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Religions

Immigration, affiliation religieuse et transmission, ce que dit l'étude de l'Insee sur le rapport des Français à la religion

Rédigé par Lionel Lemonier et Hanan Ben Rhouma | Vendredi 31 Mars 2023 à 16:00

           

Quelle place laissent les Français à la foi et à la pratique religieuse dans leur vie ? Une nouvelle étude de l'Insee sur la diversité religieuse en France met en lumière le lien migratoire dans le rapport à la religion des 18-59 ans, relevant au passage une transmission de la foi et des pratiques aux enfants plus marquée par les musulmans et les juifs qu'au sein d'autres groupes.



Avec 29 % de la population se déclarant catholique, le catholicisme reste la première religion en France. Mais « l’islam est déclaré par un nombre croissant de fidèles (10 %) » et il « confirme sa place de deuxième religion en France. Le nombre de personnes déclarant une autre religion chrétienne augmente également, pour atteindre 9 % », d’après une nouvelle étude de l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) publiée jeudi 30 mars. Dans le même temps, la désaffiliation religieuse est en constante progression : 51 % de la population des 18 à 59 ans en France métropolitaine déclarent ne pas avoir de religion, contre 45 % en 2008.

Conduite par des chercheurs de Sciences Po Bordeaux (Vincent Tiberj), de l'Institut national des études démographiques (Patrick Simon) et de l’université d’Utrech, en Allemagne (Lucas Drouhot), cette étude utilise des statistiques récoltées en 2019 – 2020 pour l’enquête Trajectoires et Origines 2. Ils révèlent l'impact du lien migratoire en matière d'affiliation religieuse.

Le lien entre affiliation religieuse et immigration démontré

Il existe, en effet, de réelles différences en fonction des origines et des histoires familiales. Chez les 18-59 ans, 81 % des immigrés arrivés après 16 ans se présentent comme étant affiliés à une religion, pour seulement 42 % des personnes sans ascendance migratoire ou ultramarine sur deux générations. « Cette distance à la religion varie considérablement selon le lien à la migration », note l'étude.

Plus précisément, l’enquête révèle que seulement 11 % des immigrés algériens se présentent comme sans religion, pour 89 % qui se déclarent musulmans ; 5 % des personnes originaires de l’Afrique sahélienne se présentent comme sans religion, pour 84 % qui se disent musulmans. Enfin, 13% des immigrés d’origine turque ou du Moyen-Orient indiquent qu'ils n'ont pas de religion pour 72 % qui revendiquent l’islam. A noter que chez les personnes originaires de l’Asie du Sud-Est, 48 % se présentent sans religion pour seulement 35 % qui revendique le bouddhisme.

Une religiosité plus marquée chez les musulmans

Si le sentiment religieux reste bien présent chez près de la moitié des habitants de l’Hexagone, les croyants se tournent-ils pour autant vers Dieu dans leur vie de tous les jours ? En réalité, « la fréquence et l’intensité de la pratique religieuse varient en fonction de la religion déclarée : seuls 8 % des catholiques fréquentent régulièrement un lieu de culte, contre un peu plus de 20 % des autres chrétiens, des musulmans et des bouddhistes, et 34 % des juifs », indiquent les chercheurs. Les différences sont encore plus grandes concernant la prière. Si 58 % des musulmans déclarent prier au moins une fois par semaine, les chrétiens ne sont que 31 % à s'adresser à Dieu régulièrement, 15 % chez les catholiques.

« La dissociation entre la fréquentation des lieux de culte et l’importance déclarée de la religion dans la vie montre que cet indicateur mesure mal la religiosité des musulmans », lit-on. Ainsi, 76 % des musulmans disent que la religion a beaucoup ou assez d’importance pour eux, contre 27 % des catholiques et 39 % des autres chrétiens. Alors que 47 % des catholiques et 76 % des autres chrétiens pour lesquels la religion a beaucoup d’importance fréquentent régulièrement un lieu de culte, seuls 34 % des musulmans qui estiment que la religion est très importante sont dans ce cas.

Autre enseignement, « la dissociation entre fréquentation de la mosquée et religiosité s’accompagne pour les musulmans d’une forte différenciation de genre : 30 % des hommes musulmans et 10 % des femmes musulmanes fréquentent régulièrement la mosquée, alors que les secondes déclarent un peu plus souvent (78 %) que les premiers (73 %) que la religion est importante dans leur vie ». Parmi les catholiques, seuls 8 % des hommes et 9 % des femmes assistent régulièrement à la messe.

« Les pratiques de jeûne sont pratiquement tombées en désuétude dans les confessions chrétiennes », avec seulement 3 % des catholiques et 5 % des autres chrétiens qui affirment faire le carême strictement, signale aussi l'étude. Les rares chrétiens à encore pratiquer ce rite sont les immigrés originaires d’Afrique centrale dont 20 % le pratiquent strictement. Un chiffre sans commune mesure avec les musulmans puisque 75 % d'entre eux déclarent respecter le jeûne - celui du mois du Ramadan - strictement et 15 % « plus ou moins ».

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Le rôle important des parents dans la transmission de la foi

Comme l’affiliation religieuse, « la religiosité dépend principalement de la socialisation religieuse parentale ». Pour preuve, « 60 % des personnes sans religion reportent avoir reçu une éducation parentale dans laquelle la religion n’avait pas d’importance », rapportent les chercheurs. Reste que la transmission familiale n’est pas aussi forte selon l'appartenance religieuse des Français. 91 % des parents musulmans parviennent à transmettre leur foi à leurs enfants. 84 % des parents juifs ont des enfants qui se revendiquent comme tels aussi. Mais seulement 67 % des parents catholiques et 69 % des parents d’une autre religion chrétienne y parviennent.

« Ces taux de transmission par religion varient également en fonction des groupes d’origines, expliquent les chercheurs. Ainsi, dans les familles catholiques natives d’Outre mer, les taux de transmission sont plus élevés (71 % pour la deuxième génération) que ceux observés dans les familles sans ascendance migratoire (66 %). De même, les familles musulmanes originaires du Maghreb transmettent un peu moins (89 %) que celles de Turquie ou du Moyen Orient, ou d’Afrique sahélienne (97 %) ».

L’adoption d’une religion différente de celle de ses parents n’est pas très répandue. « La majorité des personnes qui n’ont pas suivi l’affiliation de leurs parents ont quitté la religion plutôt que d’en adopter une autre, indiquent les chercheurs. Le "taux de sortie" de la religion est particulièrement marqué (57 %) chez ceux dont les parents ont deux religions différentes ou dont un parent est sans religion. Cette mixité religieuse parentale concerne 16 % des personnes de la deuxième génération comme de la population sans ascendance migratoire. Elle est de 14 % chez les catholiques de la deuxième génération et de seulement 6 % chez les musulmans de la deuxième génération ».

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