme ne correspond pas du tout aux commandements de la religion musulmane.

Propos recueillis par Nicolas Mom





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