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Points de vue

Les musulmans au sein du FSE : une autre expression de l’antisémitisme ?

Rédigé par Makri Yamin | Vendredi 7 Novembre 2003 à 00:00

           

La France d’aujourd’hui n’est pas celle du début du siècle dernier et s’il y a un problème d’intégration, il se pose chez ceux dont la vision du monde tend à vouloir s’imposer comme norme, au détriment de nouvelles réalités nationales et internationales. Libre à chacun de porter des convictions tant qu’elles ne menacent pas le socle commun, décidé par l’ensemble de membres de la société. Le cadre français est assez large pour permettre l’expression des idées et des valeurs.



La France d’aujourd’hui n’est pas celle du début du siècle dernier et s’il y a un problème d’intégration, il se pose chez ceux dont la vision du monde tend à vouloir s’imposer comme norme, au détriment de nouvelles réalités nationales et internationales. Libre à chacun de porter des convictions tant qu’elles ne menacent pas le socle commun, décidé par l’ensemble de membres de la société. Le cadre français est assez large pour permettre l’expression des idées et des valeurs.

 

Ainsi, le Collectif des musulmans de France ne réclame pas une nouvelle orientation de la République, mais plus que cela nous revendiquons une application intégrale des principes fondateurs républicains et démocratiques. La difficulté dans le débat autour de l’expression des nouvelles réalités musulmanes réside dans l’attitude qui cherche à imposer comme norme universelle une certaine interprétation de cette norme.

 

L’évolution du monde et de la France nous oblige à une réforme des mentalités dans la fidélité aux principes. Et s’il est évident que la peur domine celles et ceux qui voient dans cette approche la disparition de principes fondateurs de notre société, cela ne doit pas nous arrêter à revisiter la relation ambiguë entre valeurs dominantes  ― résultant d’une interprétation des principes à une époque donnée ― et valeurs universelles, qui animent l’esprit fondateur du projet républicain et démocratique.

A nos yeux, tout le débat se résume à notre capacité à penser les modalités d’application des principes à l’aune des nouveaux besoins économiques, culturels, politiques et spirituels. Certes, il est plus aisé de concentrer le débat sur le champ économique, car il trouve un large consensus, mais cela ne doit pas occulter les autres domaines qui peuvent traduire des divergences.

 

Notre engagement au sein du FSE est la traduction de cette réflexion. Elle est l’expression vivante de cette volonté d’épouser les principes universels à partir de nos réalités.

Nous étions conscients que notre présence n’allait pas passer inaperçue et encore moins faire l’unanimité. Mais avoir autant de réactions virulentes parfois sur « notre tentative d’infiltrer » les mouvements altermondialistes, devait susciter des éclaircissements. Car la frontière n’est pas facile à distinguer, entre la crainte, et le racisme latent. Par conséquent, il est urgent de rappeler les consciences à la vigilance. L’ignorance sur le monde de l’islam et les français de confession musulmane conduit à des dérapages et à des instrumentalisations graves de conséquences.

 

Depuis notre implication dans le FSE, nous sentons que des esprits se crispent. Nous serions coupables d’encourager dans nos alliances, une vision du monde manichéenne. D’un côté les pro-palestiniens, arabes et islamistes, accompagnés des extrémistes gauchistes, et de l’autre, le monde juif, Israël et l’Amérique. Ainsi, nous serions sans nuances. Nous sommes assimilés à tout ce qui peut, de près ou de loin, exprimer l’antisémitisme. Nous sommes détenteurs de gènes particuliers. Quand ce ne sont pas nos jeunes qui brûlent les voitures dans les quartiers, ce sont les viols collectifs que nous cautionnons, voire auxquels nous incitons par notre discours sexiste.

Quand ce ne sont pas les actes antisémites que nous encourageons par notre silence, ce sont des « gourous » que nous servons.

 

Est-ce que tous ceux qui prêtent le flanc à des analyses infondées voire simplistes, mesurent leur participation au développement de la haine et du désespoir ?

Nous vivons ces clichés comme des souffrances dans notre chair au quotidien et malgré cela, ou grâce à cela, notre désir de lutte contre l’injustice reste intact. Il est en nous. Il constitue notre mémoire, notre histoire, notre identité. Il est fondement dans notre conscience. Il est profond dans notre cœur. Il est raison dans notre foi.

Ce n’est pas de la victimisation mais une situation qui se complique et qui nous amène à dénoncer ce qui la nourrit. Nous avons un certain nombre de problèmes que partagent d’autres catégories de la société, mais le plus délicat d’entre eux est l’expression de discours complexifiant des analyses simplistes.

Nous ressentons de sérieuses inquiétudes à l’endroit de certains intellectuels ou acteurs de la société civile et politique. En effet, leurs postures et leurs attitudes réhabilitent de vieux clichés sur la « barbarie » qui « se fourvoie » dans les quartiers, dans les écoles et « prennent en otage » toute la société.

Ce sont des discours qui ne datent pas d’aujourd’hui et qui empoissonnent les débats. Alors trop, c’est trop !

 

Parmi ces nombreuses expressions, on ne peut que souligner la diatribe farouche d’Alexandre Del Valle dans son ouvrage  le totalitarisme islamiste , ouvrage « de référence », agrémenté de « renseignements » censés être précis pour démonter le complot ourdi par les islamistes en Europe. Sur un plan purement politique, le même homme se présentera d’ailleurs aux élections pour la présidence de l’UMP avec Rachid Kaci[1]. Et peu importe si l’alliance de ces deux hommes ne dépasse pas la troisième position, l’objectif n’était pas tant d’arriver à la tête de parti de Chirac, mais bien d’arriver à légitimer un certain discours d’extrême-droite au sein de la droite classique.

