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Points de vue

Les mots piégés du débat républicain : à l’assaut du mot « antisémtisme »

Rédigé par Pierre Henry | Jeudi 17 Février 2022 à 11:00

           

Les mots qui fâchent, les mots du vocabulaire politique, souvent mal connus, employés de manière inappropriée, instrumentalisés sont nombreux. Ils se répètent et se buzzent en réseaux, confortant postures et partis pris. Ils font débat et nous divisent. Ce sont les mots piégés du débat républicain. Ces mots, nous allons les déminer, les expliquer ou simplement vous permettre de mieux les connaître. Le mot du jour ici décrypté : l’antisémitisme.



Aujourd'hui, c'est le mot antisémitisme qui est sur la sellette. Selon la définition de l'Alliance internationale pour la mémoire de l'Holocauste, l'antisémitisme est une certaine perception des juifs qui peut se manifester par une haine à leur égard. Les manifestations rhétoriques et physiques de l'antisémitisme visent des individus juifs, leurs biens, des institutions communautaires et des lieux de culte.

En France, le terme d'antisémitisme est utilisé pour la première fois en 1890 dans le journal des frères Goncourt. Oui, oui, les créateurs du fameux prix littéraire. C'est un journaliste allemand qui avait inventé ce mot quelques années auparavant pour donner à la haine du Juif un fondement pseudo-scientifique basé sur le concept de race, « sémite » désignant depuis 1845 les peuples parlant l'hébreu, l'araméen ou l'arabe. L'antisémitisme racial va prévaloir au début du 20e siècle en s'appuyant sur une prétendue infériorité des Juifs aux Aryens.

Dans l'histoire, le premier rejet des Juifs fut d'abord religieux, c'est l'antijudaïsme. L'histoire du génocide juif est inséparable du cheminement de l'antijudaïsme. Si la haine des Juifs a atteint son paroxysme avec le nazisme, qui mena aux horreurs de la Shoah et ses six millions de morts, la tradition d'antijudaïsme est bien plus ancienne et trouve sa source dans le catholicisme. L'Eglise catholique associa les Juifs à l'image d'un peuple responsable de la mort du Christ, justifiant ainsi des siècles de persécutions religieuses.

Au début du 13e siècle, le pape Innocent III va imposer un signe distinctif aux Juifs, la rouelle, pièce de tissu jaune. Les Juifs sont rançonnés, humiliés, ghettoïsés, sujets à des accusations récurrentes. De nombreuses professions leur seront même interdites tout au long de l'histoire, tandis que d'autres leur seront réservées, comme celles relatives au prêt d'argent, ce qui participera à entretenir certains préjugés et théories du complot, encore tenaces.

Aujourd'hui, alors que les actes antisémites continuent de croître, une question qui n'est pas anodine encombrent le débat. Peut-on critiquer la politique d'Israël sans être taxé d'antisémite ? La réponse est oui. Doivent pouvoir être exprimés librement, y compris dans un contexte politique sensible tel que le conflit israélo-palestinien, des opinions contraires à la politique menée par Israël. Critiquer Israël, comme on critiquerait tout autre État, ne peut pas être considéré comme de l'antisémitisme. Par contre, la discrimination raciale, l'incitation à la haine, la négation de l'existence de l’État d'Israël, tombent évidemment dans le registre de l'antisémitisme.

Après être revenu sur l'origine du mot « antisémitisme » et sa balade dans l'actualité, un intervenant nous aide à y voir encore plus clair. Ici Patrick Klugman.

*****
Pierre Henry est le président de l’association France Fraternités, à l’initiative de la série « Les mots piégés du débat républicain », disponible également en podcast sur Beur FM.

Voir aussi les vidéos de La Casa del Hikma :

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3.Posté par francois.carmignola@gmx.com le 18/02/2022 17:35 | Alerter
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"les musulmans, qui n'ont jamais causé de problèmes aux juifs"...

Alors que depuis toujours au maghreb et au moyen orient, le sort des juifs fragile et soumis aux aléas de l'histoire a oscillé entre progromes, discriminations diverses, et dhimmitude humiliée. Remarqué et déploré par tous les visiteurs occidentaux au début du XIXème siècle ce sort misérable et méprisé fut progressivement élevé lors des colonisations, accentuant leur rejet par les musulmans.
Lors de la décolonisation, ils partirent tous, et alors qu'ils étaient présents dans toutes ces régions bien avant la colonisation arabe, ils n'occupent aujourd'hui que le fragile et étroit Israël, sous les horions et la haine irréfragable de qui veut surtout les anéantir, plutôt que de les critiquer...

2.Posté par Abdoulaye le 17/02/2022 20:42 | Alerter
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L'antisémitisme est une des grandes caractéristiques de l'Occident depuis 1000 ans, pratiquement partout les juifs ont été discriminés, martyrisés, expulsés, interdits pour de nombreux emplois et finalement victimes d'un génocide mené par l'Allemagne hitlérienne avec l'appui d'une certaine partie de la population des pays occupés par l'Allemagne (Pologne, Hollande, France...).
Toute cette histoire tragique a conduit à faire une loi condamnant l'antisémitisme, ce qui est normal.
Puis, aujourd'hui, par une inversion accusatoire dont ils ont le secret, ceux qui ont toujours été à la manœuvre pour clouer les juifs au pilori, accusent d'antisémitisme ceux qui osent critiquer lla politique du gouvernement israélien. Ainsi, par exemple , les musulmans, qui n'ont jamais causé de problèmes aux juifs se voient intimer l'ordre de se taire sur Israël...
Il faut parfois avoir un bonne dose de résistance devant la crétinerie et l'injustice...

1.Posté par francois.carmignola@gmx.com le 17/02/2022 19:06 | Alerter
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La notion de "critique de la politique d'Israël" a plusieurs acceptions, que l'on peut situer une échelle de 1 à 10, suivant qu'on défend inconditionnellement toute politique menée par tout gouvernement israélien (niveau 1) ou qu'on exige la destruction de l'Etat Israélien et le renvoi de toute sa population en Europe (niveau 10).
Le soutien inconditionnel au parti dit "Hamas", émanation du mouvement des frères musulmans, et qui règne sur la bande de Gaza, suppose une "critique" de niveau 10, naturellement...
Où en est-on de la question de l'antisémitisme à ce sujet ?

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