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Points de vue

Victime ou bourreau, personne n’est prémuni contre l’oppression

Les récits de Bent Battuta

Rédigé par | Lundi 13 Novembre 2017 à 08:30

           


Victime ou bourreau, personne n’est prémuni contre l’oppression
Depuis quelques années, ma mère, pourtant peu friande de télévision dans mes souvenirs d’enfance et d'adolescence, s’adonne à un nouveau plaisir : regarder des talk-show et autres émissions venus de Tunisie. Ainsi nous retrouvons-nous souvent toutes les deux devant cette petite lucarne.

Depuis la révolution tunisienne, le ton utilisé sur les chaines a beaucoup changé, pour le meilleur et pour le pire. Le meilleur, c’est d’avoir vu l’entrée fulgurante des petites gens dont les histoires sont enfin sous la lumière des projecteurs.

Le pire, c’est l’absence de limites. Je garde ce souvenir amer d’un présentateur vedette qui, face à une femme battue par son mari, l’enjoignait de mettre de l’eau dans son vin et de lui pardonner. Quelques semaines après l’émission, cette pauvre femme se retrouvait à l’hôpital, de nouveau battue par son mari, provoquant un tollé chez les spectateurs et journalistes de la presse indignés.

Lors de mon dernier passage auprès de ma mère, comme à l’accoutumée, me voici lovée sur le canapé face à une énième émission. Sur le plateau, une jeune femme visiblement élue nouvelle Miss Tunisie. Projetée devant les spotlights, mal assurée, elle se retrouve face à des questions aussi grotesques que ridicules devant un présentateur l’enjoignant de juger le physique d’autres femmes qui, elles aussi, sont jetées en pâture face à un public bruyant.

Tout au long de ce spectacle apparaît soudain la photographie de Miss France 2017. Je ne saurais l’identifier. Bref, ce que je vois et sais, c’est la couleur de sa peau. Cette Miss est noire. Cela, je le reconnais assez rapidement parce que j’entends les cris et moqueries du public. Face aux ricanements et rires, le malaise de cette nouvelle miss Tunisie crève l’écran. Elle ose timidement une leçon sur les canons de beauté et dire que le noir est « aussi » porteur de beau. Nouvelle photo. Le public et le présentateur passent à autre chose.

Cette scène m’a suivie mentalement des semaines. Elle a fait rejaillir ces nombreuses discussions avec une amie franco-tunisienne, journaliste de profession et noire, qui m’a souvent fait partager ses propres souffrances ; d’autres plus prosaïques d’une cousine, dont la belle-mère venait se plaindre de son teint « trop » halée ; de ces publicités pour des crèmes blanchissantes ; de ces relations avortées que l’on m’avait narrées sur cette voisine noire avec son voisin au teint olive.

Elle a aussi coïncidé avec une nouvelle rupture dans le champ des militants antiracistes au sujet d’une énième impossibilité de penser le combat de l’autre : celle, par exemple, qui est advenue entre les tenants de la lutte contre l’islamophobie et les militants anti-négrophobie farouches opposants de la politique française en Afrique fondée sur des intérêts économiques injustes ou à travers des prismes sécuritaires et migratoires aussi insensés qu’inefficaces.

Comme chaque rupture, cet épisode montre qu’être victime d’une oppression ne prémunit jamais d’être soi-même, à un moment donné, soit silencieux, soit porteur d’une nouvelle oppression.

J’ai souvent vu mes coreligionnaires citer Bilal, premier muezzin dans la civilisation musulmane pour se prémunir de tout racisme. Et effectivement, quel bel exemple ! Mais cela peut-il suffire pour se dédouaner d’une remise en question, ne serait-ce que dans le choix des de certains mots utilisés pour désigner les Noirs dans certains pays du Maghreb ?

A travers mes quelques années d’engagement citoyen en Europe et au Moyen-Orient, j’ai cessé d’être étonnée par les propos de Noirs, Arabes, Juifs, Roms à l’égard d’un autre fantasmé et honni. Être victime soi-même des affres de l’Histoire, de l’oppression ne prémunit jamais d’en être un jour le bourreau ou le complice de ce bourreau.

