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Points de vue

Black out médiatique sur la manif. du 7 février

Rédigé par Bahri Entretien avec Fouad | Lundi 2 Février 2004 à 00:00

           

Fouad Bahri, membre responsable de l’association Justice, Islam et Dignité (JID) est aussi membre et organisateur du M.J.D. Au moment où la loi antifoulard s’apprête à être portée à l’attention des parlementaires, M. Bahri a bien voulu nous en dire un peu plus sur la réalité du terrain.



Fouad Bahri, membre responsable de l’association Justice, Islam et Dignité (JID) est aussi membre et organisateur du M.J.D. Au moment où la loi antifoulard s’apprête à être portée à l’attention des parlementaires, M. Bahri a bien voulu nous en dire un peu plus sur la réalité du terrain.

 

SaphirNet.info : Le Jid est l’un des organisateurs de la manif du 7 février. Où en êtes vous aujourd’hui ?

 

Fouad Bahri : Le 7 février il s’agit précisément d’une marche nationale. A Paris, elle partira de la place Denfert Rochereau à 13H et finira à l’Assemblée Nationale. C’est une marche qui dénonce avec virulence : l’islamophobie (le slogan en est « non à l’islamophobie ») au nom des valeurs républicaines de liberté, égalité, fraternité. Car pour le MJD (Mouvement pour la Justice et la Dignité) comme pour beaucoup de citoyens, l’islamophobie est une remise en cause des valeurs républicaines.

Nous sommes dans la phase de finition de l’organisation. Il y a environ quatre mois que cette marche a été décidée, débattue et définie par le noyau fondateur du MJD. Quand le mouvement s’est élargi à d’autres personnalités et à d’autres associations nous avons commencé à travailler en commissions (communication, finances, relais avec la province, etc.). Et, à une semaine de l’initiative, nous sommes optimistes sur la bonne conduite de la marche. Nous avons des échos très favorables à travers les contacts que nous avons eus. Toute notre démarche d’information et de communication vise à ce que l’ensemble des citoyens soient présents à cette marche. Le MJD n’est pas un mouvement musulman. C’est un mouvement civique qui défend certaines valeurs dans lesquelles beaucoup peuvent se reconnaître.

 

Vous parlez d’information et de communication. Je n’ai lu qu’un seul article sur vous pourtant ...

 

C’est tout le problème de la démarche et de l’attitude des médias. Il faut savoir que nous avions organisé une conférence débat mercredi 28 janvier à laquelle nous avions convié la presse française et étrangère. Mais aucun journaliste de la presse nationale française n’est venu. Et nous sommes certains que le corps médiatique, l’AFP en tête ait pris la décision de boycotter ou d’occulter la marche du 7 février et de privilégier la manifestation du 14 février.

 

Pour quelles raisons l’AFP ferait cela ?

 

D’une part la marche du 7 février fait peur à beaucoup de personnes dans le sens où elle intervient à trois jours du vote de la loi. Cette marche est vue d’un mauvais œil par le gouvernement qui a peur des conséquences qu’elle pourrait avoir sur le vote. Et il nous apparaît clairement que le black out médiatique décrété par l’AFP et l’ensemble des médias français a pour objectif de détourner l’attention des médias sur la manif du 14 février pour que la marche du 7 février soit un échec.

 

Vous parlez de black out alors que le MJD n’est, à ma connaissance, pas répertorié et n’a pas de ténor comme Noël Mamère… N’est ce pas aux organisateurs de s’adresser à la presse dans ces cas ?

 

Un travail de communication et de prise de contacts à été réalisé auprès de l’AFP et de l’ensemble des médias français. Il y a cette conférence débat avec la presse publique. Tous les médias français ont été invités. Aucun n’a daigné se déplacer. C’est vraiment le signe d’une volonté politique car dans la pratique, l’ensemble des médias se rallie aux communiqués de presse de l’AFP.

 

Votre manif est autorisée. Quelle raison la presse aurait-elle pour la boycotter ?

