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Economie

Halal : grande distribution et PME, des ennemis jurés ?

Rédigé par Pauline Compan | Lundi 28 Mars 2011 à 09:26

           

Avec plus de 10 % de croissance par an, le marché du halal apparaît comme le nouvel eldorado en ces temps de crise économique. Depuis 5 ans, les industriels de l’agroalimentaire et les grandes surfaces investissent massivement dans ce marché. Un engouement qui n’est pas sans conséquences pour les acteurs traditionnels de la filière halal. Mais, si beaucoup se sentent dépossédés, d’autres travaillent déjà avec les grandes entreprises pour sous-traiter leurs produits halal.




Une grande surface LECLERC à Vitry-sur-seine dans le Val de Marne.
Une grande surface LECLERC à Vitry-sur-seine dans le Val de Marne.
La montée en puissance des grandes marques d’agroalimentaires sur le halal redéfinit-elle la donne sur le marché ? Pour le savoir, Saphirnews a interrogé Alaa Abdul Hadi Gafouri, propriétaire de la société GHT (désormais fermée), spécialiste de la traçabilité halal et de la société PHI, producteurs de produits surgelés et de conserves halal. Il livre son sentiment par rapport à l’arrivée de nouvelles gammes de produits halal, lancées par de grands industriels agroalimentaires. Saphirnews a également questionné Abderrahman Bouzid, consultant, expert pour le marché du halal. Il a travaillé avec le groupe Casino au lancement de leur gamme halal Wassila. Pour lui, l’arrivée des grandes surfaces sur ce segment ne vient pas directement concurrencer les acteurs traditionnels.

Des positions irréconciliables ?

« Le halal, c’est un métier. » Cela fait plus de 30 ans que M. Gafouri travaille dans le halal et il se souvient d’un temps où les grandes surfaces refusaient d'« avoir des Arabes dans ses magasins ».

Un temps désormais bien révolu. Les évolutions mettent d’ailleurs en colère ce gérant de société. « Le halal, c’est avant tout un acte d’adoration, on ne peut pas me dire que Carrefour, par exemple, va adorer Dieu. » Une phrase qui résume bien l'amertume de certains industriels : ces musulmans se sentent aujourd'hui dépossédés de leur gagne-pain, alors même que les nouveaux acteurs ne sont pas des musulmans pratiquants et n'ont a priori aucune raison (autre que monétaire) à respecter des principes religieux.

Alors, face à l’arrivée de la concurrence, le chef d’entreprise préfère croire à un prochain électrochoc. « Il va y avoir un nettoyage sur le marché du halal, car c’est un marché où l’on ne peut pas tricher. Des personnes sont désormais capables de défendre le consommateur musulman. Si on est organisé, on peut avoir un rôle à jouer. »

L’intensification de la concurrence devrait donc entraîner la faillite des acteurs produisant du « faux halal » ? C’est en tout cas un avis que partage Abderrahman Bouzid. L’ancien consultant de Casino l’a affirmé à Saphirnews : « Les acteurs qui s’en sortiront seront ceux qui seront capables d’offrir des garanties aux consommateurs. »

Mais à en croire M. Bouzid, il n’y aurait pas directement de conflit entre nouveaux acteurs et acteurs traditionnels du marché. « Seulement 22 % du chiffre d’affaires du halal est réalisé dans la grande distribution. Le reste est l’apanage de réseaux commerciaux spécifiques, en place depuis que les consommateurs sont sur le territoire français. »

Cette dichotomie résulterait d’un fossé des générations. « Pour mon père, très âgé, il est hors de question d’acheter sa viande ailleurs que chez son boucher. » D’autant plus que les grandes surfaces viseraient un public bien précis : des femmes musulmanes trentenaires, actives et soucieuses de ce qu’elles mangent. Avant d’investir dans le secteur du halal, les grandes surfaces ont d’abord repéré cette cible marketing et veulent s’adresser principalement à elles.

Une opposition déjà obsolète ?

La situation actuelle peut-elle être comparée à l’arrivée dans les années 1960 des premiers hypermarchés et les inquiétudes ainsi soulevées parmi les petits commerçants ? Dans une telle hypothèse, la situation du halal pourrait évoluer vers des situations inédites d’intégration des acteurs à différentes échelles.

Certaines grandes surfaces comme Super U, par exemple, se fournissent désormais auprès de producteurs locaux. Elles surfent ainsi sur la tendance « think global, act local ». Pas besoin d’aller chercher ses tomates à l’autre bout du monde, il y a des producteurs installés dans les zones géographiques des hypermarchés. Les géants de l’agroalimentaire pourraient ainsi s’appuyer sur l’important réseau de PME déjà installées sur le halal.

Socopa sous-traite d’ailleurs déjà une partie de sa production à CHT. Casino s’appuie sur « des partenaires industriels » pour sa gamme Wassila. Carrefour traite également avec des industriels « sélectionnés pour leur savoir-faire et la qualité de leurs produits ». L’intégration semble donc en marche malgré des résistances : « J’ai été contacté par Casino pour sa gamme halal mais j’ai dit non, je ne trouve pas logique qu’ils fassent des produits alors qu’ils ne connaissent pas le halal », explique M. Gafouri.

Car ces nouveaux industriels n’ont pas de liens particuliers avec la religion. Pour vendre leurs produits, ils s’appuient, le plus souvent, sur les certifications délivrées par les Grandes Mosquées d’Evry, de Paris ou de Lyon. Un système qui montre ses limites (avec l’affaire Herta par exemple) et rend d’autant plus urgente l’adoption d’une charte ou d’une norme commune sur le halal. « Il faut aller vers un consensus sur un cahier des charges » , plaide M. Gafouri. Un consensus qui apparaît aujourd’hui comme une urgence face aux demandes des consommateurs.







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