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Arts & Scènes

Arts Périphériques, agence de promotion des beaux-arts en banlieue

Rédigé par | Vendredi 21 Février 2014 à 18:15

           

Et si la sculpture, la peinture ou le design venaient concurrencer le rap et le graph dans les quartiers populaires ? La récente association Arts Périphériques, dans sa quête de jeunes talents, milite pour un renouvellement de l'expression artistique dans les banlieues. La structure, inaugurée en janvier, est partie pour une aventure de longue haleine lancée par une démarche originale, que sa fondatrice, Haquima Akhabach, nous explique.



Haquima Akhabach (au centre) entourés de deux membres de l'association Arts Périphériques.
Haquima Akhabach (au centre) entourés de deux membres de l'association Arts Périphériques.
L’art dans les banlieues ne doit pas se résumer qu’au rap et au graph. C’est le leitmotiv de l’association Arts Périphériques qui a pour objet de promouvoir l’art sous toutes ses formes dans les quartiers populaires et les talents made in banlieues. Pour en parler, rendez-vous a été donné, le 16 janvier, au Salon de la Boétie, dans le très chic Paris 8e et loin du périph’, pour l’inauguration de la structure pilotée par Haquima Akhabach, 36 ans.

« On veut déjà nous enfermer dans des expressions artistiques, pourquoi nous enfermer dans des espaces ? On a aussi droit à des lieux chics et classes ! », nous lance-t-elle à propos du choix du lieu. Originaire de Mantes-la-Jolie, la pétillante jeune femme vit désormais à Suresnes mais reste attachée à ses origines « banlieusardes ». Architecte d’intérieur, elle a mis ses activités professionnelles de côté pour se consacrer à plein temps à sa vie d’artiste et à la gestion de son association.

Haquima Akhabach en présence d'un de ses tableaux.
Haquima Akhabach en présence d'un de ses tableaux.

Faire émerger des pépites artistiques

A peine entrés, nous voici plongés dans l'ambiance chic d’un appartement privé épuré de tout meuble pour mettre en valeur des travaux d’artistes issus de la banlieue. Au centre du salon trône un portrait de Moulout Aounit, l'ancien président du Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples (MRAP) décédé en 2012.

Dispersés dans les pièces, des œuvres explorent, chacune à leur façon, la thématique de la « mémoire de béton », un matériau qui renvoie sans détour aux tours HLM des cités et à l’enfermement des populations dans les esprits. Ce sur lequel Haquima travaille pour donner vie à une mémoire encore enfouie. Plusieurs de ses tableaux reflètent « la déshumanisation de nos parents, devenus des outils pour la France » de l’après-Seconde Guerre mondiale.

Les hommes immigrés, maghrébins en particulier, sont vite devenus des figures du secteur du bâtiment et de l'automobile tandis que les femmes, quand elles ne travaillent pas, occupent les emplois de ménage et de gardiennage... « Dignité et douleur », voilà comme Haquima résume la vie de ces millions d’hommes et de femmes mis à l’honneur dans ses œuvres.

« On est à des années lumière de l’art contemporain ! »

Elle, c’est en peinture qu’elle a choisi d’exprimer ses émotions et son vécu. Pour d’autres, le choix pourrait bien être le design ou la sculpture. Tout l’objet d’Arts Périphériques est de « dénicher des talents artistiques des banlieues qui seraient susceptibles d’intéresser des institutions », galeries ou musées, et « dans lesquelles nous restons invisibles », dit Haquima.

Les consuls de Tunisie (à g.), du Maroc (centre) et d'Algérie à l'inauguration d'Arts Périphériques.
Les consuls de Tunisie (à g.), du Maroc (centre) et d'Algérie à l'inauguration d'Arts Périphériques.
Loin de considérer le rap et le graph comme des « sous-arts », elle veut aussi promouvoir et diversifier les expressions artistiques dans les quartiers populaires. Une initiative qui a un double objectif : briser les clichés qui pèsent sur les banlieues et les clichés que ses habitants véhiculent de l’art, qui serait la chasse gardée de l’élite.

S’approprier tous les arts, telle est l’ambition de l'association. « Je sais qu’on a des choses extraordinaires à exprimer. Il suffit de créer des connexions pour les révéler, ni plus ni moins », nous déclare sa présidente.

« Créer des ponts entre l’intérieur et l’extérieur de la banlieue, c’est possible, surtout dans le domaine culturel », lance-t-elle. Construire des ponts avec le Maghreb, dont est originaire une bonne partie des immigrés et de leurs descendants en France, aussi afin de réaffirmer « le lien affectif » qui les unit. Pour marquer cette volonté, Arts Périphériques a invité, lors de son inauguration, les consuls du Maroc, d’Algérie et de la Tunisie. L'association est maintenant lancée, il lui faudra s'armer de patience et de persévérance pour parvenir à obtenir ses premiers résultats sur le terrain.



Rédactrice en chef de Saphirnews En savoir plus sur cet auteur


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