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Points de vue

La pensée musulmane pour notre temps - Laïcité et islam, incompatible ? Réponses aux critiques (3/4)

Rédigé par Mustapha Cherif | Vendredi 14 Février 2020 à 18:00

           


La pensée musulmane pour notre temps - Laïcité et islam, incompatible ? Réponses aux critiques (3/4)
A lire avant, le premier volet de la contribution : La pensée musulmane pour notre temps - Le constat (1/4)

Il faut tenir compte des critiques adressées aux musulmans pour y répondre et esquisser une réponse de la pensée médiane pour notre temps. Des réponses à trois critiques ont été formulées dans le précédent volet de cet article. Deux autres sont ici développées.

Pour quatrième critique, il est reproché aux musulmans d’avoir perdu la ligne du juste milieu, de ne pas bien communiquer et de ne pas assez s’opposer aux extrémistes. En effet, des extrêmes nuisent à l’islam. Imiter la trajectoire matérialiste, modèle libertaire en crise, et qui, malgré de prodigieux progrès scientifiques, techniques et sociaux, par certains aspects, perturbe.

Même si mettre l’accent sur les plaisirs et les arts, qui peuvent adoucir les mœurs, est utile pour socialiser, le courant moderniste, aux accents hédoniste, ne répond pas pleinement aux aspirations de l’humanité. Par ailleurs, le courant obscurantiste, qui trahit l’islam, refuse de s’ouvrir à la modernité et combat l’exercice de la raison et de la liberté. Dans les deux cas, matérialisme ou intégrisme, c’est l’impasse.

L’anthropologie culturelle affirme que toute société est face à des oppositions binaires. Chaque doctrine propose des mécanismes permettant de donner une cohérence, une signification possible et une voie pour humaniser : unifier, séparer, articuler. La culture moderniste a opté pour la séparation totale, voire l’opposition, entre le religieux et le séculier, le subjectif et l’objectif, le privé et le public, la nature et la culture, l’intelligible et le sensible, etc.

Cela a permis des progrès sur nombre de plans mais, en même temps, a produit des déséquilibres. La vision musulmane privilégie la méthode de la distinction et de l’articulation, la voie de la médianité, de l’homme total ouvert, al-insan al-kamil, pour réduire la possibilité des troubles. C’est cela qui représente une chance réciproque, pour l’Europe et pour les citoyens musulmans.

Le quiproquo doit être levé, l’islam est séculier

Cinquième critique, et à tort : l’islam est décrié comme incompatible à la laïcité et envahissant dans l’espace public. Cela bouleverse en premier lieu les musulmans. Ils savent que la confusion ruine le faire société, le vivre ensemble et l’émancipation. De par le monde, il n’y a pas une seule vision de ce qu’est la sécularité et l’expression de la religion. Aujourd‘hui, il faut reconnaître, d’une part, que la modernité s’est construite en dehors de la religion et, d’autre part, des manifestations de la religion sont excessives et nuisent à l’islam.

Des désillusions sont les maîtres-mots pour traduire la réalité contemporaine ambivalente. Les musulmans sont en train de contribuer à la recherche d’un nouveau monde, d’une laïcité ouverte. Dans ce sens, la loi de 1905 en France est un acquis, le réfèrent fondamental, un bien commun qui doit inspirer tous les acteurs. Les musulmans sont des partenaires bénéfiques même si, aujourd’hui, ils apparaissent à tort comme des dissidents et des réfractaires.

Le quiproquo doit être levé. L’islam est séculier. Le ciel n’écrase pas la terre. Il suffit de se souvenir que l’État mis en place par le Prophète à Médine se voulait l’État de droit pour tout le monde, pas des seuls musulmans. Rien dans le Coran et la Sunna ne s’oppose à l’idéal démocratique et la sécularité. Tout l’exige. Pour l’Orient, pas seulement pour l’islam, l’attachement à une valeur supérieure sacrée n’empêchent pas la possibilité de la démocratie, conséquence de la sécularisation.

