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Religions

Conseil des imams : face aux accusations de la Grande Mosquée de Paris, des voix indignées du CFCM s'expriment

Rédigé par | Jeudi 31 Décembre 2020 à 12:00

           

Les accusations portées par la Grande Mosquée de Paris pour justifier de son retrait du projet de création du Conseil national des imams a suscité l'indignation au sein du Conseil français du culte musulman (CFCM). Les représentants de la Confédération islamique Milli Görus (CIMG) et de Foi & Pratique s'expriment.



Conseil des imams : face aux accusations de la Grande Mosquée de Paris, des voix indignées du CFCM s'expriment
Plusieurs fédérations membres du Conseil français du culte musulman (CFCM) ont fort peu goûté aux graves accusations portées par le recteur de la Grande Mosquée de Paris, Chems-Eddine Hafiz, pour expliquer son retrait du projet de création du Conseil national des imams (CNI). Tandis que le président du CFCM, Mohammed Moussaoui, a très vite fait valoir son incompréhension quant au fond de la décision prise par la GMP, d’autres fédérations ont fait valoir sans détour leur indignation.

C’est le cas de Fatih Sarikir, président de la Confédération islamique Milli Görus (CIMG). « On est indigné par cette sortie inattendue, fracassante, qui s’est faite sans prévenir contre des partenaires avec lesquels la Grande Mosquée de Paris travaille depuis plusieurs semaines autour de la charte (des valeurs, pour la constitution du CNI, ndlr). On ne peut que regretter la manière de faire de la GMP », indique-t-il auprès de Saphirnews. Il se déclare aussi « choqué » et « stupéfait » de voir le représentant de l’institution parisienne « jeter l’opprobre sur des composantes du CFCM, qui en sont membres depuis des années ».

Appuyant la version donnée par Mohammed Moussaoui, Fatih Sarikir déclare ne pas comprendre les accusations de Chems-Eddine Hafiz selon lesquelles des fédérations ont « insidieusement bloqué les négociations en remettant en cause presque systématiquement certains passages importants ».

La charte doit être le fruit d’un « travail collectif »

« Nous n’avons plus touché à la version quasi-aboutie de la charte depuis le 15 décembre qui a été élaboré AVEC la GMP », signale-t-il. A moins que celle-ci ne parle de sa version de la charte, à ses yeux, vidée de sa substance initiale ? « On est dans le cadre d’un travail collectif, il n’est donc pas question de prendre la version d’une fédération et d’élaborer une charte comme la voudrait cette fédération uniquement », tempête-t-il.

Même son de cloche du côté de Hamadi Hamami, qui avait lui aussi soumis au CFCM un projet de charte élaboré par un collectif d'une centaine de mosquées. et qui déplore la volonté de la GMP de vouloir imposer son point de vue contre tous.

« Normalement, chacun devait faire un effort de part et d’autres pour trouver un consensus comme on l’a toujours fait (par le passé, au CFCM). Mais on a très vite compris que les efforts devaient se faire à sens unique », nous déclare le président de la fédération Foi & Pratique, qui dénonce « un prétexte donné par la Grande Mosquée de Paris pour, une fois de plus, jouer le rôle de l’enfant gâté de l’islam de France, en voulant soit s’imposer comme un leader sur ce dossier – comme d’autres –, soit retourner la table. (…) Soit il est celui qui donne le tempo, soit il crie au loup et discrédite tous ses interlocuteurs » en se présentant « dans le rôle de "bons musulmans" contre les "méchants islamistes" ».

« Quelles que soient nos divergences, toutes les fédérations avec lesquelles nous échangeons, visées ou pas par la GMP, sont consternées. Nous trouvons tous son procédé inacceptable. Si la GMP veut décréter qu’elle est la seule représentante des musulmans de France, grand bien lui fasse mais (…) je ne pense pas qu’une majorité des musulmans de notre pays se reconnaissent dans la vision qu’a la GMP. Là, on est dans une politisation de la religion, ce qui est inacceptable », lance-t-il.

