Connectez-vous S'inscrire

Ramadan

Ramadan 2012 : Quand les mosquées régalent !

Rédigé par Maria Magassa-Konaté | Lundi 30 Juillet 2012 à 00:00

           

En pleine période de crise, l’iftar organisé par les mosquées pendant tout le mois du Ramadan est un événement bienvenu pour les plus démunis. Mais pas seulement pour eux, car dans les lieux de culte ce moment de convivialité est ouvert à tous.



En France, quelques centaines de mosquées servent des repas de rupture de jeûne (iftar) chaque soir de Ramadan. Ici, la Grande Mosquée de Clermont-Ferrand (Auvergne).
En France, quelques centaines de mosquées servent des repas de rupture de jeûne (iftar) chaque soir de Ramadan. Ici, la Grande Mosquée de Clermont-Ferrand (Auvergne).
Comme chaque année, les mosquées françaises accueillent les milliers de fidèles qui viendront accomplir chaque soir la prière de tarawih, qui permet de lire l’intégralité du Coran durant le mois de Ramadan. Mais nombreuses sont celles qui s’attachent aussi à organiser l’iftar, les repas servis lors de la rupture du jeûne. D’autant plus que face à la crise le nombre de bénéficiaires est en hausse.

La mosquée : lieu de refuge face à la crise

C’est le cas à la Grande Mosquée de Lyon, qui distribue entre 500 et 600 repas par jour lors du Ramadan. « Depuis quelques années, il y a davantage de personnes », note le recteur Kamel Kabtane. Mohammed El Bargi, un bénévole de la Grande Mosquée d’Évry, fait le même constat : « C’est un moment où nous découvrons des gens qui sont dans le besoin. »

Il faut dire que la mosquée est un « lieu de refuge », d’après Mourad Sandi, le président de la mosquée Arrahma de Nantes. Même hors période du mois de Ramadan, les effets de la crise sont visibles dans sa mosquée. « Pas une semaine se passe sans que des gens demandent des paniers alimentaires ou une aide financière. Certains ont des problèmes de loyer. Il y a beaucoup de sollicitations », raconte M. Sandi.

Un public élargi : de la mère célibataire aux étudiants

Conséquence de la crise économique : les bénéficiaires de l’iftar se diversifient. À la Grande Mosquée de Lyon, « de plus en plus de familles et de femmes seules viennent rompre leur jeûne », indique Kamel Kabtane. Salah Merabti, le président de la Communauté islamique de la Grande Mosquée de Tours, dit maintenant rencontrer « des familles éclatées », dont les membres sont éparpillés en France et « des familles monoparentales » à la suite « de mariages cassés ».

Hormis ces nouveaux publics, certains restent des inconditionnels : les travailleurs habitant dans les foyers et les étudiants, forcément nombreux dans les villes universitaires comme Tours, Évry ou Montpellier. « Les étudiants qui viennent des pays du Golfe ne sont pas très présents car ils ont souvent des appartements, ce sont surtout les étudiants maghrébins et d’Afrique subsaharienne qui viennent dîner à la mosquée », précise M. Merabti. À Évry, on note toutefois que le nombre d’étudiants baissera sans doute cette année puisque le Ramadan se déroule en pleines vacances, une période où beaucoup de jeunes « rentrent dans leur famille », selon Mohammed El Bargi.

Malgré cela, le nombre de participants va sûrement rester élevé car, lors de l’iftar, le public est très hétéroclite. « Tout le monde vient », affirme Balla Diallo, un bénévole de la mosquée de Stains, où 250 à 300 personnes sont accueillies chaque soir.

Iftar à la Grande Mosquée de Clermont-Ferrand.
Iftar à la Grande Mosquée de Clermont-Ferrand.

Une organisation bien rodée

Pour satisfaire ce public diversifié, une bonne organisation est plus que nécessaire. À Saint-Étienne, où la mosquée Mohammed-VI vient d’être inaugurée, tout est millimétré. « L’iftar est assuré par un prestataire externe. Tout est très organisé, un budget dédié à l’iftar est prévu », assure Aldo Oumouden, le porte-parole de la Grande Mosquée de Saint-Étienne, où 100 à 150 repas sont prévus. « On ne demande pas de dons », précise M. Oumouden.

