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Victime d'islamistes, elle abrite des musulmans

Rédigé par pouf.badaboum@gmail.com | Samedi 7 Février 2009 à 00:00

           

Son mari est mort dans l'attentat de Djerba, revendiqué par Al-Qaida, en 2002. Magdeleinea répondu aux bourreaux de la plus belle manière : depuis bientôt cinq ans, au Mans,la retraitée hébergedeux Tchétchènes.Son fils adoptifs'appelle Islam



Le feu lui a brûlé peau et poumons. Paul Sauvage, retraité sarthois, est mort le 11 avril 2002, sous le soleil de Tunisie, emporté par l'explosion d'un camion kamikaze contre la synagogue de Djerba. Le procès des complices du carnage, dans lequel ont péri vingt et une personnes, s'achève aujourd'hui, au palais de justice de Paris. La veuve de Paul Sauvage, Magdeleine, 76 ans, tympans percés par la déflagration, y sera. Le coeur serré. Mais la veuve blessée, qui porte toujours des couleurs vives, n'a pas attendu le verdict des juges pour offrir aux bourreauxla plus belle des réponses : victime d'islamistes, Magdeleine héberge des musulmans.

Sa maison, dont les fenêtres donnent sur le néon vermillon du bowling, au Mans, abrite deux réfugiés tchétchènes. Un père et son fils. Le papa, 49 ans, s'appelle Vakha. Il a fui Grozny après avoir donné « un coup de main » aux « combattants ». Son rejeton, 19 ans, se prénomme Islam. « Mes deux pieds nickelés ont débarqué un soir, en août 2004, dit-elle avec affection. Le père n'avait pas de chaussettes. Il n'y avait nulle part où les loger. Ils étaient complètement paumés. » Magdeleine n'hésite pas à leur ouvrir la porte. Quitte à se ronger les ongles la première nuit : « Après tout, je ne les connaissais pas. J'ai poussé le lit contre la porte de ma chambre. » Le matin, un bruit la réveille. Vakha sort la tondeuse du garage. Et attaque la pelouse. « De ce jour-là, il a toujours bricolé ! »

Bricolé une nouvelle vie, tricoté de nouvelles habitudes. Vakha-aux-doigts-de-fée décore le sapin de Noël, Islam s'occupe de la crèche. En rentrant du lycée, le fils a droit à un « smac ! » sonore sur la joue. Le père aussi, avec plus de retenue. Chacun a sa chambre, ses chaussons. À l'heure du dîner, quand monte l'odeur de couscous, Vakha jette une bûche dans la cheminée. Islam met le couvert, Magdeleine propose l'apéro « sans rillettes », par respect pour ses hôtes. Dans le salon chargé de photos, le trio a tout d'une petite famille. Au départ, c'était pourtant du « dépannage ». Chacun a déjà une famille : Vakha là-bas, Magdeleine ici.

« C'est de la fraternité »

Pourquoi être restés ensemble ? Islam répond d'une voix tendre, presque timide : « On s'est attachés. Magdeleine, c'est comme une mère. » Les sourcils de la super mamie font le yo-yo : « Islam m'appelle souvent maman. Je l'appelle mon fils, mon garçon. Je suis très fière de mon grand dadais. Quand je suis en colère, il le sait aussi. On a des prises de bec épouvantables. »

Avec Vakha, les rapports sont empreints de pudeur. La pétillante arrière-grand-mère, qui assume avec humour son côté Madame-je-me-mêle-de-tout, prend soin de maintenir le vouvoiement, sans être avare de compliments : « Regardez ce beau regard qu'il a. J'en ai vu des regards. Mais rarement ce regard droit, franc. » Le costaud aux dents en or baisse les paupières.

« Dans leur malheur, Magdeleine et ses gars se sont beaucoup aidés mutuellement », estime Mylenne, la marraine d'Islam. « Ce n'est pas de l'amour, c'est plus que de l'amitié. C'est de la fraternité », résume Magdeleine. Sans équivoque. D'autant que l'incurable altruiste, catholique convaincue, mais « allergique aux bigotes », met les mains dans le cambouis depuis belle lurette : soutien aux jeunes délinquantes, devoirs des enfants, cours de français aux immigrés.

Son arche de Noé a vu défiler « des détresses épouvantables », naufragés d'Afrique, du Moyen-Orient. Qui ne l'oublient pas, une fois à flots : pour la remercier, un couple de Tchétchènes a baptisé sa fille Magdeleine. « Magdeleine, elle aide tout le monde, pas que les étrangers », précise Vakha avec l'accent du Caucase. Le fiston acquiesce : « Elle fait les commissions d'une dame parce que sa fille est handicapée. »

« Je suis comme ça, c'est tout. Il y en a d'autres comme moi, se défend Magdeleine. Avec Paul, on a toujours été vers les autres. »

Autour de la table, la discussion revient à l'attentat, au procès. Elle en attend quoi, Magdeleine ? « C'est pour la mémoire de Paul. Le deuil, c'est dans le coeur. » Silence. Que brise Islam, en douceur : « À mon avis, tu voulais savoir qui étaient les auteurs de l'attentat. Ce qui t'a choquée, ce n'est pas forcément la religion. Ce sont les gens qui ont commis le crime. » Magdeleine pince les lèvres, pose ses mains ridées sur l'avant-bras de son fils adoptif : « Ce procès, ça ne changera rien. Ce que j'aimais avant, je l'aimerai toujours. »

Jérôme LOURDAIS
vendredi 06 février 2009
Source : Ouest France




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