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Société

Crise à Mayotte : pourquoi l'île française est en grève générale depuis des semaines

Rédigé par Lina Farelli et H. Ben Rhouma | Mercredi 14 Mars 2018 à 08:00

           

Depuis le 20 février, Mayotte est en grève générale, énième traduction d'une souffrance sociale des habitants de ce 101e département français. Explications.



L'île de Mayotte est plongée depuis le 20 février dans une grève générale contre l'insécurité et l'immigration clandestine, poussant des milliers de personnes à manifester dans les rues. © Nouvelles de Mayotte
L'île de Mayotte est plongée depuis le 20 février dans une grève générale contre l'insécurité et l'immigration clandestine, poussant des milliers de personnes à manifester dans les rues. © Nouvelles de Mayotte
La ministre des Outre-mer, Annick Girardin, est arrivée, lundi 12 mars, à Mayotte, qui baigne depuis le 20 février dans une grève générale. Si l’intention de la ministre consiste en une « proposition de dialogue du gouvernement », les Mahorais ne l’ont d'abord pas entendu de cette oreille, lui reprochant sa « méconnaissance du territoire » et souhaitant la présence d’une personne « qui puisse engager le gouvernement ».

Face aux critiques, Annick Girardin a affirmé avec agacement à son arrivée sur place : « Je suis venue ici avec une légitimité, je suis la ministre des Outre-mer. (...) Je suis ultramarine comme vous (elle a longtemps été élue à Saint-Pierre-et-Miquelon, ndlr) et je sais ce qu’est un territoire difficile (…). Donc je n’accepterai pas certaines remises en question de ma légitimité. »

Les images de la ministre, assise à même le sol avec des Mahorais pour donner l'image d'un gouvernement à l'écoute des habitants, n'ont pas été bien accueillies, en particulier auprès des initiateurs du mouvement social qui ont refusé, dans un premier temps, de la rencontrer à son arrivée. Mais, au fait, pourquoi cette grève générale ?

L’insécurité et l’immigration clandestine à la source de la colère

Le 19 février dernier, des jeunes armés ont pris d’assaut un lycée de Mamoudzou, la plus grande ville de l’île, obligeant la direction de l’école à évacuer les élèves. Plusieurs établissements ont alors décidé de fermer leurs portes en guise de contestation contre cet acte de délinquance. Cet épisode, symptomatique des violences qui secouent l’île, a cristallisé la colère des Mahorais.

Outre l’insécurité, la colère prend également racine dans l’immigration clandestine venue massivement des îles voisines des Comores et qui plonge ce département français situé dans l'Océan indien dans une situation plus précaire que jamais : plus de 80 % de la population vit sous le seuil de la pauvreté et le taux de chômage est évalué à 26 %.

C’est donc contre l'insécurité et l'immigration clandestine, qui explique en partie la montée de la xénophobie, que l’intersyndicale mahoraise (regroupant la CGT Ma, la CFDT, la FAEN, FO, la Confédération syndicale des Familles, le SNUipp, Solidaires, la CFE-CGE) et le Collectif des citoyens de Mayotte ont appelé à une grève générale. Il s'agissait aussi d'alerter les autorités en métropole de la gravité de la situation à Mayotte, où le sentiment d'abandon et de l'Etat est partagé par une grande partie de la population.

La grève a pris diverses formes : blocage du port principal, barrages en place sur de grands axes routiers, opération île morte, manifestations dans les rues... La dernière en date a vu la participation de milliers de personnes à Mamoudzou mardi 13 mars. La paralysie est générale, perturbant même la rentrée scolaire cette semaine du 12 mars.

L'extraterritorialité de la maternité de Mayotte à l'étude

Annick Girardin, dans un communiqué commun avec le ministre de l’Intérieur Gérard Collomb, a annoncé lundi la mise en place de mesures d’urgence contre l’insécurité et l’immigration clandestine en Mayotte. Ces dispositions incluent, entre autres, le déploiement d’un plus grand effectif de gendarmes pour l’ensemble du territoire, la création d’une brigade de gendarmerie nationale est à Koungou, l’augmentation des fonds alloués à la lutte contre la délinquance, la mise en place d’un état-major opérationnel de lutte contre l’immigration clandestine à terre et en mer, et la mise en place immédiate d’un plan de destruction de l’habitat illégal, en particulier dans les zones de risques naturels.

Le cas de la maternité de Mayotte, qui enregistre quelque 10 000 nouveaux-nés par an, est à l'étude par le gouvernement afin que ces naissances ne « permettent pas obligatoirement d’obtenir la nationalité française » et ainsi lutter contre l'immigration clandestine. S’il est question d’envisager « un statut extra-territorial » à cet établissement, le gouvernement refuse d’en parler comme d’une remise en cause du droit du sol en France.

Vers une sortie de crise ?

Ces mesures n’ont, dans un premier temps, pas satisfait les initiateurs de la grève générale. Dénonçant une « mascarade », ils ont très tôt appelé à des mesures plus ambitieux qui permettent de régler la situation sur le long-terme. Ils ont tout de même fini par accepter de rencontrer la ministre à qui ont été soumises 15 nouvelles mesures d'urgence qui devront être examinées par le gouvernement à son retour en métropole pour le Conseil des ministres mercredi.

Le ministère des Outre-Mer a annoncé mardi soir qu'un « accord de principe entre l'Etat, les élus, les syndicats et les collectifs » a été conclu et que les initiateurs du mouvement « se sont engagés à débloquer les barrages de l'île » mercredi. Ces derniers ont indiqué que c'est à la population qui tranchera sur le maintien ou non de la grève.

Mise à jour mercredi 14 mars : L'intersyndicale a décidé de poursuivre la grève, estimant que « des points manquaient » dans l'accord de principe trouvé avec le gouvernement.

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