 

La marche est autorisée. Mais comme il y a eu une volonté de mettre en avant la manifestation du 17 janvier (ndr : organisée à l’appel du Parti des musulmans de France), pour faire ressortir l’idée d’une communauté musulmane en proie à l’extrémisme, il y a une volonté de médiatiser, pour d’autres raisons, la manifestation du 14 février, et d’occulter celle du 7 février. La marche du 7 février est parfaitement convenable au niveau de notre société à la différence de la manifestation du 17 janvier, donc il n’y a pas de prise, pas d’attaque de diabolisation médiatique possible par rapport à cette manifestation du 7 février. Mais cette marche est dangereuse pour le gouvernement. Car, sa réussite pourrait entraver sérieusement le vote de cette loi du 10 février.

 

La manif du 14 est quand même menée par des mouvements qui ne sont pas que des mouvements musulmans. Il y aussi des mouvements féministes, des mouvements de lutte contre l’exclusion…

 

Nous sommes favorables à toutes les manifestations qui s’opposent à cette loi. Mais il y a une différence entre la manifestation du 7 et celle du 14 février. Car la marche du 7 février dénonce l’islamophobie en tant que telle qui est la source non seulement de cette loi mais de tous les travers que nous avons constatés depuis un moment à travers des exclusions de femmes voilées de mairies, de banques, de cabinet de médecin : la libération d’un fond raciste. Il nous apparaît important de dénoncer l’islamophobie. Ce qui n’est pas le cas de la manifestation du 14 février. Mais il y a aussi et surtout que la marche du 7 février se situe avant le vote de la loi alors que celle du 14 février, apparaît, au moins sur ce plan, inutile puisqu’elle intervient quatre jours après le vote de la loi.

 

Mais ils prévoient quand même un sitting le 4 février, le jour même où la loi passe en discussion à l’Assemblée.

 

Le sitting est plutôt une action symbolique. Il ne peut pas avoir l’ampleur d’une manifestation nationale. Pour preuve, ce collectif a prévu une manifestation nationale. Donc une action de plus grande ampleur qu’un sitting qui va rassembler quelques centaines de personnes. Il n’a pas vocation à être une action populaire de contestation de masse.

 

A vous entendre, on a envie de penser qu’il y a opposition entre les organisateurs de la marche du 7 et ceux de la manif du 14 qui luttent contre le même projet de loi.

 

Il n’y a pas d’opposition. Il y a cependant une différence d’approche et différence d’objectif. Notre marche dénonce clairement l’islamophobie. Ce qui n’est pas le cas de la marche du 14 février. Ce qui est problématique dans cet événement c’est la volonté de focaliser l’attention médiatique sur la manifestation du 14 février et d’occulter la marche du 7 février qui est stratégique et beaucoup plus dangereuse pour le gouvernement.

 

Appelleriez-vous, par exemple, à participer au sitting du 4 ?

 

Parfaitement… j’appelle tous les citoyens français de toute confession et de toute croyance à se joindre à ce mouvement. J’estime qu’il faut être solidaire de toutes les actions qui s’opposent à cette loi. Mais c’est très important de mettre la dimension de cette islamophobie qui est niée par certains membres du gouvernement et qui est parfaitement acceptée et intégrée par de larges pans de notre société. Et, au nom du Jid j’appelle tous les citoyens à combattre cette islamophobie.

 

Y compris la manif du 14 ?

 

Oui, y compris la manif du 14.

 

Avez vous essayé d’unir vos forces avec les organisateurs de la manif du 14 ?

 

Oui, nous avons essayé. Mais des divergences sont intervenues au niveau du mot d’ordre à lancer. De notre côté nous sommes très attachés, encore plus aujourd’hui qu’hier, à dénoncer l’islamophobie qui dépasse le cadre de cette loi. Ce qui n’est pas l’approche du collectif contre la loi d’exclusion.

 

Propos recueillis par Amara Bamba





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