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Culture & Médias

Les arts de l’islam mis à l’honneur au Louvre

Rédigé par Maria Magassa-Konaté | Mardi 18 Septembre 2012 à 00:15

           

L’art islamique est multiple et varié. C’est cette richesse que souhaite montrer le Louvre avec l’ouverture du nouveau département consacré aux arts de l’islam, dès samedi 22 septembre. Le musée national situé à Paris abritait déjà un bon nombre d'œuvres d’art islamique mais, avec ce projet, il compte bien donner à la culture islamique la place qu’elle mérite.



Mur ottoman ou mur du temps - Turquie, XVIe-XIXe siècles- © Musée du Louvre, dist. RMN /Raphaël Chipault
Mur ottoman ou mur du temps - Turquie, XVIe-XIXe siècles- © Musée du Louvre, dist. RMN /Raphaël Chipault
C’est dans la cour Visconti du musée du Louvre que se dresse le nouveau département des Arts de l’islam. Un grand espace de 2 800 m² a été choisi pour mettre à l’honneur des milliers d’œuvres représentant la civilisation islamique.

« Les nouveaux espaces mettent ainsi en lumière l’une des collections les plus riches et les plus belles du monde dans le domaine des arts de l’islam, du VIIe au XIXe siècle », indique Sophie Makariou, la directrice du département des Arts de l’islam, dont l’ouverture est prévue pour le 22 septembre.

Volonté politique

L’idée d’accorder une place de choix aux œuvres de la culture islamique ne date pas d’hier. Dès son origine, le musée du Louvre a toujours abrité des collections d’art islamique. Les acquisitions de ces œuvres se sont ensuite accélérées à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle. Dans la première moitié du XXe siècle, le musée s’enrichit d’œuvres d’art représentant majoritairement le Moyen Âge islamique et, de l’autre côté, l’Union centrale des arts décoratifs recueille de nombreux et très beaux textiles (tissus et tapis), chères aux cultures de l’islam.

Cependant, après avoir été de plus en plus admirées, les œuvres d’art islamique sont moins nombreuses à être exposées au Louvre. La période de la décolonisation éloigne encore plus l’intérêt porté à cette culture. Mais, dès 2001, la donne change. On veut redonner aux arts de l’islam une place de choix.
Henri Loyrette, le président-directeur du Louvre, décide de reprendre les collections du musée des Arts décoratifs. Même, jusqu’au sommet de l’Etat, on s'est mobilisé pour montrer la richesse de la culture islamique. L'ancien président de la République Jacques Chirac, initiateur du musée du Quai Branly, est ainsi à l’origine de la création de ce 8e département dédié aux arts de l’islam.

« Ce chantier est rapidement devenu un projet présidentiel voulu et soutenu par les différents chefs de l’État (…). Dès le 1er août 2003, le président de la République Jacques Chirac a annoncé la création de ce 8e département patrimonial du Louvre. Le 16 juillet 2008, lors de la pose de la première pierre, le président Nicolas Sarkozy a souligné l’importance de ce projet dans le cadre du dialogue entre les cultures et les peuples. Et c’est sous les auspices du président François Hollande que ce grand projet, à la fois artistique et politique dans le sens le plus noble du terme, voit le jour », indique Henri Loyrette.

Enfin, les cultures islamiques ont droit à la place qu’elles méritent. « Il était indispensable qu’une civilisation si importante, si intimement liée à l’ensemble des domaines couverts par le Louvre, touchant tant de siècles et de pays, ait enfin droit à des espaces dignes en qualité et en surface », juge le directeur du Louvre.

Page de frontispice - Ouzbékistan, Boukhara, vers 1600-1615- © Musée du Louvre, dist. RMN / Raphaël Chipault
Page de frontispice - Ouzbékistan, Boukhara, vers 1600-1615- © Musée du Louvre, dist. RMN / Raphaël Chipault

De l’Espagne à l’Inde, du VIIe au XIXe siècle

Pour rendre hommage à la grande diversité de la culture islamique, ce projet se veut ambitieux. Ainsi, le nouveau département des arts de l’islam s’appuie sur la collection du Louvre composée de 15 000 pièces complétée de l’important dépôt de 3 400 œuvres du musée des Arts décoratifs. « Ces deux collections réunies couvrent avec éclat l’ensemble du champ culturel de la civilisation islamique, de l’Espagne à l’Inde, et dans toute son envergure chronologique, du VIIe au XIXe siècle », explique Henri Loyrette.

