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Points de vue

Aujourd’hui, la laïcité est définie en fonction de l’islamisme et du terroriste.

Rédigé par Larabi hendaz Entretien avec Louisa | Lundi 21 Mars 2005 à 00:00

           

Louisa Larabi Hendaz s’investit depuis longtemps dans le milieu associatif. Il y a une dizaine d’années, elle fonde l’Union nationale des femmes musulmanes de France qu’elle anime pendant cinq ans. Mais sa première confrontation avec la question du voile remonte à l’année 1987. Elle y échappe de justesse puisqu’elle finit alors le lycée et s’inscrit en mathématiques à l’université de Paris VI. En 1989, quand les premières lycéennes sont exclues de leurs classes, c’est sa sœur cadette qui est menacée d’exclusion scolaire. Avec « le voile humilié », préfacé par le Pr. Jean-Marc Trigeaud, c’est une militante avertie qui donne la parole au terrain fait de son expérience sociale et intime. Entretien avec une victime insoumise de la loi antifoulard.



Louisa Larabi Hendaz s’investit depuis longtemps dans le milieu associatif. Il y a une dizaine d’années, elle fonde l’Union nationale des femmes musulmanes de France qu’elle anime pendant cinq ans. Mais sa première confrontation avec la question du voile remonte à l’année 1987. Elle y échappe de justesse puisqu’elle finit alors le lycée et s’inscrit en mathématiques à l’université de Paris VI. En 1989, quand les premières lycéennes sont exclues de leurs classes, c’est sa sœur cadette qui est menacée d’exclusion scolaire. Avec « le voile humilié », préfacé par le Pr. Jean-Marc Trigeaud, c’est une militante avertie qui donne la parole au terrain fait de son expérience sociale et intime. Entretien avec une victime insoumise de la loi antifoulard.

 

SaphirNet.info : Pourquoi ce livre maintenant ?

 

En fait, la raison première est la grande douleur qu’a provoquée une phrase de B. Stasi, après avoir remis son rapport au Président Chirac le 17 décembre 2003. Il disait à quelques termes près : « Enfin, par une telle loi, nous allons soulager des milliers de femmes qui ne portent pas le voile… ». A ce moment-là, je me suis dit d’emblée que les positions politico-médiatiques avaient changé les orientations idéologiques du voile. Dire que ces femmes sont manipulées par des réseaux fondamentalistes ne suffit plus et n’a pas vraiment convaincu l’opinion publique depuis 1989. Elles n’étaient que victimes. Dorénavant, il faut ajouter que ces femmes voilées sont de dangereuses manipulatrices munies de projets pervers. Des femmes manipulées et manipulatrices : c’est paradoxal, mais cela a marché via la participation active d’instruments de propagande puissants et officiels. La deuxième raison a été la fulgurante gangrène sociale conquérante de tous les territoires de la République, résultant de tous ces débats autour du voile et de la légitimité d’un islam en France. Cette loi propre au scolaire n’est qu’un début. Aujourd’hui, on passe le relais aux facs de médecine avec « le code de la laïcité dans les hôpitaux ». Et demain ?  Il fallait réagir à tant de mensonges énoncés d’une même voix. De là, j’ai commencé à écrire. Pourquoi la publication se fait-elle maintenant ? La France fête sont centenaire de la loi de 1905. Quelle ambiance de joie, alors qu’in fine nous sommes en train de comptabiliser nos exclus de l’école et de la société toute entière ! L’année 1905 a été appelée « le second seuil de laïcité » par Jean Baubérot. L’année 2005 sera-t-elle pour les musulmanes « le deuil de la laïcité » ?

 

Quelle explication donnez-vous au sous-titre de votre livre : « les auditions ratées de la commission Stasi » ?

 

Toute cette hystérie autour du foulard pour aboutir à cette loi injuste et discriminatoire mais salvatrice des non-voilées n’a engendré en définitive que mépris et humiliation des voilées : on exclut des femme voilées dans la pure indifférence de tous. « Le voile humilié », exprime donc cette lassitude depuis 16 ans à devoir subir à outrance un acharnement des médias et des politiciens toujours unis pour humilier ces femmes. Des médiatrices ou des médias-actrices avec un seul leitmotiv : « Soit tu coopères et tu retires ton foulard, soit t’es virée ». Où est le compromis quand on doit se soumettre à une solution unique pour étudier ?

Quant aux « auditions manquées de la commission Stasi », c’est pour répondre à M. Stasi qui n’a auditionné ou plutôt consulté (comme le dit très justement le professeur Trigeaud, car nous ne sommes pas dans un tribunal) que très peu de musulmanes voilées alors que ce sont elles qui devaient s’exprimer. On les a bâillonnées dans un silence pervers pour ensuite les déclarer vaincues avant le premier round. J’ai donc consulté quelques femmes voilées ou non afin de leur donner cette parole démocratiquement confisquée, dans la troisième partie de mon livre. Leurs témoignages interpellent.      