Del Valle fait partie de ces théoriciens qui sont convaincus que l’extrême-droite n’a aucune chance d’atteindre le pouvoir suprême en France sans passer par la droite classique.

 

Par ailleurs depuis septembre 2001, Monsieur Cukierman ne cesse de crier au « loup vert », cause de la recrudescence des actes antisémites en France. La presse est accusée de montrer trop d’images du le conflit israélo-palestinien « qui nourrit la haine du juif ». Après le premier scrutin des présidentielles 2002, le Président du Crif s’est senti obligé de déclarer, à partir d’Israël, à un journal local que les musulmans devraient se tenir calmes avec l’arrivée de Le Pen au premier tour. Cette déclaration a provoqué de vives réactions, amenant même BHL à devoir prendre ses distances en condamnant les propos de Cukierman ; mais ce dernier n’a jamais jugé bon de présenter ses excuses aux musulmans, bien que le Collectif des musulmans de France en ait fait la demande.

 

La Ligue de défense juive excelle par ces actes de violences organisés dans les manifestations pro-palestiniennes en criant sans complexe : 'les bougnoules, pas d’arabe, pas d’attentat….' Que ce soit, à Orly, à la réception de José Bové[2] , de retour de sa visite à Arafat, ou lors de la dernière manifestation organisée à la faculté de Jussieu où une horde de 100 jeunes extrémistes juifs s’est abattue sur la cinquantaine de militants pro-palestiniens.

Ces expéditions punitives connues de tous, n’émeuvent pas. Pourtant, ces atteintes à l’intégrité physique des personnes, sont-elles moins dangereuses que les tags antisémites qui inquiètent tout le monde, à juste titre ?

 

William Goldnadel, avocat et membre de l’association Avocats sans Fontières, défendant Oriana Fallaci pour son pamphlet sur les musulmans, parle à la fin du procès de « cri de rage d’une femme meurtrie, blessée par les attentats du 11 septembre » ; mais ailleurs, il n’hésite pas à attaquer en justice au nom de l’Union des Etudiants Juifs de France, le journaliste de France Inter, Daniel Mermet pour son reportage radiophonique sur Israël dans son émission « Là-bas, si j’y suis » ; lui reprochant d’appeler à la haine et d’encourager l’antisémitisme. Deux poids, deux mesures. Qui incendie les esprits ?

 

 

Sans oublier, Malik Boutih, ex-président de SOS Racisme, l’homme des « réalités des quartiers ». L’homme à la surenchère sur le thème du « péril islamiste ». Le besoin de reconnaissance politique après tant d’années d’engagement dans l’ombre l’amène à surenchérir. Le soutien du Parti Socialiste, lui donne droit au « dérapage ». Il est « d’eux », il peut les « détester », les « montrer du doigt ». Un « arabe » qui insulte les « arabes », une vieille histoire.

 

Enfin, il ne faut pas oublier les dernières déclarations de Claude Imbert du magazine Le point. Celui-ci devait souffrir à se contenir pour ne pas vider son sac avec autant de haine. La langue française n’est pas assez riche pour exprimer son désaccord profond avec l’islam et les musulmans. Mais peu importe : il s’agit des « bougnoules ». Cela n’émeut pas les tenants de la philosophie, du savoir et de l’art de vivre civilisé. Si prompts à réagir quand ils sont concernés ; mais si indifférents ailleurs. Si prompts à démonter  l’absence de limite dans le mal de l’autre, pour mieux  sublimer ses nobles sentiments.

 

De grâce qu’on ne se méprenne pas sur nos engagements et sur nos positions, elles ne sont ni « communautaires », ni « passionnées », ce serait là une autre manière de vouloir nous disqualifier et disqualifier, ce que nous pensons.

 

Notre présence au FSE est le résultat de vingt ans d’éducation politique et d’engagement citoyen. C’est le fruit de l’acquisition de savoirs et de pertinences au sein de l’école républicaine, conjuguée à une histoire sociale et à un cheminement spirituel.

Notre présence au FSE est le témoignage que nous sommes prêts à discuter de tout sans tabou tant que l’éthique du débat est respectée. Nous ne demandons pas l’approbation sur tout ce que nous disons ou nous faisons, mais nous exigeons du respect. Nous n’acceptons plus l’humiliation et encore moins l’humiliation d’où qu’elles viennent.

 

Conscients des enjeux que nous représentons, nous avons la certitude que nous vivons une expérience unique, qui aura des retombées nationales et internationales ; une expérience unique de mise en commun de valeurs pour l’élaboration de projets partagées par les humanismes de tous horizons. Il est plus facile d’être seul que de construire avec d’autres. Nous avons choisi le pari de cheminer avec d’autres pour défendre la justice, et faire la promotion de la paix. Mais il ne peut y avoir de justice sans la paix des cœurs et des esprits. Autrement dit : confiance.



[1]Conseiller municipal en région parisienne qui a toujours bonne presse au Figaro depuis les évènements d’Algérie entre 1994 et 1995. Il servait de faire valoir à Pasqua dans sa lutte contre les terroristes en France.

[2] José Bové que BHL a tenté de disqualifier en le traitant de spécialiste du Roquefort, sous-entandant ainsi son incompétence à mesurer les conséquences de son soutien aux palestiniens





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