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Points de vue

Dhikr : invoquer le nom de Dieu, ne pas oublier ses bienfaits

Rédigé par Seyfeddine Ben Mansour | Lundi 21 Juillet 2014 à 06:00

           


Dhikr : invoquer le nom de Dieu, ne pas oublier ses bienfaits
Si Ramadan est le mois du jeûne, il est aussi celui de pratiques rituelles qui ont cours tout au long de l’année, et qui, durant le mois saint, gagnent en importance et en signification. Il s’agit de la prière, certes, mais aussi du dhikr, la remémoration-invocation de Dieu.

On invoque le Créateur en récitant la shahâda, la profession de foi (« Il n’y a de divinité que Dieu » ; La ilaha illa Allah) ou par son nom de majesté, Allah, nom qui synthétise et embrasse tous les autres. Ou encore par ses 99 autres, précisément, ces « beaux noms » (al-asmâ’ al-husnà) qui se répartissent en attributs de beauté ou de douceur d’une part, de majesté et de rigueur, de l’autre. Les premiers sont évidemment beaucoup plus invoqués que les seconds, et certains font l’objet d’une mention particulière, comme ar-Rahmân, « le Très-Miséricordieux », ar-Rahîm, le « Très-Compatissant », al-Latîf, « le Bienveillant », et bien d'autres.

Se souvenir du Seigneur

Pratiqué avec une intention sincère (niyya), le dhikr mène à la proximité de Dieu, comme le souligne ce hadith qudsî (propos divin non coranique dans lequel Dieu s’adresse à l’être humain à la première personne) : « Je suis auprès de l’idée que Mon serviteur se fait de Moi, et Je suis avec lui lorsqu’il M’invoque. »

A ses Compagnons le Prophète dit un jour : « Les cœurs rouillent comme rouille de fer. » – « Et qu’est-ce qui les fait briller ? », demanda l’un d’eux. « L’invocation de Dieu et la lecture du Coran », répondit le Prophète. Nombreux sont en effet les versets dans lesquels il est recommandé d’invoquer Dieu. Le Coran invoque en premier lieu l’éminence du dhikr : « Y a-t-il un acte plus grand que celui de se souvenir du Seigneur (dhikr Allah) ? » (s. XXIX, v. 45). Le mot est ici à entendre dans son acceptation la plus large, qui englobe la prière (s. LXII, v. 9), l’honneur de la Révélation faite à Muhammad et aux Arabes (s. XLIII, v. 44), l’apprentissage par cœur du Coran (s. LIV, v. 17), etc.

Comme le soulignent les soufis – chez qui la pratique du dhikr occupe une place centrale – la remémoration-invocation de Dieu doit son caractère éminent au fait qu’elle est prescrite à tout moment. Elle détermine en fait chez l’être humain tout mode de présence à Dieu, quelle que soit la situation ou l’activité : « Ceux qui, debout, assis ou couchés, ne cessent d’invoquer Dieu » (s. III, v. 191).

Paix et protection

Le Coran souligne par ailleurs les bienfaits spirituels de l’invocation. Ainsi le dhikr est paix : « N’est-ce pas que c’est au souvenir de Dieu que s’apaisent les cœurs ? » (s. XIII, v. 28) ; il est protection : « Lorsque ceux qui craignent Dieu se sentent effleurés par le souffle de Satan, ils se souviennent de leur Seigneur et aussitôt redeviennent clairvoyants » (s. VII, v. 201).

Plus généralement, le dhikr pourrait à lui seul résumer la perspective spirituelle de l’islam. Seul le dhikr, en effet, permet de lutter contre l’amnésie qui atteint l’homme, oublieux du pacte (mîthâq) scellé avec Dieu dans la prééternité : « Rappelez-vous les bienfaits que Dieu vous a accordés ! N’oubliez pas le pacte qu’Il a conclu avec vous, lorsque vous avez dit : "Nous avons entendu et nous avons obéi !" » (s. V, v. 7).

Comme le rappelle si souvent le Coran, l’homme est oublieux par nature, oublieux des bienfaits de Dieu, et le kufr (étymologiquement, « négation », puis « mécréance ») correspond bien à cette ingratitude quasi ontologique d’où va découler l’impiété. Le dhikr consiste dès lors à lutter contre ce penchant humain à la négligence, afin d’être présent à Dieu, c’est-à-dire être conscient de la présence divine. Il est aussi le premier pas sur la voie de l’amour car, comme le disent les soufis, quand on aime quelqu’un, on aime répéter son nom et on ne cesse de penser à lui.

Première parution le 14 juillet 2014 sur Zaman France.

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