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Points de vue

Législatives à Marseille : ce que l’absence de candidats « noirs » dit du monde politique français

Rédigé par Nassurdine Haidari | Mardi 31 Mai 2022 à 17:00

           


Législatives à Marseille : ce que l’absence de candidats « noirs » dit du monde politique français
Certaines habitudes ont la vie dure, et les élections législatives qui auront lieu les 12 et 19 juin 2022 ne dérogeront pas à la règle. Dernièrement à Marseille, une tribune avait souligné l’absence de femmes candidates à gauche et le manque de parité, à juste titre !

Cependant, personne ne semble s’émouvoir de l’absence d’hommes et de femmes « noir-e-s » lors de ces élections législatives. En effet, dans la deuxième ville de France, connue pour abriter l’une des plus importantes communautés africaines subsahariennes (plus de 12 % de la population marseillaise, à titre informatif), aucun d’entre eux n’aura été choisi ou sollicité à participer à cette élection à gauche. Zéro candidat.

Cette gauche viendra main sur le cœur, larme à l’œil, chercher nos voix, nous racontant de belles histoires sur la possibilité de changer nos vies, sans pour autant prendre le soin de penser l’altérité, la diversité dans ses propres rangs.

Cette absence de diversité n’est point accidentelle comme celle des femmes en politique ; elle est organisée, voulue et exploitée. Organisée par ces partis politiques prompts à dénoncer des conditions de vie inacceptables, tout en effaçant du jeu politique celles et ceux qui pourraient légitimement en parler à leurs places. Voulue pour conserver des titres honorifiques, des postes à responsabilité, des réseaux d’influences et s’assurer un train de vie confortable. Exploitée pour faire fructifier un vieux fonds de commerce où les « Noirs » sont considérés comme des « nègres » !

A l’instar de ces personnes, souvent célèbres, qui sous-traitent des textes à des auteurs anonymes, ces nouveaux nègres sont volontairement cantonnés à inspirer, de par leurs souffrances, ces nouveaux investisseurs de la misère. Ces expériences de vie misérables serviront ensuite à rédiger de beaux discours sur la précarité, l’habitat indigne, les inégalités économiques et sociales, les ravages du trafic de drogue à une foule chauffée jusqu’à l’incandescence, en quête de justice sociale et d’égalité réelles, lors de certains meetings. Forfaiture !

A l’inverse de la gauche, ce n’est guère mieux

A droite, du côté des Républicains (LR), le constat est sans appel : aucune candidature d’origine africaine subsaharienne et aucune suppléance. La boucle est bouclée. Les législatives sont sans aucun doute une élection pour les Français de « race blanche », pour reprendre la formule du général De Gaulle, sans volonté aucune de donner aux « Français noirs » un droit de représenter des idées politiques, les reléguant de ce fait aux rôles de porteurs de valises, de racoleurs et de colleurs d’affiches dans les secteurs les plus pauvres de Marseille. Forfaiture !

Quant à Renaissance, rien de nouveau sous le soleil azuréen, si ce n’est la reconduction du député-candidat des quartiers nord de Marseille. Mais le compte n’y est pas ! D’un parti qui se voulait échapper aux attitudes controversées de la gauche et de la droite nationale et locale, l’espoir fait vivre décidément les imbéciles. La diversité n’a pas pris l’ascenseur ni les escaliers. Forfaiture !

Je sais d’avance que certains viendront me voir comme aux prochaines élections européennes, municipales, régionales, départementales afin de me dire « ne pas en avoir trouvé », comme s’il s’agissait du Yéti du Tibet ou d’une espèce en voie de disparition.

Aujourd’hui, certaines forfaitures ne sont plus acceptables et certaines phrases ne tomberont plus dans l’oubli comme celles prononcées par un adjoint au maire de Marseille me disant d’un air très sérieux que s’il n’y avait pas de « Noirs assez intelligents dans cette belle cité phocéenne pour être retenus sur les listes, lui ne pouvait pas les inventer » ! Un adjoint qui devrait probablement avoir sa carte d’honneur au Rassemblement National. Je n’oublierai pas aussi cette petite phrase lancée lors d’un dîner privé d’une candidate me disant n’avoir tout simplement pas trouvé de Noirs à Marseille pouvant être sur les listes. Ces « populations fantômes » tant courtisées pour abreuver les rêves de ces loups politiques.

Les faits sont têtus et les chiffres ne mentent pas. Sur 95 investitures à Marseille, on ne compte qu’un candidat-député à Renaissance et deux à Ecologie au centre, soit un pourcentage ridicule de 3 % avec une impossibilité de l’emporter pour les deux candidats d’Ecologie au centre et une forte incertitude pour le candidat de Renaissance.

Face à ce racisme structurel qui ne dit pas son nom, le Conseil représentatif des associations noires (CRAN) dénonce avec la plus grande fermeté cette négrophobie organisée. Le CRAN invite l’ensemble des partis politiques concernés à lutter contre ces attitudes méprisantes et dévastatrices qui détruisent jour après jour le lien de confiance entre les citoyens et les formations politiques. Il œuvrera pour la mise en place d’un observatoire de la diversité au sein des partis politiques sur l’ensemble du territoire national, considérant que cette situation à Marseille est malheureusement un laboratoire national.

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Nassurdine Haidari est le président du Conseil représentatif des associations noires de France (CRAN).

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