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Points de vue

Pour la défense d'une Europe multiculturelle

Par Arwa Ibrahim*

Rédigé par Arwa Ibrahim | Samedi 20 Juillet 2013 à 00:00

           


Pour la défense d'une Europe multiculturelle
Londres - Le débat autour du multiculturalisme a refait surface à la suite des récents attentats de Boston, Woolwich et Stockholm. Beaucoup se sentent le droit de dénoncer le déplorable échec du multiculturalisme en Europe et en Occident. Certes, il est aisé de penser que les cultures sont des frontières, incapables de coexister.

Pourtant, l'Histoire prouve le contraire.

Le fait de reconnaître les différentes influences culturelles dans l'histoire de l'Occident est un moyen important non seulement de réduire les tensions au sein de nos communautés mais aussi de favoriser davantage de compréhension et de respect dans nos sociétés.

En Europe, la Renaissance qui débute au XIVe siècle, est connue pour être une période ouverte à la science, aux découvertes et aux inventions. Toutefois, la passion pour une connaissance sociale et politique plus étendue, dissociée d'une interprétation religieuse du monde, n'est apparue qu'au XVIIIe siècle, lorsque les philosophes des Lumières tels que Voltaire, Locke et Hobbes ont fait valoir des idées visant à améliorer les conditions de vie grâce à la science et à la raison.

Inspirés de la pensée grecque et musulmane, ils déclaraient que les guerres, les maladies, la pauvreté et l'ignorance n'étaient pas des châtiments de Dieu devant être acceptés avec stoïcisme mais qu'ils pouvaient être adoucis par l'application des connaissances. Néanmoins, depuis le VIIe siècle, califes et émirs, dans ce qui est aujourd'hui le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord, ont donné la priorité aux discours, conversant avec des hommes de science et passant de longues heures dans les bibliothèques. La tradition européenne des salons littéraires, des réunions sociales destinées à élargir les connaissances des invités, provient en réalité des cours des califes musulmans.

Les genres littéraires y compris la poésie, la fiction, le roman et la chevalerie, ont été influencés par les auteurs musulmans comme Ibn Tufayl d'Espagne qui a inspiré le grand roman de Daniel Defoe, Robinson Crusoé.

Et ce ne sont là que quelques-uns des apports culturels que le monde musulman a transmis à l'Occident.

Sur le plan historique, la culture a toujours été un concept en constante évolution pour les civilisations, servant à rapprocher et non à diviser. Et elle continue de se structurer au moyen d'échanges d'idées, de valeurs et de traditions.

La culture européenne et occidentale est une compilation de siècles d'échanges entre différents peuples et différentes civilisations. La culture correspond davantage à un échange de valeurs entre civilisations plutôt qu'à un ensemble de valeurs arabes, britanniques, suédoises ou américaines.

Je n'avais pas imaginé que le multiculturalisme deviendrait aujourd'hui un bouc émissaire, tenu pour responsable de problèmes tels que la pauvreté, la hausse du taux de criminalité, le chômage et l'extrémisme. Il est inquiétant de voir certains décideurs politiques et analystes suggérer une définition plus stricte de l'identité européenne ou devenir moins tolérants face aux échanges et différences culturels.

Je pense qu'il est important que les communautés européennes et occidentales d'aujourd'hui prennent conscience que les sociétés et cultures ne cessent d'évoluer - du fait de facteurs internes et externes. Nous ne devrions pas nous laisser forcer la main pour émettre des objections à l'encontre du multiculturalisme par crainte de voir les communautés occidentales changer en acceptant des minorités ethniques. Elles changeront quoi qu'il arrive.

Ce mythe suppose que la culture occidentale s'est développée de manière isolée, sans échanges avec d'autres cultures, et qu'elle peut être définie et limitée de manière à maintenir un ensemble statique de valeurs. Il nie aussi la grande influence des civilisations musulmanes sur la culture occidentale moderne - cette culture appartient aux ancêtres des communautés qui sont aujourd'hui perçues comme une menace.

Mais plus grave encore, le mythe induit en erreur les décideurs politiques en leur faisant croire que la solution aux problèmes sociaux consiste simplement à récuser le multiculturalisme. Et il transforme le rôle d'une expérience humaine historiquement enrichissante en un rôle qui crée des barrières de séparation et de haine au sein des communautés.

Dans les sociétés occidentales, les musulmans et les non-musulmans peuvent aborder les problèmes sociaux d'aujourd'hui, en s'acceptant et en se respectant comme éléments de même valeur au sein de la communauté. Comprendre qu'il y a des différences, qui ne doivent pas disparaître, enrichit nos cultures parce que nous donnons et prenons afin d'évoluer jusqu'à devenir des sociétés plus humaines et plus avancées.

Nous devons traiter la violence, le crime, la pauvreté et la ségrégation comme des problèmes sociaux et économiques qui peuvent être courants dans certaines communautés ethniques mais qui ne découlent pas de leur ethnicité.

Il est temps que les communautés européennes et occidentales intègrent le meilleur de leur identité, coutumes et cultures et apprennent à embrasser et à respecter leurs différences au lieu de s'efforcer de les gommer. C'est ainsi que nous irons vers une société plus harmonieuse, plus cohésive et plus avancée.

* Arwa Ibrahim est journaliste et chercheuse anglo-égytienne qui s'intéresse aux questions de politique sociale, de services publics et de développement.






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