Par la pensée médiane pour notre temps, l’islam retrouvera ses significations humanistes

Un individu totalement autonome, livré à sa seule finitude, coupé du monde et de l’au-delà du monde, de la religion, qui était une des sources du lien social, risque de perdre son humanité, le sens du commun. Tout comme l’individu qui vit sous le joug du collectif religieux, du seul sacré, ne peut se réaliser librement. L’islam cherche à concilier autonomie et hétéronomie. C’est une vision originale du rapport entre religion et sécularisation, entre religiosité et rationalité.

Les musulmans reconnaissent que l’État et le lien social citoyen ne reposent pas sur les sentiments religieux, mais sur des principes politiques éthiques, universels et consensuels. L’islam reconnait la souveraineté et la liberté de l’individu, notamment sur la question de la foi et des finalités de l’existence. Par la pensée médiane pour notre temps, l’islam retrouvera ses significations humanistes, loin des instrumentalisations et des idéologies sectaires.

Séculier, il recommande aux savants religieux de se tenir éloignés du pouvoir politique : « Aucun humain n’a le droit d’aller, ayant reçu de Dieu l’Écriture, la norme, la prophétie, dire aux autres : - soyez pour moi, de préférence à Dieu, des adorateurs- Mais non ! Soyez des hommes-du-Seigneur, à raison même de votre enseignement de l’Écriture, à raison de votre étude de l’Écriture. » (Coran, sourate 3, verset 79)

En retour, le pouvoir politique ne doit pas prétendre répondre seul à la question des fins. Relire le Coran et repenser la place de la religion, de la morale, de l’éthique, des valeurs de l’esprit, dans la société moderne, ce n’est pas vouloir combler un vide, surcharger le social d’un poids religieux excessif, ou contredire la laïcité. Il s’agit d’éduquer au fait que l’homme dépasse infiniment l’homme et partant de respecter autrui.

La discrétion de l’homme du juste milieu est le signe de l’élévation spirituelle

En théorie, il n’y a ni totalitarisme, ni théocratie en islam sunnite. La sécularité y est consubstantielle et naturelle. En même temps, l’islam se veut une religion qui n'ignore pas la condition humaine et la vie concrète. Cela ouvre des perspectives, pour s’intégrer pleinement dans une société laïque qui ne combat pas la religion. Ibn Arabi (1165- 1240), dans Futûhât, aborde la question de la pensée médiane, qui préserve l’Homme des déviations : « S’agissant du croyant exemplaire… il demeure exempt de toute influence… le spirituel au bel agir atteint la pleine sobriété (fî ghâyat al-sahw), à l’exemple des Envoyés. »

Le citoyen européen de confession musulmane doit se souvenir que, pour la voie mohammadienne, le croyant est humble et sobre. Il témoigne dignement, mais ne cherche pas à briller, ou à imposer son point de vue, ni à montrer ses qualités spirituelles. La discrétion de l’homme du juste milieu est le signe de l’élévation spirituelle.

Humilité et non dissimulation, il transcende les apparences, pour respecter les finalités du texte révélé et la norme profane, assumer ses responsabilités et honorer la vie. Témoigner de sa foi dans l’espace public, sans prosélytisme, ni atteinte à l’ordre public, est un droit. Mais il est inadmissible d’accentuer les clivages et d’instrumentaliser la religion. Dignité et humilité peuvent se conjuguer.

*****
Mustapha Cherif, philosophe et islamologue, est auteur d’une vingtaine d’ouvrages, notamment « L’émir Abdelkader, apôtre de la fraternité » (éditions Odile Jacob, Paris, 2016).

Lire aussi :
Contre l'islamophobie, valeurs républicaines et valeurs spirituelles convergent
Mustapha Cherif : Sans les citoyens de confession musulmane, la France ne serait plus la France




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39.Posté par francois.carmignola@gmx.com le 16/03/2020 16:30 | Alerter
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"Vous allez chercher votre savoir chez les autres"
Vous pensez donc ne devoir votre savoir qu'à vos introspections du langage et de votre propre intérieur...
C'est une position, en tout cas mais bien solitaire, quoiqu'un peu cartésienne en fait: pensez vous pouvoir tirer de cette solitude une preuve de l'existence de Dieu?

