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Société

Logement : un problème à taille humaine

Rédigé par Nadia Sweeny | Mercredi 21 Juin 2006 à 14:26

           

On ne cesse d’en parler, les problèmes de logements sont de plus en plus récurrents en France. Offices HLM débordées, parcs privés inaccessibles sans gros revenus, le logement est, dans les grandes villes, un véritable cauchemar. Les premiers à en faire les frais, sont souvent les plus déshérités. Expulsés le 2 septembre dernier sur ordre du ministre de l’intérieur, les familles du 26 rue de la Tombe Issoire, sont toujours à l’hôtel de la Porte de Châtillon. Presque un an après, nous sommes retournés les rencontrer. La vie de famille dans des chambres d’hôtel est une situation qui se banalise.



La chambre d'Ignace.
La chambre d'Ignace.

Expulsions sans relogement

Le 2 septembre 2005, jour de la rentrée scolaire, plusieurs dizaines de familles sont expulsées par les forces de l’ordre. « Nous avons été expulsés suite aux hôtels qui ont brûlés à cause de l’insalubrité. Ils nous avaient promis un relogement rapide. Ça va bientôt faire neuf mois que nous attendons. Nos frères du 19ème ont tous été relogés, pourquoi pas nous ? » Se demande Ibrahima, un père de famille. Laite Daouda, Ibrahima et Ignace sont les trois délégués des trente quatre familles qui vivent encore à l’hôtel de la Porte de Châtillon. « Nous sommes tous ici, beaucoup sont partis, mais tous ceux qui ont été expulsés de la rue de la Tombe Issoire et qui attendent un logement, sont ici. » Explique Ignace. Selon eux, trois familles ont eu la chance de retrouver un logement, grâce à la préfecture. Les chambres, financées par le Samu social, ne font pas plus de 15 m². Trente quatre familles, dont la majorité est d’origine Ivoirienne, y survivent.

Les trois hommes s’accordent pour dire que leur squat n’était pas insalubre. « C’était une décision politique » disent ils. « Ils voulaient juste récupérer l’endroit. C’est pourquoi on a fait beaucoup de procès. On est parti au tribunal, mais la préfecture a quand même décidé d’expulser les gens. » Lorsqu’ils apprennent que rien n’est fait de cet immeuble pour le moment, aucune rénovation n’est entamée, les trois hommes s’exclament : « Nous ce qui nous intéresse c’est de retrouver un logement dans Paris. »

« On ne sait plus quoi faire avec les enfants, c’est bientôt les vacances et ils n’ont pas de place pour jouer. Ici, on ne peut pas faire la cuisine, on ne peut pas conserver d’aliments, en plus, il n’y a pas de climatisation, il fait très chaud. » S’inquiète Ibrahima. Effectivement, de nombreux enfants âgés de quelques mois à 12 ans jouent souvent dans le couloir : « ils ne réalisent pas trop où ils sont pour la plupart. Ils ont vécus l’expulsion, mais ils n’en parlent pas. » Explique Ignace.

Immeuble du 26 rue de la Tombe Issoire, Paris 14ème
Immeuble du 26 rue de la Tombe Issoire, Paris 14ème

« Les premiers à être relogé sont ceux qui ont épousé des femmes blanches »

Laite Daouda insiste sur la lenteur du processus de relogement. « On travail tous, nous avons des fiches de paye. Nous sommes tous capables de payer un appartement. Nous avons nos papiers et nous travaillons en toute légalité. » En effet, suite à leur expulsion, tous ceux qui n’avaient pas de cartes de séjours on été régularisés.

Les trois hommes expliquent très clairement qu’avant l’expulsion très médiatisée de leur famille, ils avaient tous fait des demandes de logement. Selon eux, « les premiers qui ont trouvé des logements sont ceux qui ont épousé des femmes blanches. » Les trois hommes ironisent : « on s’est trompé nous, on aurait du épouser des femmes blanches ». Ils expliquent qu’effectivement le fait d’avoir une femme française facilite les choses. Aucun problème de discrimination ne se pose, ou beaucoup moins. Car, ce n’est pas faute d’avoir essayé de trouver un logement dans le parc privé. « Dès que les gens entendent notre voie au téléphone, ils raccrochent ou ce n’est jamais libre. » explique Ignace. La grande majorité étant d’origine Ivoirienne, l’accent du pays est effectivement très présent dans leur langage.

Malgré toutes ces difficultés, leur situation peut paraître meilleurs que la plupart de celles qu’on peut rencontrer dans les hôtels parisiens. Car si les expulsés de la rue de la Tombe Issoire ne payent pas leur chambre d’hôtel, beaucoup n’ont pas cette chance.


Françoise et ses enfants dans leur logement
Françoise et ses enfants dans leur logement

900 € pour 7m²

Françoise est une femme d’une trentaine d’année. Expulsée en septembre 2004 de son logement suite à la revente de celui-ci. Elle vit depuis dans une chambre d’hôtel de 7 m² avec ses deux enfants de 5 et 8 ans. « Je paye 900 € depuis que j’ai repris une formation au mois de février. Avec la formation, le RMI et les allocations familiales des enfants, je gagne environ 1400 €. Cette somme ne me permet plus de bénéficier des aides sociales. » Dans un paradoxe total, Françoise gagne trop d’argent pour bénéficier d’une aide pour payer l’hôtel, mais pas assez pour prétendre à un appartement dans le parc privé. « J’ai essayé de trouver dans le privé, mais je n’arrive pas. Quand je passe les voir, ils me disent ‘non madame c’est déjà pris’. Et puis ils me demandent beaucoup de choses que je ne peux pas leur apporter. Je ne peux pas payer tout ce qu’ils me demandent et même quand je peux, ça ne marche pas. » D’autre part, la Caisse d’Allocation Familiale a un critère d’aide restreint. En dessous de 12 m², aucune aide pour le loyer ne peut être déboursée.


Non seulement le prix est exorbitant pour une chambre de 7m², mais cette chambre est de plus d’une insalubrité sans noms. Cafards, moisissures, courrant d’air, toilettes et douches sur le pallier. Voici le lot quotidien de plusieurs familles qui cohabitent dans cet hôtel et dans de nombreux autres. Un jeune couple, qui vient de mettre au monde un petit garçon et dont le père est atteint d’un handicap, vit dans ce même hôtel. Portant une canne, l’homme est obligé de grimper comme il peut les marches étroites simplement pour aller aux toilettes. Les exemples sont innombrables et ces gens survivent dans des conditions inacceptables dans un pays comme le nôtre.





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