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Sur le vif

Charles Pasqua mis en examen pour 'pétrole contre nourriture'

| Jeudi 6 Avril 2006 à 22:04

           


L'ancien ministre de l'Intérieur Charles Pasqua a été mis en examen pour "trafic d'influence aggravé" et "corruption d'agents publics étrangers" dans l'enquête sur le programme de l'Onu "pétrole contre nourriture".

Le sénateur des Hauts-de-Seine a lui-même annoncé jeudi dans un communiqué cette mesure, que lui a notifiée mercredi à Paris le juge d'instruction Philippe Courroye.

Son avocat, Me Lef Forster, a annoncé à Reuters qu'il allait demander l'annulation de la poursuite devant la chambre de l'instruction de Paris. Charles Pasqua estime qu'il "ne peut être directement incriminé" et souligne qu'il a déposé plainte en octobre dernier pour "usurpation d'identité".

C'est "absolument scandaleux étant donné qu'il y a aucun élément permettant de m'impliquer dans cette affaire (...) Il y a simplement l'entêtement du juge me concernant", a déclaré l'ancien ministre sur RTL.

Prié de dire si on cherchait à lui nuire, il a répondu : "Ça me paraît évident".

C'est la septième mise en examen de Charles Pasqua, 78 ans. Les autres affaires visent des sommes versées en marge de ventes d'armes à l'Angola en 1993, du déménagement du siège d'Alstom en 1994, de la vente d'un casino à Annemasse (Haute-Savoie) la même année ou encore de contrats de l'homme d'affaires libanais Iskandar Safa.

Charles Pasqua s'est déclaré à chaque fois innocent en dénonçant des manoeuvres politiques.

Pour ce nouveau dossier, le juge Courroye se fonde sur une liste de bénéficiaires présumés des largesses du régime de Saddam Hussein, saisie dans les archives officielles irakiennes et publiée dans un rapport de l'Onu sur l'affaire.

A en croire cette liste, Charles Pasqua aurait perçu l'équivalent de 10,8 millions de barils en 1999 sous forme de "coupons" pétroliers ou droits de tirage, revendus ensuite à des sociétés habilitées à extraire le brut irakien.

Il aurait ensuite, selon l'accusation, reversé à des officiels irakiens une partie des commissions perçues grâce à l'opération.

Bernard Guillet, ex-conseiller diplomatique de Charles Pasqua, qui aurait perçu des coupons pour deux millions de barils, a été mis en examen et incarcéré durant sept mois pour avoir omis de payer une caution de 200.000 euros.

Le programme "pétrole contre nourriture", commencé en 1996 et terminé en 2003, était censé soulager les privations subies par le peuple irakien en raison de l'embargo imposé à l'Irak après la première guerre du Golfe, en 1991.

Le régime de Bagdad aurait mis à profit la possibilité de vendre une partie de son pétrole pour rémunérer des personnalités censées servir ses intérêts dans le monde entier.

En octobre dernier, lors d'une conférence de presse, Charles Pasqua, deux fois ministre de l'Intérieur (1986-1988 et 1993-1995) avait estimé que quelqu'un s'était servi de son nom pour camoufler les vrais bénéficiaires.

"Ce sont soit des Français, soit des Irakiens, soit les deux à la fois. J'ai une certitude, c'est que c'est pas moi", avait-il dit.

"Comme je n'y suis pour rien, que personne ne m'a proposé des bons de pétrole, que je n'en ai pas touché, c'est bien qu'il y a quelqu'un qui s'est servi de mon nom", avait-il ajouté.

En qualité de sénateur, il bénéficie d'une immunité qui empêche - sauf accord contraire du bureau du Sénat - tout placement sous contrôle judiciaire ou en détention, mais ne fait pas obstacle à un procès.

Plusieurs cadres de Total mis en cause pour les contrats réalisés en Irak sont mis en examen dans ce même dossier, ainsi que d'autres personnalités françaises poursuivies pour avoir perçu des "coupons" pétroliers de Bagdad.

Y figurent notamment Serge Boidevaix, ex-secrétaire général du Quai d'Orsay, Jean-Bernard Mérimée, représentant de la France à l'Onu de 1991 à 1995, Gilles Munier, secrétaire général de l'Association des amitiés franco-irakiennes, Michel Grimard, ancien membre du conseil national du RPR ou encore Claude Kaspereit, fils d'une figure du gaullisme.

Le parquet de Paris a ouvert par ailleurs la semaine dernière une information judiciaire distincte pour "corruption d'agents publics étrangers", confiée au même juge Courroye, qui a demandé à se rendre à Bagdad.

Elle vise cette fois 40 sociétés françaises, dont Renault VI et Peugeot, soupçonnées d'avoir versé des fonds de corruption pour bénéficier de contrats en Irak dans le cadre du même programme "pétrole contre nourriture".





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