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Politique

Législatives : les candidats de la « diversité », ces nouveaux politiciens de terrain

Rédigé par Maria Magassa-Konaté | Vendredi 8 Juin 2012 à 00:02

           

La diversité est quasi invisible à l’Assemblée nationale. Pourtant, même si les partis traditionnels laissent peu de place aux candidats « issus de l’immigration », ces derniers sont de plus en plus nombreux à se présenter à des mandats électoraux et n’hésitent pas à se présenter sans étiquette. A quelques jours des élections législatives, Saphirnews a recueilli les témoignages de quatre candidats issus de l’immigration, dont les parcours illustrent, chacun à leur manière, les difficultés de la « diversité » à émerger en politique. Leurs points communs : un engagement associatif et une expérience de terrain. Portraits.



Législatives : les candidats de la  « diversité », ces nouveaux politiciens de terrain

Mimoun El-Hejraoui (à gauche) et son suppléant Saïd Hadji
Mimoun El-Hejraoui (à gauche) et son suppléant Saïd Hadji

Mimoun El-Hejraoui : « Les électeurs ne se sentent pas représentés »

Mimoun El-Hejraoui se présente dans la 10e circonscription de Seine-Saint-Denis (Aulnay-sous-Bois, Pavillons-sous-Bois, Bondy-Sud-Est). Engagé dans le domaine associatif depuis les années 1990, ce cadre commercial de 36 ans se prévaut d’une expérience sur le terrain auprès des jeunes des quartiers d’Aulnay-Sous-Bois où il a grandi et vit toujours.

Son objectif pour les élections législatives : « au minimum 5 % des voix » , clame-t-il. Beaucoup plus que les 1,4 % des suffrages qu’il avait recueillis lors de sa première candidature aux législatives en 2007. « Nous avons recueilli 1,7 % des voix sur la ville d’Aulnay-Sous-Bois, soit environ 400 voix », précise Mimoun El-Hejraoui. Selon lui, cette deuxième candidature lui permet aujourd’hui de compter sur un plus grand nombre de soutiens issus du « tissu associatif local et des quartiers ».

Ce candidat indépendant explique avoir été poussé par les citoyens à se présenter. « La multiplication des candidats issus de la diversité est impulsé par les électeurs eux-mêmes qui ne se sentent pas représentés, encore moins avec la majorité sortante (UMP, ndlr) qui n’a pas cessé de stigmatiser les populations des quartiers et les musulmans», juge-t-il. C’est tout naturellement qu’il a choisi le slogan suivant : « Un candidat qui vous ressemble, un candidat qui vous rassemble. »

En 2007, il dit déjà s’être battu pour « une diversité à l’Assemblée nationale » et veut faire ressortir le potentiel des quartiers populaires mais se penche aussi sur des thèmes dont l'enjeu est « national » comme l’accès aux soins, les déserts médicaux, le logement ou la réussite scolaire. Quand bien même il sait que beaucoup d’électeurs ignorent les législatives, M. El-Hejraoui dit avoir organisé des échanges conviviaux au cœur de « petits centres commerciaux » pour mobiliser autour de sa candidature.

Seïd Ferrat et sa suppléante Floriane Palmiéri-Sall
Seïd Ferrat et sa suppléante Floriane Palmiéri-Sall

Seïd Ferrat : « On veut réveiller les consciences »

Seïd Ferrat qui se présente dans la 11e circonscription de Seine-Saint-Denis (Sevran, Tremblay-en-France, Villepinte) est également un candidat sans étiquette. Avec fierté, il raconte être entré très jeune, dès l’âge de 16 ans, dans le milieu associatif du handball en encadrant une équipe de jeunes filles. Educateur sportif et animateur socioculturel, il se présente comme un « technicien de la jeunesse et des sports ».

L’homme, qui souhaite être « un facilitateur pour ceux qui cumulent plusieurs handicaps », entre dans la politique en participant aux campagnes municipales de la gauche et adhère au Parti socialiste. Il y reste deux ans. « Je ne pouvais pas rester au PS car j’ai vite compris que toutes les décisions se prenaient rue Solférino. Les barons du parti se chargent de placer les personnes qu’ils souhaitent. Quand le PS a choisi le maire de Sevran Stéphane Gatignon pour être candidat aux législatives, j’ai décidé de quitter le parti. Cette façon de faire de la politique allait à l’encontre de mes valeurs », explique-t-il.

« Aujourd’hui, je me présente face au maire de Sevran, qui est également mon employeur car je travaille pour la mairie de Sevran », poursuit-il. Conséquence, le candidat a dû faire face, durant la campagne, à des « supputations » en étant, par exemple, qualifié de « candidat du vide ».

Lui estime avoir toute sa légitimité à se présenter car il œuvre dans le milieu associatif à Sevran depuis 17 ans. « On a les mains dans le cambouis, ce qui gêne énormément de monde », assure-t-il. « Notre mouvement s’inscrit dans la durée en vue des élections municipales de 2014. Plus on avance, plus on gagne en crédibilité. Arriver en 5e position nous satisferait. On veut réveiller les consciences ! On a des talents dans nos quartiers, on veut les révéler. »

M. Ferrat estime par ailleurs qu’aucune place n’est accordée au candidat issu de la diversité au sein du PS. « La mentalité des personnes issues de l’immigration que je côtoyais et qui sont restées au parti est de penser que l’on doit encore avoir un blanc comme leader. » « Moi, je pense qu’il faut arrêter de se dire que c’est pas pour nous. Cette époque est révolue ! Si on ne s’occupe pas de la politique, la politique s’occupe de nous car les lois touchent tout le monde », conclut le candidat.