À l’inverse, les dons permettent de préparer les repas des 200 convives par soir de la mosquée Averroès à Montpellier. Chaque année, celle-ci reçoit des dons en nature de la part des commerçants de la ville : lait, sucre, dattes, café, eau, œufs... sans compter l’aide d’une cinquantaine de bénévoles qui cuisinent l’équivalent de deux bonnes marmites de 50 litres de soupe, en sus des plats préparés que les fidèles apportent aussi à la mosquée. Au total, Mohammed Khattabi, le recteur de la mosquée de Montpellier, estime ces dons en nature à 100 000 € par Ramadan annuel.

À Stains aussi, la générosité des commerçants est au rendez-vous. La mosquée de la ville, qui organise l’iftar depuis 7-8 ans, a établi « un réseau avec les commerçants qui fournissent le plus gros » nécessaire à la réalisation des plats, indique M. Diallo.

À Tours, où l’iftar est organisé depuis 30 ans, les préparatifs « passent comme une lettre à la poste ». On est rodé. « Le premier jour on prévoit un repas pour 100 personnes, et au fur et à mesure on fait une liste. On demande aux personnes de s’inscrire à l’avance et les personnes qui cuisinent sont payées », explique Salah Merabti, précisant que les repas sont réalisés « grâce à la zakât des fidèles ».

Une bonne gestion reste donc importante pour assurer des repas en quantité suffisante. C’est d’ailleurs à cause de « problèmes d’organisation » que la mosquée Addawa, située dans le 19e arrondissement de Paris, ne peut plus assurer l’iftar comme elle a pu le faire pendant de nombreuses années. « 1 400 à 1 500 repas étaient proposés chaque jour. Mais depuis notre déménagement de la rue Tanger, en 2006, à la Porte de la Villette, nous ne pouvons plus organiser d’iftar collectif », explique Ahmed Ouali, le responsable de la mosquée Addawa, en attente de ses nouveaux bâtiments.

Convivialité, partage et ouverture

Quand l’iftar dans les mosquées peut s’organiser, il permet à ceux qui y participent de passer un très bon moment. « C’est un instant de convivialité, de partage et de soutien. Les bienfaiteurs donnent », commente Mohammed El Bargi, de la Grande Mosquée d’Évry. Les repas sont « un mélange » et témoignent de la « richesse de la France » mais « tout le monde préfère la soupe marocaine », ajoute-t-il amusé.

À la mosquée Averroès de Montpellier, les repas de l’iftar sont plutôt typiquement algériens mais la générosité est la même. En 2011, ce sont 46 000 € de zakât al-Fitr qui ont été collectés et reversés au Secours islamique France (SIF) au bénéfice de la Somalie, où une grave famine sévissait cette année-là. Mohammed El Mokhtari, le secrétaire général de la mosquée de Villeneuve-d’Ascq, où les « usagers apportent à manger » dans un « acte de dévouement », estime que l’iftar dans une mosquée symbolise « un esprit de partage ».

À Nantes, la mosquée Arrahma, qui organise l’iftar depuis 1992 à raison de 140 à 150 repas servis par jour, a décidé d’ouvrir, cette année, ses portes aux « habitants du quartier ». L’iftar ne leur a jamais été fermé mais, pour la première fois, « des affiches et des annonces dans les journaux régionaux ont été diffusées pour permettre aux personnes de découvrir la mosquée », explique Mourad Sandi.

Pour cette année 2012, les mosquées se fondent sur les années antérieures pour estimer le nombre de repas prévus. Mais certaines, qui pensent que beaucoup de musulmans vont renoncer à aller en vacances au bled à cause du Ramadan, tablent sur une hausse de la fréquentation.





SOUTENEZ UNE PRESSE INDÉPENDANTE PAR UN DON DÉFISCALISÉ !