 

Vous avez choisi de commencer par des rappels historiques de la laïcité. Toute la première partie de votre livre y est consacrée.

 

En effet, je commence cette première partie par un bref aperçu de l’historique de la laïcité. D’une part, je pense que tous les Français n’ont pas connaissance des principes de la laïcité et de son cheminement depuis 1789 et il en est de même pour les fondements de la République et de la démocratie. La laïcité est la base de la République mais la République n’est pas la démocratie. « Le maître mot en démocratie est communication. Et en République, institution », disait Régis Debray. C’est pourquoi les détenteurs des réseaux de communication se sont emparés de la démocratie et de façon très subtile, ils ont fusionné les définitions. D’autre part, je pense que cela est surtout dû à l’influence des pouvoirs politiques qui perturbent la compréhension des Français à chaque fois que des événements internationaux viennent frapper à la porte de la France. Hélas, dorénavant, la laïcité et la République évoluent selon l’air du temps et la couleur politique de l’Etat et sont constamment liées à l’islam, ce qui est absolument antinomique avec la définition de cette laïcité immuable, socle même de la République. Aujourd’hui, la laïcité est définie en fonction de l’islamisme et du terroriste. Or, si l’islam se regarde dans le miroir du contexte international, il se fera peur à lui-même. C’est pourquoi cette liaison désabusée, qui n’est pas faite au hasard, inquiète les Français. 

  

Vous ne parlez pas que de la femme voilée. Mais vous abordez également le traitement des femmes en France d’une manière générale. Pourquoi ?

 

On fête cette année 2005 les 60 ans seulement des droits de vote des femmes en France. Une seule femme premier ministre dans l’histoire politique française et à quel prix ? La télé-réalité qui rabaisse encore et encore la femme à ce rang d’objet. La France est en tête de liste en Europe, concernant les violences faites aux femmes. On assiste à une démultiplication des mouvements féministes qui dénoncent les traitements abusifs faits aux femmes. La liste est longue. Ceci étant, on dénonce médiatiquement et aisément les discriminations contre les femmes et contre le faciès mais jamais on a vu dénoncer les discriminations faites contre les femmes voilées dans l’emploi, dans l’éducation, dans le social, etc. D'une part, on déclare que ces femmes sont soumises et manipulées mais on ne les défend pas et on ne les aide pas. Elles sont réduites à des dossiers sans noms et sans intérêts. Et d’autre part, on cherche par ces excès médiatiques à cacher la véritable souffrance et violence faite aux femmes en général. Résultat des courses : dans les images, c’est la femme musulmane qui est la pauvre aliénée qui subit les désagrégements de cet homme musulman, toujours en quête de pouvoir, mais dans les statistiques, c’est autre chose. Il faut avoir une sacrée probité intellectuelle pour différencier le bon grain de l’ivraie (et pourquoi pas de l’e-vrai : une vérité virtuelle qui satisfait certains egos).  

 

Quel public visez-vous en écrivant ce livre ?

 

Je vise tout le peuple français, et aussi européen. C’est un livre d’analyse sociologique et de témoignages. Je sais que le peuple français est mature et que la vérité est au-dessus du mensonge.

 

Avez-vous reçu des réactions des lecteurs ?

 

Dans cette perspective, je souhaite une rupture avec l’ignorance. Certes la femme musulmane doit s’exprimer mais elle doit surtout être écoutée et respectée dans ses choix. Aujourd’hui, on a trop outrepassé ses points de vues en les stigmatisant et en les banalisant.  J’ai déjà eu de très nombreuses réactions des lecteurs. Et pour le moment toutes positives. Je suis ouverte à toutes remarques.

 

On pourrait évoquer les solutions à la question du voile. Mais il nous faudrait une autre interview. Quelles voies de sortie envisagez-vous ?

 

Les solutions, c’est ce qui est le plus important. Et je pense que pour sortir de ce malaise, il faut que les médias assument leurs responsabilités en tant que vecteurs d’une information non-tronquée et objective. Ce sont les médias avec les pouvoirs politiques qui façonnent cette image négative de l’islam et des musulmans. De nombreux travaux de terrain effectués pendant des années sont souvent anéantis en quelques secondes par une émission de télévision. Difficile ensuite de ramasser les morceaux. De facto, je reste optimiste car je constate toutefois une prise de recul de plus en plus nette chez certains Français qui en ont assez de consommer de la déformation. Le travail sera certainement long mais indispensable pour le bien-être des musulmans de France.

 

Livre disponible à l'adresse de l'éditeur:

Propos recueillis par Nawfel Khadda





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