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Cinéma, DVD

Muksin, un film juste et poétique

Cinéma

Rédigé par | Vendredi 22 Février 2008 à 01:49

           

La cinéaste malaisienne, Yasmin Ahmad, signe avec « Muksin » un film drôle et tendre qui dépeint une amitié amoureuse de deux enfants tout en évoquant par petites touches les bonheurs et souffrances des adultes qui les entourent.



Muksin, un film juste et poétique
Le film commence par la basmallah, écrite sur une page d'un livre ouvert, dans une salle de classe : c'est la fin de l'année scolaire pour ces élèves en uniforme, les vacances arrivent. Il s'achève par le chant d'une vieille dame, toute menue, assise au côté d'un vieux monsieur jouant du piano (qui ne sont autres que les parents de la réalisatrice), entourés de l'équipe du film, qui vient peu à peu envahir l'écran, rigolarde et décontractée. 

Ces premières et dernières images sont symboliques de l'atmosphère rendue par le troisième film réalisé par Yasmin Ahmad : on rit, on pleure, on est attendri par l'immense complicité qui unit les parents anticonformistes de la jeune Orked, 10 ans, on est aussi touché, certes avec distance, par les malheurs des personnages qui les entourent. Cette distance est une façon d'affleurer ce qui se joue dans une société musulmane dans la modernité, ici la société malaisienne, sans être pour autant une critique. Muksin reste donc un film de fiction, qui se laisse agréablement regarder tant l'humour de certains dialogues, la sérénité des paysages et la douceur des rencontres y sont présents. 



Muksin, un film juste et poétique
Le film ne pourrait être que l'histoire d'une amitié amoureuse – fort pudique au demeurant – nouée le temps des vacances entre une jeune fille atypique de 10 ans, Orked, et un jeune garçon de 12 ans, Muksin, élevé par une autre femme que sa mère. Mais il n'est pas que cela, il joue des contrastes (d'un milieu social à un autre), il est mouvement (d'une famille unie à une autre qui ne l'est pas), et il aborde, par petites touches, les différences de conception de la vie chez les musulmans. 

Les relations filles-garçons. Les petites filles jouent aux mariés, mais Orked regardent les garçons jouer. L'un d'eux se blesse. «  Il nous faut un remplaçant. » « Prenons Orked, Elle est encore plus brute qu'un garçon. » «  Ne sois pas stupide, c'est une fille ! » 

L'éducation des enfants. A sa fille Orked qui refuse de jouer avec les filles, le père promet : « Si tu vas jouer avec les autres filles, je t'emmène voir… un match de football. »
A la demande de parents venus se plaindre qu'Orked a jeté par la fenêtre le cartable de leur fils, la mère assène une punition mémorable à coups de baguette de bambou : c'est le lit qui prend et amortit les coups, rythmé par les cris simulés bien aigus d'Orked pour que les parents plaignants l'entendent bien. « As-tu été suffisamment punie, ma fille ? » Orked hoche la tête, satisfaite.

Le couple parental. Tandis que le père et ses amis jouent de la musique traditionnelle, la mère et la fille dansent sous la pluie.  « Encore des Malais qui perdent leurs traditions… », dit une voix off. « Ma mère dit que ta mère est une mauvaise épouse », tance la jeune voisine. 

La polygamie. Au mari volage qui sortait le soir avec son scooter rutilant, la voisine enceinte  jusqu'au cou questionne : « Tu voulais que je cuisine comme ta mère, j'ai appris ; tu voulais des enfants, je t'en ai donné un et le second est en route. Aide-moi à comprendre pourquoi tu prends une seconde épouse ? » « J'ai promis à ses parents que je l'épouserai. Je reviens dans une semaine. » 

L'achat à crédit. Le créancier fait enlever les meubles du salon par des déménageurs. « Ma mère dit qu'on n'achète pas de meubles quand on n'a pas les moyens », nargue la jeune voisine.
« Ne me dis pas que tu n'as pas payé les traites du canapé ? », s'exclame la mère. « Il y a douze magasins en ville, répond sans sourciller le père. Pendant trois ans, on aura un canapé neuf tous les trois mois. N'est-ce pas formidable ? » 

L'apprentissage du Coran. Pendant la lecture, Orked porte le foulard et lit de façon hésitante : « C'est bien, ma petite, tu t'amélioreras avec la pratique, si Dieu le veut. »

La multiculturalité. Pourquoi la mère d'Orked ne parle qu'anglais à sa fille ? « Elle veut se conduire comme une blanche », dit une petite fille du voisinage.
« Pourquoi ton père t'a inscrit dans une école chinoise ? » « Je sais déjà parler malais, il veut que j'apprenne le chinois. » 


Si Muksin est ancré dans la réalité malaisienne et nous permet de découvrir une culture du sud-est asiatique bien peu présente dans l'Hexagone, sa poésie et ses multiples juxtapositions de scènes atteignent l'universalité par les thèmes évoqués que sont l'amour, la famille, le couple, la place des enfants, qui traversent toute société. Il peut donc être vu par le jeune public (à partir de 10 ans) et être support de débat. 



Muksin, film malais de Yasmin Ahmad, 1 h 34, sortie le 6 février 2008.
Prix spécial du Jury international et mention spéciale du Jury d'enfants du Festival de Berlin (2007).


Journaliste à Saphirnews.com ; rédactrice en chef de Salamnews En savoir plus sur cet auteur


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