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Points de vue

La lutte des femmes commence en terres d’Islam

Par Fatima Adamou*

Rédigé par Fatima Adamou | Vendredi 8 Mars 2013 à 04:45

           


Prix Nobel de la paix en 2011, Tawakkul Karman a fondé, en 2005, Femmes journalistes sans chaînes. Elle est membre du parti islamique Al-Islah. Primée à 32 ans, elle est l’une des plus jeunes prix Nobel de l’Histoire.
Prix Nobel de la paix en 2011, Tawakkul Karman a fondé, en 2005, Femmes journalistes sans chaînes. Elle est membre du parti islamique Al-Islah. Primée à 32 ans, elle est l’une des plus jeunes prix Nobel de l’Histoire.
Si l’on évoque beaucoup la condition des femmes le 8 mars – Journée internationale des droits des femmes –, le statut de la femme musulmane est un sujet de discussion à l’année : le voile est très souvent au cœur des débats.

Les femmes musulmanes portant le voile en ont même organisé une journée internationale le 1er février. Cette campagne incitant les femmes du monde, musulmanes et non musulmanes à arborer un hijab pour une journée, vise à montrer que le voile est un instrument non pas de pression mais de libération.

Ainsi, un certain nombre de femmes vivent l’expérience du voile en diverses occasions : pour suivre une coiffure tendance, par tradition comme dans certains pays d’Afrique ou pour des raisons religieuses comme chez les sœurs chrétiennes ; sans pour autant avoir l’étiquette de femme oppressée.

Dans des pays comme la Grande-Bretagne, la femme musulmane est assez bien intégrée : elle porte le voile si elle le souhaite, en tout lieu. Malgré cela, un journal national a révélé, en décembre dernier, un cas de discrimination à l’embauche et les préjugés persistants de son oppression.

Oppressées, exploitées, abusées… au nom de l’islam ?

Le voile n’est alors pas en cause mais plutôt ce à quoi il renvoie : l’islam. L’islam est perçu comme une religion prônant la violence et l’oppression des femmes. Des hommes tuent au nom de cette religion, d’autres annoncent dans des vidéos, arme à la main, vouloir imposer cette religion au monde entier.

Pour une femme non musulmane, ce hijab symbole de cette religion est une pure et simple trahison, une forme de renoncement aux droits pour lesquels chaque femme du monde entier s’est battue et se bat encore : contre l’exploitation sexuelle, la précarité, l’intimidation au travail ; pour le droit à l’éducation, l’égalité de traitement entre hommes et femmes.

Ces femmes découvrent dans les médias le sort d’une victime d’un viol en réunion en Arabie Saoudite emprisonnée comme ses agresseurs ; elles entendent parler du tourisme sexuel « halal » dans des pays d’Asie comme l’Indonésie. Elles ont également en mémoire les premières mesures imposées aux femmes par des talibans au pouvoir en Afghanistan : obligation du port du voile, interdiction d’étudier et de travailler.

Sans aller à l’étranger, elles côtoient les femmes musulmanes cherchant refuge après avoir été victimes de violence domestique, dont certains hommes disent trouver une légitimation en islam. Elles soutiennent ces femmes musulmanes, avec leurs enfants, après que les époux de ces dernières eurent mis fin à un mariage religieux du jour au lendemain, sans recours pour obtenir une pension. Elles lisent le désespoir de femmes victimes de pratiques traditionnelles, faussement assimilées à l’islam comme l’excision, les mariages forcés.

Oui, en effet, des femmes musulmanes sont oppressées, exploitées, abusées : oui, tout cela au nom de l’islam ! Reconnaissons-le.
Mais non, ce n’est pas l’islam. Comment ne pas le croire ?

Féminismes d’Orient et d’Occident

À l’heure où les images, les informations font le tour du monde en un « clic » il est difficile de croire que la femme en islam n’est pas soumise si les hommes musulmans sont toujours leurs porte-parole dans les medias lors de l’évocation de la condition des femmes en islam.

Difficile de croire qu’en islam la femme est autorisée à être active dans la société, militante si l’on ne la montre jamais combattant elle-même ou au côté de femmes non musulmanes contre les mariages forcés, la prostitution…

Difficile de croire que le port du hijab est un choix et non une contrainte, si on n’entend aucune femme le portant défendre le choix et le droit de celles qui subissent des pressions pour le porter.

Comment vivre l’islam avec des textes protégeant les femmes alors même qu’elles sont harcelées sexuellement, publiquement sur une place de la capitale d’un pays où se trouve Al-Azhar, l’une des plus prestigieuses universités d’enseignement de l’islam au monde ayant des enseignants et des étudiants diplômés qui parcourent le monde transmettre leur savoir, particulièrement en Europe ?

Comment imaginer l’islam comme étant une religion refusant l’exploitation de la femme quand un cheikh saoudien lance une fatwa autorisant les mariages temporaires des combattants en Syrie, appelant en plus des Syriennes les musulmanes du monde de plus de 14 ans à soutenir les combattants en offrant leurs corps durant un, voire plusieurs mariages temporaires, avec la promesse du Paradis ?

Les agissements en pays musulmans spécialement à l’encontre des femmes sont considérés par nombre de non-musulmans comme étant l’exact reflet des enseignements de l’islam.

Le sort des femmes musulmanes en terres d’Islam et celui des femmes musulmanes en pays non-musulmans sont intimement liés : tant que nous ne nous opposerons pas d’une seule voix aux traitements contraires à l’islam infligés aux femmes dans les pays musulmans, les préjugés et discriminations subis par les musulmanes perdureront en pays non musulmans.


* Tutrice de français en Grande-Bretagne, Fatima Adamou est également researcher bénévole à l'association Christian Muslim Forum.






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