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Points de vue

De la Toussaint à Halloween : la fête des saints contre la fête des démons

Rédigé par Eliˈel Sulaymân | Lundi 1 Novembre 2021 à 16:30

           


En Occident, nous sommes passés de la fête de Toussaint, la fête de « tous les saints », à Halloween, au culte du démon. C’est encore plus flagrant quand nous analysons l’étymologie du mot Halloween, car il est une altération du terme « All Hallows Eve », qui signifie la veille de tous les saints.

En réalité, comment est-on passé de la fête des saints à la fête des démons ? Symboliquement, cela témoigne d'un basculement civilisationnel dont notre époque en est imprégnée, et qui fait passer l’Homme à la recherche de la sainteté vers l’Homme à la recherche de la démonicité. Qu’est-ce que cela veut-il bien dire ? En clair, l’Homme à la recherche de la sainteté, c’est-à-dire à la pureté, la sérénité, la paix à travers la foi, l’endurance et la patience, et l’intelligence, la spiritualité, bascule dans une ère de l’Homme à la recherche de l’assouvissement des plaisirs, des désirs, impatient, intellectuellement fainéant, aimant la perversité et l’excès. Toutes les caractéristiques des démons.

Des démons devenus des mythes mais pourtant bien réels

Les prémices de ce culte sont survenues à travers une théologie fortement ancrée en Occident (bien qu’actuellement cela se répand à travers le monde, comme une épidémie, mais toujours par la mentalité occidentale) qui est de croire que les démons ne sont que des mythes et des symboles. Annulant donc la possibilité d’y être confronté durant notre vie terrestre.

Bien entendu, cette théologie a nourri une population de plus en plus dirigée à se détourner de la religiosité et de la spiritualité, en arrivant bout à bout vers une pensée athéiste où, non seulement, les démons n’existent pas, mais ils sont pure fantaisie ; un mythe seulement pour les histoires à lire.

Le « démon » n’a jamais disparu, il n’a pris qu’une autre forme. Je dirais même que notre époque, notre civilisation, bien que laïque, parle des « démons » bien plus que toutes les civilisations religieuses que le monde ait portées.

D'un côté, nous avons des livres, des films, mais aussi des jeux, des styles vestimentaires, et même des idéologies new age qui jouent avec le feu. De l'autre, nous avons également cette tendance qui commence de plus en plus à devenir un mode de vie et qui, pour certains, l’est déjà, à savoir celui de jouer avec le feu. Comme certains s’imaginent que les démons n’existent pas, ou ne sont que des mythes, alors il est beaucoup plus facile d’oser les invoquer. « C’est juste pour rire », disent-ils. Mais le problème, c’est que généralement, la plupart des cas, après cette « rigolade », les choses se compliquent. Nous avons des exorcistes chrétiens* qui affirment que bien de demandes d'exorcistes proviennent de gens qui ont joué au « ouija » et ont invoqué des démons particuliers. Bien que, pour eux, réciter un nom dans une ambiance lugubre est un jeu, en réalité, les choses sont différentes. Et généralement, de grosses surprises proviennent de ce genre de pratique.

De plus, nombreux sont ceux qui n’ont même pas conscience d'avoir appelé un démon alors que celui-ci tourne autour d’eux, voire même en eux, et se mettent à penser des choses ou à faire des choses qu’eux-mêmes en sont surpris. Laissant petit à petit le désespoir remplir leurs vies, les vidant de tout amour et de tout plaisir de vie. Pouvant les conduire soit à une grosse dépression et au suicide, ou soit à un meurtre sans raison, souvent mis sur le compte de troubles mentaux. Tous les cas sont possibles.

L'Enfer est souvent pavé de bonnes intentions

Pour revenir à notre sujet principal, le culte des saints a donc été remplacé par ce culte du démon. D’une part parce qu’on ne croit plus aux saints et aux démons, et d’autre part parce que l’industrie a rendu « cool » les démons. Le divertissement est bien la source de notre mode de vie. À la maison, il n’y a que cela. Et, sans quoi que ce soit pour se divertir, « faire passer son temps dans l’inutile », l’Homme ne pourrait se sentir « rempli ». Je ne dis pas que se divertir est mal, bien au contraire, il en faut un peu. Mais ce qui est mal, c’est quand cela devient une drogue, quand l’Homme a besoin quotiennement de son divertissement, sans quoi il « perd la boule ».