Un appel à « bien nommer » les fédérations visées par les accusations

« Il serait temps que cette vénérable institution comprenne que les musulmans de France attendent autre chose de leurs représentants que de s’étaler dans la presse et de se permettre des propos diffamatoires envers les uns et les autres », ajoute Hamadi Hamami. Des propos qui rejoignent ceux exprimés dernièrement par les mosquées du Rhône. « C’est pathétique car, une fois de plus, on ne se rend pas compte des dégâts que cela va occasionner au sein de la communauté musulmane mais aussi nationale. Jeter en pâture des composantes de cette façon pour essayer de paraître comme le représentant légitime d’une communauté nous laisse sans voix. »

Si Foi & Pratique refuse d'être considéré comme une fédération « islamiste » (elle est liée au mouvement tabligh), celle-ci est vraisemblablement visée par les attaques de la GMP. Hamadi Hamami en appelle au recteur à « bien nommer les choses » au nom de la « clarté » dont ce dernier déclare faire preuve. « Dans pareille situation, le non-dit n’a pas sa place et des explications claires et précises devaient être données aux concernés », a indiqué en ce sens Mohammed Moussaoui.

Contacté par la rédaction, Musulmans de France (MF) n’a pas répondu à nos sollicitations tandis que le Rassemblement des musulmans de France déclare ne pas vouloir s’exprimer sur le sujet à ce stade. Selon nos informations, la Fédération française des associations islamiques d'Afrique, des Comores et des Antilles (FFAICIA), par la voix d'Assani Fassassi, est la seule à ce stade à avoir ouvertement exprimé auprès du CFCM son soutien à la sortie du recteur de la Grande Mosquée de Paris.

Mise à jour : Six fédérations du CFCM ont fait une déclaration unitaire, jeudi 31 décembre, pour dire leur consternation face aux accusations faites par la Grande Mosquée de Paris, la voici.

Le projet du Conseil national des imams, une priorité soutenue par le ministère

« Cela étant dit, le CNI se mettra en place », affirme Fatih Sarikir, « car les musulmans de France l’attendent, c’est important pour donner une reconnaissance et une légitimité aux imams qu’ils n’ont pas eu jusqu’à présent ». Le représentant de Milli Görus en appelle à la GMP à « revenir à plus de lucidité et de raison car elle reste une composante importante de l’islam de France ».

Hamadi Hamami préfère laisser l’avenir dire ce qu’il en sera du projet du CNI. Si celui-ci est bien sur la table du CFCM depuis des années, le président de Foi & Pratique déplore la situation dans laquelle se trouve actuellement l’instance représentative du culte musulman, à savoir celle où « l’agenda politique nous dicte nos priorités ». « Mais ça ne peut pas fonctionner. La preuve, c’est qu’on arrive à cet échec, qui est collectif. On a voulu mettre un chronomètre sur nos têtes qui ne correspond pas aux attentes de notre communauté en ce moment. En réalité, l’élaboration d’une charte ou la constitution d’un conseil des imams n’est pas la priorité actuelle des musulmans », tranche-t-il. « Et c’est toujours la même question : si on ne sollicite pas la base, comment voulez-vous que la base l’accepte ? »

Du côté de la présidence du CFCM, la création du CNI, qui devra passer par l’adoption d’une charte, demeure une priorité. Du côté du ministère de l’Intérieur non plus, « ce n'est pas fini. Je recevrai séparément les différentes fédérations qui forment le CFCM début janvier », a fait savoir au Parisien Gérald Darmanin. Avant d’ajouter : « Il vaut mieux que deux ou trois fédérations signent un texte qui respecte clairement les valeurs de la République plutôt qu'une mouture light soit signée par tous les participants d'une photo de famille. » Une déclaration qui ressemble fort à un soutien à la démarche de la GMP. Au détriment du travail collectif au CFCM ? « On va se donner le temps qu'il faut », a signifié le ministre. Les tractations en vue de faire converger les positions des uns et des autres s'annoncent difficiles.

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Rédactrice en chef de Saphirnews En savoir plus sur cet auteur



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