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Société

Couronnement de Charles III : zoom sur le rapport du roi à l'islam et au dialogue interreligieux

Rédigé par Lionel Lemonier et Hanan Ben Rhouma | Vendredi 5 Mai 2023 à 21:00

           

L'heure du couronnement est arrivée pour Charles III. Le roi est un fervent chrétien, dédié à l’anglicanisme. Pour autant, le monarque, très attaché à la liberté de culte, est très engagé dans le dialogue interreligieux et cultive un véritable intérêt pour les autres religions, et en particulier l'islam.



Le prince que l'on croyait éternel a fini par devenir roi après la mort de sa mère en septembre 2022. Après sept décennies passées dans l'ombre de l'emblématique Elisabeth II, Charles III est aujourd'hui le monarque du Royaume-Uni et de l'ensemble des royaumes du Commonwealth. Il le sera officiellement à l'âge de 74 ans, après son couronnement ce samedi 6 mai à l'abbaye de Westminster où il sera notamment proclamé « Défenseur de la Foi » - anglicane - et chef suprême de l'Eglise d'Angleterre. Un pays plus divers que par le passé, où les croyances non-chrétiennes de même que l'athéisme ont fortement progressé.

Bien que la cérémonie sera résolument marquée du sceau chrétien, le couronnement de Charles III fera, pour la première fois, intervenir des représentants des grandes religions présentes en Grande-Bretagne. Le serment prononcé par le roi sera précédé par une phrase inédite énoncée par Justin Welby, l’archevêque de Canterbury : « L’Eglise reconnue par la loi dont vous promettrez de maintenir les fondements (...) cherchera à favoriser un environnement dans lequel les personnes de toutes confessions et croyances pourront vivre librement. » Une introduction bien dans la ligne du prince de Galles qui expliquait déjà il y a 30 ans qu’il serait le défenseur de toutes les fois et insistait sur son désir de respecter la diversité religieuse au Royaume-Uni et ailleurs.

Ce positionnement, qui avait interpellé des esprits en son temps, ne vient pas bousculer la situation de la couronne par rapport à l’Eglise anglicane. En réalité, Charles III ne fera qu’assurer la continuation d’une évolution largement entamée sous le règne de sa mère. La reine Elisabeth II décrivait l’Eglise d’Angleterre comme une institution créant un espace de liberté entre toutes les religions.

Une foi « profonde et solide » attirée aussi par « certains aspects de l’islam »

En septembre 2022, Charles a rappelé le positionnement de sa mère sur cette question. Au cours d’une réception au palais de Buckingham, il a expliqué aux leaders religieux présents qu’il était un croyant dévoué à la religion anglicane mais qu’un souverain a « le devoir de protéger la diversité dans notre pays, qui implique notamment de protéger l'espace de la foi elle-même et de sa pratique à travers les religions, les cultures, les traditions et les croyances vers lesquelles nos cœurs et nos esprits nous conduisent en tant qu'individu ».

Face au nombre croissant de non-croyants, il a ajouté que « (ses) convictions les plus profondes (le) conduisent à respecter ceux qui suivent d’autres chemins spirituels, tout autant que ceux qui choisissent de vivre en fonction d’idéaux laïcs ». « La foi du nouveau roi est profonde et solide, plus intellectuelle et complexe que celle de sa mère. Il est sans conteste attiré par la culture chrétienne orthodoxe et certains aspects de l’islam. Une chose est sûre, il s’intéresse à toutes les spiritualités », explique au Guardian Ian Bradley, professeur émérite d’histoire religieuse à l’université de St Andrews, en Écosse.

Le nouveau roi manifeste en effet un vrai intérêt pour toutes les religions du monde et en particulier pour l’islam. Charles, qui participe régulièrement à des rencontres avec des leaders religieux, était d'ailleurs devenu l’ami d’un très respecté dignitaire musulman au Royaume-Uni, le théologien égyptien Zaki Badawi, aujourd'hui disparu. A son décès brutal en 2006, le prince avait salué sa « marque de sagesse, d'érudition, de clairvoyance et surtout d'humour ». Avant d'ajouter : « Pour moi, ce fut un immense privilège et une joie d'avoir connu une personne aussi spéciale pour qui j'avais la plus grande admiration et dont j'appréciais au plus haut point les conseils et l'amitié. »

Un roi impliqué dans le dialogue interreligieux

« Charles a converti mon grand-père à la monarchie constitutionnelle actuelle, alors qu’il était un républicain convaincu au départ (…) Ils étaient tous les deux impliqués dans le dialogue interreligieux et la construction d’une plus grande tolérance », a expliqué auprès de The National Kareem Ahmed, le petit-fils du théologien. Ce dernier avait participé à la fondation de The Three Faiths Forum en 1997, l’une des organisations britaanniques les plus importantes en matière de dialogue interreligieux. Les deux hommes s’étaient rencontrés après l'inauguration en 1986 du Muslim College de Londres, un établissement qui forme les futurs leaders musulmans du pays.

L'intérêt de Charles pour l'islam est tel qu'il a étudié l'arabe afin de pouvoir lire le Coran. Un fait qu'il avait lui-même révélé en 2013 à l'occasion d'un voyage officiel au Moyen-Orient en compagnie de Camilla. La religion musulmane est aussi, pour lui, une source d'inspiration dans son combat pour l'environnement. « Nous partageons cette planète avec le reste de la création pour une très bonne raison : c'est que nous ne pouvons pas exister par nous-mêmes sans le réseau de vie complexe et équilibré qui nous entoure. L'islam a toujours enseigné cela et ignorer cette leçon, c'est manquer à notre contrat avec la Création », avait-il déclaré au Centre d’études islamiques d’Oxford en 2010.

« Le monde islamique est le gardien de l'un des plus grands trésors de sagesse et de connaissances spirituelles accumulées à la disposition de l'humanité », avait aussi souligné le prince. Des déclarations parmi bien d'autres, plus anciennes, qui ont longtemps alimenté la rumeur (fausse de toute évidence) selon laquelle Charles se serait secrètement converti à l'islam.

Pour son couronnement, la liturgie choisie par l’archevêque de Canterbury, en coordination étroite avec le futur roi, innove et répond au désir de Charles III de faire une place aux cultes non chrétiens présents en Grande-Bretagne. De leur côté, les responsables anglicans y voient une occasion unique de susciter l’intérêt du public, à une époque où le nombre de fidèles se réduit comme peau de chagrin. Le clergé anglican et les congrégations religieuses associées ont d’ailleurs reçu des instructions et conseils pour accompagner l’événement avec ces mots : « Puissions-nous chercher à servir les autres, à nous connecter avec nos voisins et à rendre grâce à Dieu pour la merveilleuse unité que nous trouvons dans la grande diversité de notre nation. »

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