****
Samia Hathroubi est déléguée Europe de la Foundation for Ethnic Understanding.



Samia Hathroubi
Ancienne professeure d'Histoire-Géographie dans le 9-3 après des études d'Histoire sur les débuts... En savoir plus sur cet auteur


Réagissez ! A vous la parole.

1.Posté par Lina le 13/11/2017 13:54 | Alerter
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Je suis très contente de votre excellent site, il est très intéressant !!!

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2.Posté par Melen le 13/11/2017 15:21 | Alerter
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Les Arabes tetent le racisme avec le lait de leurs mères.

3.Posté par Melen le 13/11/2017 17:57 | Alerter
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Les Juifs tetent le racisme avec le lait de leurs mères.

4.Posté par Linni le 15/11/2017 05:30 | Alerter
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De toute façon, on est tous/tes racistes quoi qu'on en dise, et ceux et celles qui affirment le contraire se voilent la face. Car qui n'a jamais songé ou dit "telle ethnie est comme ci" ou bien "unetelle est ainsi car elle est de telle origine", et j'en passe.
Donc, à partir du moment ou on a des préjugés sur quelqu'un pour ce qu'il représente et non pour ce qu'il est, c'est une forme de racisme qu'on le veuille ou non.

La discrimination est à tous les niveaux, à savoir ethnique, physique, sexuelle ou générationnelle. C'est navrant et parfois même consternant mais les clichés ont la vie dure.
Pour aller encore plus loin, en France on est allergique au mot "vieux/vieille", donc on parle de "senior" ou "personne âgée", ce qui est grotesque car nous sommes toutes des personnes âgées de "x" années...

Je dis toujours que lorsque l'on refuse d'appeler une chose par son nom, il y a une certaine forme de déni.
Prenons les gens qui appellent les noires "personnes de couleur" ou "blacks", c'est juste risible... Encore plus ridicule quand c'est une personne à la peau sombre qui se fait appeler ainsi. A-t-on déjà entendu entendu dire «les whites»!?
Ceux qui me disent que je suis une personne de couleur, je leur rétorque qu’ils ne sont certainement pas translucides, et que si le blanc est une couleur, le noir l’est tout autant!!

Comme l'a bien souligné l'auteur, les personnes qui se posent en tant que victimes de discrimination, sont les premières à les faire subir quand elles se sentent ...  

5.Posté par Botox Tunisie le 16/11/2017 14:02 | Alerter
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"Tout au long de ce spectacle apparaît soudain la photographie de Miss France 2017. Je ne saurais l’identifier. Bref, ce que je vois et sais, c’est la couleur de sa peau. Cette Miss est noire. Cela, je le reconnais assez rapidement parce que j’entends les cris et moqueries du public. Face aux ricanements et rires, le malaise de cette nouvelle miss Tunisie crève l’écran. Elle ose timidement une leçon sur les canons de beauté et dire que le noir est « aussi » porteur de beau. Nouvelle photo. Le public et le présentateur passent à autre chose. " Il est ridicule de parler de la couleur de peau à chaque fois qu'une beauté se met sous les regards des jury. En Tunisie, le problème de femme noire ne se pose pas mais se pose le problème de la femme plus belle par ses critères de taille, poids et surtout ce qu'on apelle IMC indice de masse corporelle. Cet indice indique que le poids et la taille sont en bonne adéquation sinon des opérations de by-pass gastrique, anneau gastrique et sleeve gastrectomie peuvent résoudre le problème. Si vous avez besoin de planifier une opération de ce type en Tunisie alors demandez devis gratuit sans engagements. Des agences de tourisme médical en Tunisie comme Medespoir assurent le suivi et l'accompagnement. medespoir

6.Posté par Milouda le 19/11/2017 17:35 | Alerter
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S'agissant de l'élection miss monde les africaines ont gagné très peu de fois et sont en bas du classement historique.
Miss monde est une connerie de prix créé par l'occident. Est-ce que ça un rapport!
Peut etre. Pas du tout. Absolument. Qui peut le dire.


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