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Société

Deux prépas pour promouvoir la diversité dans le journalisme

Rédigé par | Vendredi 18 Août 2017 à 08:30

           

Créées respectivement en 2007 et 2009, la Chance aux concours et la Prépa Egalité des chances ESJ Lille/Bondy Blog permettent à des étudiants boursiers de rejoindre des écoles de journalisme. En une dizaine d'années, ces deux dispositifs se sont imposés en affichant des taux de réussite qui oscillent aujourd'hui jusqu'à 80 %, le tout afin de viser à la diversification des profils des futurs journalistes.



Les élèves de la Chance aux concours en compagnie d'Alice Antheaume, directrice de l'école de journalisme de Sciences Po.
Les élèves de la Chance aux concours en compagnie d'Alice Antheaume, directrice de l'école de journalisme de Sciences Po.
Juillet 2006, la France découvrait le visage d’Harry Roselmack, le remplaçant estival de l’emblématique Patrick Poivre d’Arvor. Pour la première fois, un journaliste noir présente le JT de 20h. Cette évolution est analysée pour certains comme une réponse au manque de représentation de la diversité de la population française à la télévision, dans un univers qui compte à ce jour une faible minorité de non-blancs issus de couches sociales modestes. A la suite des révoltes de 2005 dans les quartiers populaires, toute une série d’initiatives ont été impulsées pour décloisonner des domaines fermés à certaines couches sociales.

En 2007, un collectif de journalistes, produits du Centre de formation des journalistes (CFJ), lance la Chance aux concours (CAC). L’objectif est de mettre à disposition d’étudiants boursiers et motivés une préparation gratuite aux concours des écoles de journalisme reconnues. « Ils avaient constaté au sein de leur promo au CFJ qu’il y avait assez peu de boursiers et beaucoup d’élèves au profil "Sciences Po" », rappelle David Allais, qui a très tôt rejoint l’équipe d’encadrement.

« Lorsque les journalistes viennent des mêmes milieux sociaux, il se forme un prisme qui fait qu’ils parlent de la même chose et de la même façon. Il faudrait qu’ils viennent de tous les milieux sociaux pour pouvoir refléter l’ensemble de la diversité de la société française », explique le coordinateur de la CAC. Selon lui, « le journalisme est un métier qui s’est refermé ». Il constate que, « dans les années 1960, on pouvait devenir journaliste sans passer par une école. Aujourd’hui, le système des écoles est devenu très important et a changé la sociologie du métier ».

Né dans le sillon des événements de 2005, le Bondy Blog s’est aussi impliqué dans cette cause en créant un partenariat avec l’Ecole supérieure de journalisme de Lille. Le média porte-voix des banlieues voulait contribuer à changer la donne. C’est ainsi qu’en 2009 naquît la Prépa Diversité, rebaptisée l’année suivante Prépa Egalité des chances ESJ Lille/Bondy Blog. La prestigieuse école lilloise met alors à disposition ses professionnels pour donner les outils pédagogiques nécessaires à la réussite des concours.

Deux prépas pour promouvoir la diversité dans le journalisme

Apporter de la confiance aux candidats

La préparation aux concours des écoles de journalisme est une longue course de fond. Il existe 14 écoles reconnues en France dont les examens écrits se répartissent de mars à juin. Ils mobilisent à peu près le même socle de connaissances : la maîtrise du français, de l’actualité, de la culture générale, de l'anglais, la capacité à restituer un récit et à faire preuve de créativité. Le nombre de candidats peut fluctuer entre 400 et 800 par concours pour des promotions allant de 20 à 50 élèves. Les aspirants sont donc beaucoup au départ et très peu à l’arrivée.

« La culture générale est le handicap numéro un des candidats, suivi de l’anglais », précise David Allais. « La culture générale à la française est une culture classique qui est globalement la culture de la "bonne société". On a beau faire des études, on ne dispose que du package minimum qui reste insuffisant pour les concours. A la fac, on peut progresser mais souvent dans une seule matière. Même si le contenu des concours ont évolué en incluant des questions sur la téléréalité ou les jeux vidéos, cela reste très marqué », développe le coordinateur de la CAC. Il constate par ailleurs une corrélation entre les échelons de bourse et le niveau en culture générale.

Pour y remédier, les prépas offrent aux étudiants une routine de lectures, de fichages, de visionnages et de tests qui leur permettent de se réajuster durant les six à huit mois de préparation. « Cette culture générale classique est répandue dans les journaux. En suivant l’actualité et en étant curieux, il est possible de combler ses manques », ajoute David Allais.

Plus déterminant encore, les prépas apportent de la confiance aux candidats. « Quand j’ai été admise à la prépa, je me suis dit que c’était possible », se souvient Leïla Khouiel, issue de la promo 2011/2012 de la prépa Egalité des chances (EDC). « Jusqu’ici, le journalisme était quelque chose qui me semblait lointain. Rencontrer des anciens de la prépa m’a permis de m’identifier et de voir des profils différents de ceux qu’on pouvait voir à la télé », développe-t-elle. Originaire de Lille, la jeune fille a pu faire ses premiers stages à France Bleu Nord et La Voix du Nord avant d’intégrer l’Institut pratique du journalisme (IPJ) à Paris. Aujourd’hui, après plusieurs expériences professionnelles, elle est rédactrice en chef adjointe du Bondy Blog. D’autres anciens pensionnaires de la prépa EDC occupent des fonctions importantes au sein du média tels que le président Kozi Pastakia ou la directrice de la rédaction Nassira El Moaddem.

Une chance offerte au prix d'un travail intensif

La prépa EDC affiche cette année des chiffres record avec 85 % d’élèves admis, ce qui en fait la première prépa de France. Les années précédentes, les résultats oscillaient entre 60 et 80 %.Chaque année, 20 élèves sont sélectionnés à travers la France, de Paris jusque dans les territoires d’outre-mer. Ils se retrouvent pour des sessions intensives à Lille en septembre et en avril mais aussi à Bondy, en Seine-Saint-Denis, en janvier. Le reste de l’année, ils effectuent les exercices et bénéficient d’un suivi personnalisé sur une plateforme en ligne.

De son côté, la Chance au concours affiche cette année un résultat de 34 élèves admis sur 65, un taux légèrement en baisse sur les années précédentes. La CAC offre cependant un soutien plus prononcé, accordant des outils pédagogiques à certains candidats qui ont échoué et souhaite repasser les concours l’année suivante. Pas de plateforme en ligne mais des cours en présentiel une à deux fois par semaine. Longtemps ancré en région parisienne, la CAC a ouvert plusieurs pôles en province : Grenoble, Toulouse, Strasbourg et Marseille. En 2015, les administrateurs de la CAC ont établi que 85 % des élèves passés par le dispositif entre 2007 et 2012 sont aujourd’hui journalistes. Quant à la prépa EDC, ils sont autant (103 sur 120 étudiants passés par les six premières promotions) à être aujourd'hui dans le métier.

Comment intégrer la prépa Egalité des chances ?

Les conditions requises sont : être boursier, être titulaire ou en cours d'obtention d'un diplôme niveau bac+3 et remplir le dossier de candidature accessible sur ce lien avant le 23 août 2017.

Comment intégrer la Chance aux concours ?

Les conditions requises sont : être boursier, être titulaire ou en cours d'obtention d'un diplôme niveau bac+3, habiter à proximité de Paris, Strasbourg, Grenoble, Toulouse ou Marseille et remplir le dossier de candidature accessible sur le site de la Chance aux concours à partir du 4 septembre 2017.





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