Aïd el-Fitr 2023 : un « grand » risque de divergence sur la date de fin du Ramadan en vue

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Selon le Conseil théologique musulman de France (CTMF), le premier jour du mois de Chawwal, correspondant à l’Aïd al-Fitr aura lieu vendredi 21 avril 2023. Une décision prise « compte tenu des données scientifiques les plus précises » : « la conjonction (nouvelle lune) aura lieu jeudi 20 avril à 4h13 GMT (6h13 : heure de Paris)* et les conditions nécessaires à la vision oculaire du nouveau croissant de Chawwal dans le monde seront réunies inchaAllah le même jour, jeudi 20 avril, à partir de 19h19 GMT (20h19 : heure de Paris) ». Pour l’instance religieuse, les musulmans termineront leur mois de jeûne ce jour-là au bout de 29 jours.

Le Conseil français du culte musulman (CFCM) en dit tout autant. D’autres fédérations dissidentes du CFCM comme la Grande Mosquée de Paris préfèrent laisser le champ libre au doute. Tout en indiquant publiquement que l’Aïd al-Fitr pourrait avoir lieu vendredi 21 avril, elles entendent aussi tenir compte des décisions qui seront prises par les pays musulmans. Celle de l’Arabie Saoudite sera particulièrement scrutée.

Alors que diront ces derniers ? A l’exception notable de la Turquie qui s'appuie sur la méthode des calculs astronomiques – la même que le CTMF – pour prévoir des années à l’avance les dates du calendrier lunaire et donc du Ramadan, il faudra attendre jeudi 20 avril pour connaître si l’Aïd al-Fitr aura lieu vendredi 21 ou samedi 22 avril selon les pays.

Selon une carte prévisionnelle du Centre astronomique international (IAC) affichée plus bas, le croissant lunaire sera visible à l’œil nu dans les Amériques (zone en vert et en magenta si les conditions météorologiques le permettent) et, théoriquement, uniquement à l’aide de télescopes en Amérique du Sud, en Europe (la France compris) et l’Afrique de l’Ouest dans la soirée du jeudi 20 avril.

Théoriquement car, selon le directeur de l’IAC Mohamed Shawkat Odeh, cette année, « la vision restera très difficile et nécessitera un télescope précis, un observateur professionnel et une météo exceptionnelle », fait-il savoir dans une déclaration diffusée dimanche 16 avril. Or « la combinaison de ces facteurs est rare et, par conséquent, il n'est pas prévu de voir le croissant lunaire, même à l'aide d'un télescope, de n'importe où dans le monde arabe, à moins que les conditions susmentionnées ne soient réunies ».

Ce qui est sûr, c’est que, quelles que soient les conditions, cette visibilité ne sera pas assurée dans une grande partie de l’Afrique, au Proche et au Moyen-Orient et dans l’ensemble de l’Asie et de l’Océanie.

En revanche, le croissant lunaire sera visible vendredi 21 avril sur l’ensemble de la planète.

Contacté par la rédaction, le docteur en planétologie Smaïl Mostefaoui confirme les propos du directeur de l’IAC. « Dans les Amériques, la nouvelle lune sera visible. Ailleurs, notamment dans le monde musulman, il sera impossible de voir quoi que ce soit. Sauf peut-être dans l’extrême ouest de l’Afrique, au Maroc ou au Sénégal (où la visibilité serait possible selon les prévisions, ndlr), mais même là, il sera très compliqué d’observer la nouvelle lune car il faut des télescopes non conventionnels, très sophistiqués, avec des experts qui savent dans quelle direction observer », nous explique-t-il.

Est-ce à dire que la fin du Ramadan pourra être fixée au vendredi 21 avril et l’Aïd al-Fitr samedi 22 avril ? Pour les pays ayant commencé le mois du jeûne jeudi 23 mars et dont la visibilité de la Lune ne sera pas confirmée par des observateurs, cela sera tout à fait possible pour la simple et bonne raison qu’un mois lunaire peut durer jusqu’à 30 jours.

« Si on veut rester rationnel, les pays musulmans (qui ont adopté la méthode de l’observation, ndlr), sauf peut-être le Maroc, devraient annoncer l’Aïd pour samedi 22 avril. Le risque de divergence est bien là », indique Smaïl Mostefaoui. Il est « grand » mais, ajoute-t-il, « avec l’expérience, j’ai appris à dire qu’il est possible que l’Arabie Saoudite annonce la date du vendredi » au regard de décisions passées qui paraissent incohérentes par rapport à la méthode de l’observation qu’elle prône.

Si le royaume saoudien mais aussi le Maroc ou encore l’Algérie et la Tunisie, pays dont sont originaires de nombreux musulmans de France, fixent l’Aïd al-Fitr pour samedi 22 avril, il est des chances que les fédérations musulmanes réunies autour de la Grande Mosquée de Paris suivent cette décision. Au risque d’embrouiller des esprits dans la mesure où elles ont indiqué, malgré le conditionnel, que la date probable de l’Aïd serait vendredi 21 avril.

Célébrer l’Aïd al-Fitr vendredi 21 avril constituera-t-il pour autant une erreur pour les jeûneurs ? Non, car les instances ayant fixé cette date sur un ton définitif, en l’occurrence l’Union des mosquées de France (UMF), les fédérations turques (CCMTF et Milli Görüs) et le CTMF, se fondent sur la méthode des calculs astronomiques et le principe de transfert de visibilité consistant à entamer le mois lunaire partout dans le monde dès lors que le premier croissant lunaire est théoriquement visible dans n’importe quel point de la Terre. La même méthode que la Turquie, qui verra la fin du Ramadan pour jeudi 20 avril. La Nuit du doute portera bien son nom cette année pour la fiixaton du début du mois de Chawwal 2023/1444.

*Une erreur a été repérée dans le communiqué du CTMF. Celui-ci indique que la conjonction aura lieu à « 5h13 : heure de Paris » mais en tenant compte de l’heure supplémentaire ajoutée en France, il sera en réalité 6h13 à Paris.

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