Précision étymologique : cette collection d’art islamique se distingue de « l'art musulman », qui correspond à l’art des mosquées et des copies coraniques et donc à l’aspect religieux. « Le monde islamique dans son immensité, de l’Inde jusqu’à l’Espagne, sur plus de 12 siècles d’histoire, se compose-t-il uniquement d’art religieux ? Bien sûr que non. Il a largement produit des objets pour des élites, dont il n’est d’ailleurs pas toujours assuré qu’elles aient été musulmanes », précise Sophie Makariou, la directrice du département des Arts de l’islam.

Ce sont toutes ces œuvres, religieuses ou non, que dévoile au public le Louvre. Résultat : arts décoratifs, objets, miniatures, textiles et tapis, éléments d’architecture, éléments de vaisselle, illustrations, sculptures… sont là pour témoigner du riche passé de la culture islamique, qui rassemble des mondes très divers (andalou, mamelouk, ottoman, persan…).

Notons que la grande collection proposée a bénéficié de l’appui de donateurs et de mécènes comme le prince saoudien Al-Walid, le roi du Maroc ou encore l’Etat du Koweit. La Fondation Total et Lafarge ont par ailleurs soutenu la construction des nouveaux espaces et la Fondation Orange a également apporté son soutien financier à ce projet ambitieux.

Le coût total du projet s’est élevé à 98,5 millions d’euros, dont 31 millions provenant de l’Etat français, 30 millions de donateurs individuels, entreprises et fondations, 26 millions d’Etats étrangers et 11,5 millions des ressources propres du musée du Louvre.

Vase au nom du sultan d'al-Malik al-Nâsir, Salâh al- Dîn Yûsuf , dit "vase Barberini" - Syrie, 2e quart - 3e quart du XIIIe siècle- © Musée du Louvre, dist. RMN / Hughes Dubois
Vase au nom du sultan d'al-Malik al-Nâsir, Salâh al- Dîn Yûsuf , dit "vase Barberini" - Syrie, 2e quart - 3e quart du XIIIe siècle- © Musée du Louvre, dist. RMN / Hughes Dubois

Voyage au cœur de la civilisation islamique

Très prochainement, le département des Arts de l’islam accueillera le public qui pourra y découvrir son immense collection.
Le but est de le plonger dans un voyage au cœur de la civilisation islamique. Le parcours chronologique proposé offre la possibilité de suivre l’évolution des arts de l’islam, qui ont couvert trois continents, de l’Espagne jusqu’à l’Asie du Sud-Est. Les œuvres datant du VIIe au XIe siècle se trouvent au rez-de-cour tandis que le sous-sol, « parterre », contient les œuvres du XIe à la fin du XVIIIe siècle et notamment la prestigieuse collection de tapis qui saura rendre admiratif le plus grand nombre.

Les collections sont réparties en quatre sections. « A chaque fois, un texte et deux chronologies permettent de se situer sur une période d’environ deux siècles alors qu’une carte animée permet de suivre les évolutions des terres de l’Islam », indique le musée du Louvre.

La visite se veut ainsi didactique. Par ailleurs, un archéologue et un historien feront le lien entre l’islam et les sciences, et la calligraphie sera mise à l’honneur. Un bon moyen de montrer l’énorme apport de la civilisation islamique dans le monde entier.
Alors que l’islam, est de nos jours, trop souvent mal considéré, cette initiative a pour mérite de montrer la valeur de sa culture. « Redonner sa grandeur à l’Islam et ne pas le laisser aux djihadistes et à ceux qui le salissent est fondamental », estime Sophie Makariou.

Déjà, le département des Arts de l’islam promet une saison riche et variée avec trois invités : le cinéaste iranien Abbas Kiarostami, l’écrivain turc Orhan Pamuk, Prix Nobel de littérature en 2006, et l’artiste libanais Walid Raad, qui propose des créations contemporaines mêlant photos, vidéos et textes.

Comme l’Institut des cultures d’islam (ICI) de Paris initié par le maire de la capitale Bertrand Delanoë, le Louvre met sur le devant de la scène l’islam, sous un autre jour, loin des clichés.







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