Léla Bencharif et son suppléant Jean-Paul Chartron
Léla Bencharif et son suppléant Jean-Paul Chartron

Léla Bencharif : « Pour le renouvellement de la politique »

Léla Bencharif, qui siège au Conseil régional de Rhône-Alpes depuis 2010, se présente aujourd’hui aux législatives dans la 4e circonscription de la Loire (Firminy, Le Chambon-Feugerolles, Saint-Jean-Soleymieux, Saint-Just-Saint-Rambert, Bourg-Argental, Pélussin, Saint-Bonnet-le-Château, Saint-Genest-Malifaux) au nom d'Europe Ecologie-Les Verts (EELV). Contre les cumuls des mandats, cette « élue de terrain très engagée » est prête à quitter sa fonction qui la « passionne » au Conseil régional pour l’hémicycle.

Mme Bencharif a 25 ans de militantisme associatif derrière elle. Dans les années 1980, elle est très impliquée dans la vie associative et revendique avoir participé à la Marche des Beurs en 1983. « J’ai été nourrie au biberon associatif », dit-elle. Cette doctorante en géographie sociale et urbaine, qui a exercé le métier d’enseignante-chercheure pendant des années, a mené de nombreux travaux sur les inégalités territoriales et sociales, sur l’immigration ou encore sur la place de l’islam dans la société.

Après les élections régionales, sa première candidature, elle se rapproche d’EELV séduite par « leur analyse du rapport Nord-Sud ». Cette femme veut aujourd'hui créer une rupture dans une « volonté de renouvellement politique car il faut des personnes de la société civile et plus seulement des politiciens de formation qui cumulent les mandats ».

« On a encore en France un problème de représentation des personnes issues de l’immigration dans la politique », ajoute-t-elle. Mme Bencharif remarque par ailleurs que ces personnes représentées en politique sont souvent des femmes, « à croire que l’on accole aux hommes issues de l’immigration l’image de délinquants ou de barbus », déplore-t-elle. Pour autant, elle ne se considère pas comme « une élue de la diversité » car elle n'aime pas ce terme et se dit contre l’instauration de « quotas ».

Durant sa campagne, l’élue, qui se présente dans un territoire où la capacité à voter FN est élevée (le FN y est arrivé deuxième au premier tour de l’élection présidentielle), a rencontré des « petites mésaventures » dues vraisemblablement à ses origines : sa voiture a été brûlée et elle a reçu des lettres d’insultes. « Notre pays n’est pas capable de valoriser sa richesse », regrette-t-elle.

Mais Mme Bencharif est plutôt confiante : soutenue par le PS qui n’a pas présenté de candidat, elle a reçu le soutien des chevènementistes et du MoDem. Mais sa candidature d’union à gauche n’est pas totale car le Front de gauche y présente un candidat. Celle qui dit vivre une campagne « passionnante » bien qu'« épuisante » a hâte de voir « le nouveau visage » de l’Assemblée nationale.

Almamy Kanouté (à gauche) et son suppléant Pascal Manat
Almamy Kanouté (à gauche) et son suppléant Pascal Manat

Almamy Kanouté : « Une alternative aux partis traditionnels »

Almamy Kanouté se présente dans la 7e circonscription du Val-de-Marne (Chevilly-Larue, Fresnes, L’Haÿ-les-Roses, Thiais). Après les municipales de 2008 et les régionales de 2010, à 32 ans, il en est déjà à sa troisième campagne politique. Le mouvement Emergence sous lequel il se présente est un groupe « indépendant issu de la société civile ». « Il est l’addition des listes indépendantes des municipales de 2008. Aux législatives, nous présentons 9 candidats dans le Val-de-Marne mais aussi en Seine-Saint-Denis et en Essonne », explique-t-il.

Depuis dix ans, ce militant associatif se bat sur le terrain pour lutter contre les inégalités et les injustices. C’est de là que vient l’engagement politique de cet éducateur de rue, qui travaille dans un club de prévention à la délinquance. Avec Emergence, il souhaite proposer une « alternative » aux électeurs qui en ont « ras-le-bol des partis traditionnels ». « On veut redonner goût à la citoyenneté. Pour cela, nous avons mené un travail de longue haleine. Pour faire face à l’abstention, nous n’attendons pas les élections mais nous sensibilisons les électeurs, surtout les jeunes, tout au long de l’année », dit-il.

Contre une « diversité de façade », M. Kanouté veut une « diversité réelle » mais pas question de tomber dans l’extrême avec l’idée d’un « tout sauf le citoyen blanc ». Le militant associatif défend avant tout l’idée d’une « diversité d’opinion et d’idéologie». « C’est vrai que les politiques n’ont pas volonté à mettre en avant les différents citoyens quels que soient leurs origines, leur religion ou leur milieu social mais nous nous ne sommes pas comme cela. Nous avançons simplement avec des personnes qui ont les mêmes valeurs. Et cela concerne aussi le citoyen blanc », ajoute-t-il.

Malgré les mains tendues d’autres partis politiques, il ne veut pas se démonter car « nous avons la même légitimité à prendre des décisions », estime M. Kanouté. Ainsi, il propose de revoir la formation des policiers car « il est anormal que des interpellations policières tuent » ou encore une « réelle transparence des modes d’attribution des logements sociaux ». Le conseiller municipal de Fresnes, qui avait obtenu 11 % des voix aux municipales de 2008 et 0,45 % des voix lors des régionales où il se présentait en tête de liste, espère obtenir au minimum 5 % des voix aux législatives.

Pour tous les candidats, le scrutin et ses résultats au premier tour sont attendus dimanche 10 juin.





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