De voir le culte démoniaque prendre place dans les foyers n’est pas si surprenant dans notre époque, puisque cela n’est que la manifestation d’un mode de vie déjà adopté. Le Satan n’est pas seulement le mal cornu rouge qui a un trône en Enfer, mais il est également le père de tous les vices. Et adopter un vice, c’est prendre pour père Satan. C’est donc lui faire une place dans son foyer. Il est donc totalement naturel que la décoration, l’ambiance suivent. Et l’intention ne change rien. Il se peut qu’une personne ait pris comme « père » Satan tout en gardant de bonnes intentions pour autrui. Car, comme le dit si bien Jean de la Croix, l’Enfer est pavé de bonnes intentions.

Cette résultante de convertir la fête des saints vers la fête des démons n’est que l’expression d’un choix que le « dévot » a fait, inconsciemment ou consciemment. C’est non seulement le culte du démon, mais également tout ce qui suit, c’est-à-dire le culte du plaisir, de l’envie, de la jalousie, de la colère, de la matérialité, de la paresse spirituelle, du commérage, de l’hypocrisie, de l’adultère, de la débauche, et plus subtilement de l’impureté. Et ceux qui adoptent ce culte sont les mêmes qui ne vivent pas en paix avec tout ce que je viens de citer. Et quand bien même nous diront-ils le contraire, en vérité, ils ont une vie déchirée en mille morceaux, souriant pour paraitre bien, mais nourrissant intérieurement une tristesse et un regret énorme : quotidiennement, ils parlent d’envie de « souffler » comme s’ils se sentaient étouffé par eux-mêmes.

Il y a assez de mal et de laideur dans le monde, n’en ajoutons pas davantage

Il me revient à l’esprit, dans ma jeunesse quand, chez ma grand-mère, nous étions tous autour d’une table fêtant la fête de la Toussaint (je proviens d’une famille chrétienne). À cette époque, les radios étaient éteintes, les télévisions aussi. Il était interdit de trop parler ou de trop rire. Nous mangions un repas célèbre dans notre pays, un repas de pauvre, et nous étions occupés à penser nos morts, au Paradis, aux anges, aux saints et à Dieu. C’était une journée où on cherchait à se rapprocher du divin, de la paix, de la pureté. Cela nous faisait tellement du bien. Et c’était une fête qu’on attendait de pied ferme, préparant le tout quelques jours à l’avance.

Malgré la « pénibilité » de ne pas se divertir, il se dégageait une présence magnifique que même moi, étant enfant, et mes cousins, aimions cette fête. Où est donc partie cette sainteté, cette convivialité ? Aujourd’hui, c’est tout le contraire, il faut tout allumer, rire, parler, crier, se déguiser en monstre, demander des friandises gourmandes, et parler de démons et de mal. Cela n’est que le résultat d’une civilisation en déclin qui, bientôt, goutera ses propres fruits.

Si vous voulez mon conseil, même si vous ne croyez pas aux démons ni aux anges, préférez la sobriété et la beauté pendant la fête de la Toussaint au lieu du mal et de la laideur, et cela influencera votre cœur. Il y a assez de mal et de laideur dans le monde, n’en ajoutez pas davantage. Au lieu de cela, soyez beaux, bons et sages.

*Je parle d’exorcisme chrétien puisque la plupart des témoignages ne concernent que ceux de tradition chrétienne. Ce sont aussi souvent ceux qui ont perdu le plus foi qui se prêtent à des jeux démoniaques. Et quand un souci du type possession survient, ils ont tendance à demander de l’aide aux prêtres. Dans les autres religions, ce genre de souci n’est pas courant. Ainsi, les exorcistes chrétiens reçoivent beaucoup plus de témoignages où la source de possession est dûe à des jeux. Un prêtre, ancien exorciste, adresse son témoignage ici.

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Eliˈel Sulaymân est écrivain, poète et penseur soufi.

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