38.Posté par Premier Janvier le 13/03/2020 17:50 | Alerter
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Non. Non. Non. Rien n'est "scellé".
Les 7 sceaux de l'apocalypse c'est du chinois pour moi.
Je n'entends rien aux religions.
On ne parle pas la meme langue. C'est pour cela que l'on ne se comprend pas.
Vous allez chercher votre savoir chez les autres. Apophatisme je n'ai jamais entendu (lu) ce mot. Là est le nœud du problème.
Vous dites votre savoir quant à moi je dis ce que je pense des choses comme ça me vient.

37.Posté par francois.carmignola@gmx.com le 27/02/2020 07:45 | Alerter
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31: absolument, c'est bien le but de l'apophatisme. Par contre, vous sous estimez l'asymétrie entre dire ce qui est et ce qui n'est pas: ce qui n'est pas ne nécessite pas de savoir vraiment, et le savoir négatif est d'une autre nature...

33: attention ! Si Dieu contient ce qui n'est pas, il pourrait bien ne pas être lui même, ce qui posera des problèmes à certains (pas à moi).

34 et 35: assez d'accord et pas vraiment contre...

36: reconnaissez que vous êtes assez virevoltant vous même.

Au sujet de la révélation, vous passez sous silence que la révélation est révélation de quelque chose qui non seulement n'avait jamais été vu, mais ne pouvait pas l'être, car scellé, le processus de révélation pouvant par exemple consister à ouvrir successivement les 7 sceaux de l'apocalypse.
L'ouverture du septième est ainsi particulièrement révélateur, je vous laisse vous renseigner à ce sujet.

36.Posté par Premier Janvier le 26/02/2020 21:13 | Alerter
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Pour on est devenu hors sujet c'est ma patte. N'y cherchez pas de mystère il n'y en a pas.
On peut avoir dit une chose que personne n'a jamais dite mais ça ne s'appelle ni trouver, ni inventer, ni créer. C'était déjà là mais personne ne l'avait vu avant juste et ça s'appelle révéler. Ensuite chacun y voit ce qu'il veut.
Inventer c'est trouver ce qui était déjà là.
Vous me répondez que l'on est hors sujet et que vous voulez y rester en fait.
Ca ne change pas de d'habitude remarque. Vous etes toujours là mais jamais in. Lol.

35.Posté par Premier Janvier le 26/02/2020 18:12 | Alerter
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Les choses ne peuvent pas etre en meme temps un en dedans et en dehors si l'on en dit qu'elle sont un.
Les choses sont et donc en meme temps ne sont pas.
L'image qui représenterait le mieux ce schéma pourrait etre le ying et le yang. Elles sont et en meme temps ne sont pas mais elles sont indissociables. Elles sont un.

34.Posté par Premier Janvier le 26/02/2020 17:57 | Alerter
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Lorsque l'on parle on ne dit pas ce que sont les choses on dit ce qu'elles ne sont pas.
On dit ce qu'elles sont et donc ce qu'elles ne sont pas et on dit aussi qui l'on est.
On ne peut pas se savoir. On ne peut que se connaitre.
Lorsque l'on parle on ne le fait pas pour faire connaitre quelque chose, on dit juste de ce que l'on dit que l'on en sait rien.
On dit que l'on en sait rien puisque l'on dit qu'elles sont et donc ne sont pas.
Si on le fait c'est parce que ce que l'on cherche dans l'autre à etre conforté afin de faire devenir un vrai ce que l'on a trouvé.
On le contraire, à savoir si l'autre aurait pensé à une chose à laquelle on aurait pas pensé qui pourrait en faire devenir un faux.

33.Posté par Premier Janvier le 26/02/2020 17:28 | Alerter
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Dieu doit contenir lui meme ce qu'il n'est pas.
Autrement il devient une limite et donc il n'est pas Dieu.

32.Posté par Premier Janvier le 26/02/2020 16:28 | Alerter
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On ne peut pas réunir deux choses si l'on dit qu'elles sont deux.
Ce qu'est Dieu et ce que n'est pas Dieu sont deux choses.
Ce qui n'est pas Dieu n'est pas Dieu est différent de ce qui est Dieu est Dieu.
Ce qui n'est pas Dieu est autre chose que Dieu.
S'il est autre chose, il n'est pas ce qui n'est pas Dieu.

