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Economie

Business et religions : l’esprit est à la fête, le porte-monnaie aussi

Rédigé par Nadia Henni-Moulaï | Samedi 24 Décembre 2011 à 14:01

           

Chacun sa fête ! Hanoukka, Aïd ou Noël, chaque année de nombreux Français célèbrent les grands épisodes de leur religion. Entre considérations spirituelles et questions financières, chacun trouve midi à sa porte.



Business et religions : l’esprit est à la fête, le porte-monnaie aussi
Foie gras, huîtres et dinde ! À Noël, Lydia, 34 ans, ne boude pas son plaisir ! La jeune femme, pourtant de confession musulmane, l’avoue volontiers : « J’aime bien l’ambiance des fêtes. C’est l’occasion de se réunir autour d’une tablée pleine de douceurs. » Bien sûr, « la soirée du 24 décembre ne comporte aucune valeur d’ordre religieux », se défend-elle.

Pour autant, elle qui se sent complètement française tient à cette date du calendrier. Et puis « le lendemain est un jour férié, donc j’en profite doublement pour veiller autour de mets raffinés et même offrir des cadeaux à mes neveux… » L’an dernier, par exemple, cette jeune assistante juridique les a gâtés : puzzles éducatifs, imagiers et tapis de jeux. « Ils étaient contents et surtout ils espéraient des présents comme tous leurs camarades de l’école. » Au total, pas moins de 70 € engloutis dans les jeux de Noël, 50 € dans les plaisirs de la table.

Noël comme vecteur d’intégration ?

À 82 ans, Fatma, une grand-mère d’origine algérienne, le confirme. Depuis la naissance de ses petits-enfants, elle tient à Noël. Le 25 décembre sans sapin ? « Inconcevable ! » pour elle. Et quand la vieille dame rappelle avoir foulé le sol mecquois, son attachement à Noël peut surprendre. Mais le réveillon marque une pratique culturelle, durant laquelle gourmandises et cadeaux comblent avant tout les enfants. Fêter Noël, pour éviter l’ostracisme face aux copains, une fois de retour à l’école ?

Une posture à laquelle Ahmed et Samia adhèrent totalement. Le couple, français d’origine marocaine, célèbre Noël surtout pour leurs deux fillettes. « Pourquoi les priver de cadeaux à Noël quand leurs amies sont gâtées ? » Plus que le dîner du réveillon, c’est surtout aux présents de Noël que les enfants restent attachés.

Une tendance qui évolue au fil des années et des générations, constate Mohamed, 38 ans. « Quand j’étais gamin, je me souviens d’avoir réveillonné en famille. On organisait un repas de Noël avec plat de volaille, boissons et chocolat au dessert », raconte-t-il. Un vrai repas de fête en somme ! Aujourd’hui, lui-même père de famille ne se voit pas poursuivre cette tradition. Deux raisons majeures à cela. « Je suis musulman pratiquant. Je ne me vois donc pas célébrer Noël. » « Contrairement à moi lorsque j’étais enfant, mes enfants ont des cadeaux pour l’Aïd al-Adhâ. C’est un peu leur Noël à eux », s’enthousiasme-t-il.

L’Aïd, un mouton et des cadeaux

Une pratique de plus en plus fréquente auprès des jeunes générations de Français musulmans. « Là où nos parents cherchaient à se fondre dans la masse, nous, nous essayons de faire cohabiter nos deux cultures : musulmane et occidentale », analyse-t-il. D’autant que ces dernières années (19 décembre 2007, 31 décembre 2006), « la proximité de l’Aïd et de Noël a permis de combler d’éventuels déceptions ».

Depuis, Mohammed met la main à la poche, côté cadeaux. « En moyenne, mon épouse et moi consacrons près de 30 € par enfant pour les jouets. À cela il faut rajouter 50 € pour les nouveaux habits », estime-t-il.

Un budget presque similaire à celui de Rachel, française de confession juive, et Gaëtan, son mari, athée. Parents de deux garçons, le couple célèbre uniquement les fêtes de la Torah. Pas de Noël, ni de Pâques. À la maison, l’on fête plutôt Soukkot, la Fête des cabanes, ou encore Hanoukka, la Fête des lumières, prévue en décembre, en référence à la destruction d’un temple juif dans la Grèce antique. « Pendant une semaine, on allume une bougie par jour en utilisant de l’huile d’olive », explique Rachel.

Point d’orgue de la célébration, les cadeaux faits aux enfants. « Chaque jour, ils reçoivent un présent. » De la barre chocolatée, le premier jour, à un vélo, le dernier. Les cadeaux varient d’une famille à l’autre. « Personnellement, je répartit entre 80 € et 100 € par enfant », comptabilise-t-elle. Un budget à part entière.

Autre poste de dépense pour le jeune couple, le réveillon de la Saint-Sylvestre. « Ce n’est pas du tout religieux, mais nous nous faisons plaisir », lance-t-elle. « En général, on invite quelques amis autour d’un bon dîner. »

Un budget de fête malgré la crise

Chez Isabelle, une Espagnole mariée à un Français d’origine togolaise, le budget « fêtes de fin d’année » est immuable : « Quoiqu’il arrive, je tiens à réussir ces moments privilégiés. » Fervente catholique, Isabelle consacre un budget conséquent au réveillon de Noël. « J’élabore un menu festif avec des produits de qualité. Saumon fumé, homard, langouste, escargots, foie gras. » Entre son conjoint et ses deux garçonnets, Isabelle compte dépenser 200 € pour la soirée, boissons comprises. « J’ai même prévu des tournedos à 40 € les deux pièces. » Côté dessert, bûches et chocolats seront commandés chez un pâtissier de renom.

Et pour réussir la soirée, pas de place pour le hasard. La jeune femme s’est approvisionnée dès novembre. « Je congèle la plupart des produits pour être prête le jour J. » Impossible, également, de faire l’impasse sur les cadeaux. Comme pour le dîner, près de 200 € iront à la dépense « cadeaux ». Enfin, l’enveloppe décoration, cette année, effleurera la cinquantaine d’euros. « Guirlandes, boules et un sapin en plastique acheté 30 € sur un site d’occasion. »

De son côté, Karim et Virginie jouent les équilibristes. Lui, d’obédience musulmane, est très attaché à l’Aïd, notamment. Elle, de culture catholique, l’est tout autant pour Noël. Du coup, leurs deux enfants ont grandi dans la double célébration des fêtes. « L’an dernier, Mérième a eu un cadeau en novembre pour l’Aïd et en décembre pour Noël », explique Karim. Pour eux, rien d’anormal. « Nous ne sommes pas du tout dans le conflit. Au contraire, pour nous, ce sont des occasions supplémentaires de se réunir. »

Des occasions supplémentaires de dépenser plus, aussi. « C’est vrai qu’il faut trouver le juste équilibre pour éviter de démultiplier les frais. Mais avec leur mère, on joue la complémentarité. » L’Aïd, ces sont les nouveaux vêtements. Noël, ce sont plutôt les jeux. « Un bon compromis », selon Virginie, qui permet de limiter les frais... Et en cette période de crise, il n’y a pas de petites économies. Pas même la religion !



Business et religions : l’esprit est à la fête, le porte-monnaie aussi
Première parution de cet article dans Salamnews n° 33, décembre 2011.






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