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Société

L’aide des musulmanes voilées refusée par les Restos du Cœur

Rédigé par | Vendredi 22 Novembre 2013 à 06:00

           

La solidarité se joue des différences... sauf aux Restos du Cœur. L'association des Enfoirés est au centre d’une polémique après son refus, dans plusieurs de ses antennes régionales, d’accepter l’aide de musulmanes voilées. Islamophobie vraiment ? Le mouvement interreligieux Coexister dénonce plutôt une discrimination caractérisée visant à l'effacement de la visibilité religieuse dans l'espace public.



L’aide des musulmanes voilées refusée par les Restos du Cœur
« Aujourd’hui, on n’a plus le droit ni d’avoir faim, ni d’avoir froid. » Ni de porter le voile pour les Restos du Cœur. A moins que la musulmane ne soit donatrice ou bénéficiaire. L’association est au centre d’une polémique après son refus, dans plusieurs de ses antennes régionales, d’accepter l’aide de personnes voilées. A Grenoble et au Mans, des jeunes femmes se sont vues interdites de la possibilité de devenir bénévoles en raison de leur hijab, rapporte le mouvement interreligieux Coexister.

Cette pratique n’est pas nouvelle : le refus constaté à Grenoble en janvier 2013 n’a été rendu public qu’après celui observé au Mans fin octobre par Coexister, dans la mesure où la Mancelle discriminée n’était autre que la responsable locale de l’association. D’autres cas plus anciens ont également été recensés ailleurs en France par le Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF), nous fait part le service juridique.

Kippa et voile dehors

La réaction de Coexister ne s’est pas faite attendre. Ses membres, dans un communiqué daté du 8 novembre et titré « Restos du cœur ou Restos des peurs ? », ont dénoncé ces refus « proprement discriminatoires ». Leur décision « heurte notre conscience et nous semble de nature à fragiliser une cohésion sociale déjà fortement mise à mal par la crise et par les précarités qu'elle engendre ». « Elle est aussi une atteinte à la liberté religieuse, garantie par la laïcité, qui permet à tous les citoyens d'être libres de leurs convictions et de leurs appartenances, tant que celles-ci ne troublent pas l'ordre public », lit-on.

« Nous sommes d'autant plus choqués par cette décision que, pour nous, le bénévolat et l'exercice de la solidarité ne peuvent en aucun cas être réservés à telle ou telle catégorie de population. Par définition, la solidarité se joue des différences, qu'elles soient ethniques, culturelles ou spirituelles », ajoute Coexister. Sauf pour les Restos du cœur qui a répondu à ces attaques en brandissant une charte des bénévoles qui leur stipule « une indépendance complète à l'égard du politique et du religieux ».

Un « prétexte » pour Alaume Houdry, secrétaire national de Coexister. Les antennes déclarent « appliquer une directive nationale alors qu’il n’est nullement question d’interdire les signes religieux. Elles se cachent derrière la charte mais c’est détourner ses valeurs que d’interdire une femme de porter le voile », déclare-t-il à Saphirnews. Il se refuse toutefois d’accuser les Restos du Cœur d’islamophobie car ce sont également les kippas qui sont refusées par l’association.

Le dialogue privilégié sur le recours judiciaire

Coexister exclut malgré tout de porter plainte contre les Restos du Cœur car « nous ne pensons pas nécessaire d'entamer des poursuites pour venir à bout de ce que l’on souhaite mais on prépare une série d’actions afin d’espérer un changement de politique » de l’association, sans préciser davantage sur la nature des actions, juge Alaume. « On veut comprendre pourquoi ils entretiennent une directive qui va à l’encontre de la liberté religieuse » dans le cadre d’un « échange calme » entre les parties, loin de la « polémique médiatique ».

Du côté du CCIF, le dossier est en cours d’étude. La charte des bénévoles n’a « aucune base légale et n’a pas de valeur juridique. Elle peut servir de règlement intérieur pour une entreprise privée mais le principe de laïcité ne peut pas être invoqué aux particuliers », souligne Lila Charef, chargée du pôle juridique. La célèbre association des Enfoirés fondée par Coluche a tout intérêt à réviser sa politique de « neutralité » que le principe de laïcité, qui va être débattu à nouveau le 27 novembre dans le cadre de l'affaire Baby Loup, ne saurait justifier.



Rédactrice en chef de Saphirnews En savoir plus sur cet auteur



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