31.Posté par Premier Janvier le 26/02/2020 16:07 | Alerter
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Dire ce qu'il n'est pas c'est dire ce qu'il est.
Egalement, si l'on dit ce qu'il est on dit ce qu'il n'est pas.
Pour pouvoir le faire il faudrait le savoir, autrement dit ne pas en avoir eu soi meme l'idée, ce qui est impossible si l'on en dit ce qu'il est ou ce qu'il n'est pas.

30.Posté par francois.carmignola@gmx.com le 26/02/2020 08:23 | Alerter
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L'apophatisme consiste à expliciter spécifiquement ce que Dieu n'est pas pour mieux le décrire...
Loin d'être une affirmation de sa non existence, c'est au contraire une manière de raffiner l'affirmation de son être. Généralement on lui retire tout espèce de consistance matérielle, comme d'avoir un milieu ou des bords. Cela pour accentuer le mystère.

"on est devenu hors sujet": voilà qui est "vraiment" mystérieux...

29.Posté par Premier Janvier le 25/02/2020 17:12 | Alerter
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Un n'a pas de contraire, il n'a que des semblables, d'autres uns.
Mais les autres uns disent de un qu'il n'existe pas. Puisqu'il y en a plusieurs.
Le milieu de un se trouve dans un et pas au milieu de deux autres uns.
Un non arbre ça n'existe pas.
Par contre il peut exister un vrai arbre et un faux arbre.
Mais si l'on dit d'un faux arbre qu'il existe ou dit d'un vrai arbre qu'il n'existe pas.
Il est impossible de dire d'un arbre qu'il n'est pas un arbre. Puisque le faire oblige à le nommer.
Par contre il peut y avoir d'autres arbres, des semblables mais ça dit d'un arbre qu'il n'existe pas.
Un arbre existe, n'existe pas, est les deux en meme temps et aucun des trois.

28.Posté par Premier Janvier le 24/02/2020 18:24 | Alerter
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Si l'on ne sait pas dire le milieu c'est soit qu'il ni en a pas, soit qu'on ne le connait pas. Comme pour vrai, faux et je ne sais pas, ce dernier n'est pas un milieu.

27.Posté par Premier Janvier le 24/02/2020 18:08 | Alerter
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Dieu est lui et pas un autre, seulement il n'a pas de milieu.
C'est d'ailleurs ce que dit la définition que vous dites.
Et ce que l'on cherche c'est le milieu.
Vous me promenez. Et je me laisse promener. Lol.

26.Posté par Premier Janvier le 24/02/2020 17:33 | Alerter
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Une chose, son contraire, les deux en meme temps ou aucune des trois.
Un bord, un autre bord, son milieu. Jusque là ça va.
C'est aucun des trois qui pose problème.
La perfection n'est aucun des trois.
Ou en était là.
A dire ce que sont les choses, à les situer, à tenter de trouver un semblable, un contraire ou un milieu.
Le milieu était devenu la perfection et on situait la perfection. On en était là.
Vous lui avez donné comme définition un infini fini.
Elle n'a pas de contraire elle est elle meme son contraire donc.
Tandis que ce que l'on cherchait était deux contraires et son milieu.
On est devenu hors sujet.

25.Posté par Premier Janvier le 24/02/2020 16:58 | Alerter
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Pardon. J'ai compris. J'ai juste mal lu.
Vous donnez une définition du mot Dieu.
Mais là ou devient hors sujet.
On en était à définir ce que sont les choses, à les situer.
Meme là ou elle ne se trouve pas, elles se trouvent quelque part. Puisque l'on dit qu'elles si trouvent.
Ce que l'on cherche c'est ce qui est lui. Ce qui n'est pas lui. Qui peut etre les deux en meme temps ou aucun des trois.
L'exemple de Dieu ne convient pas. Il ne peut pas ne pas etre lui.
Une chose, son contraire, les deux en meme temps ou aucune des trois.

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