Connectez-vous S'inscrire

Points de vue

La relocalisation, utopie ou réalité économique ?

Rédigé par Michel Ruimy | Lundi 1 Mars 2021 à 12:00

           


La relocalisation, utopie ou réalité économique ?
Pour certains, le monde post-Covid sera, quoi qu’il en coûte, inéluctablement différent. Cette crise protéiforme n’aura pas que des incidences sanitaires. Elle est la preuve définitive que le système ultralibéral est au bout du rouleau et que la mondialisation n’est qu’une source de malheurs comme l’écrivait déjà le prix Nobel d’économie Maurice Allais, il y a plus d’une vingtaine d’années.

En pointant du doigt les méfaits de la mondialisation, ce coronavirus remet notamment sur le devant de la scène le sempiternel débat du « Made in France ». Pénurie de masques, de gel hydroalcoolique, d’appareils respiratoires, de médicaments, de vaccins, de produits alimentaires… La France découvre avec sidération la dépendance de son économie aux importations.

Gagner en indépendance industrielle et sanitaire

La crise sanitaire a mis en évidence la nécessité, pour la France, de gagner en indépendance industrielle et sanitaire, tant pour l’approvisionnement en médicaments qu’en dispositifs médicaux. De manière plus fine, elle met en lumière les risques inconsidérés associés à l’internationalisation de la chaîne de production où quelques entreprises d’un pays ou d’une zone géographique en assurent un maillon seulement, les autres étant pris en charge par une poignée d’entités réparties à travers le monde.

Pourtant, certains en faisait encore récemment l’apologie en conseillant aux entreprises de se positionner sur le maillon sur lequel elles détenaient des compétences spécifiques afin de maximiser leur valeur ajoutée et d’optimiser les économies d’échelle, dans un pur objectif de rendement. La politique industrielle de la France s’est ainsi progressivement et profondément modifiée en réduisant le nombre d’usines dans les régions. Nos élites avaient imaginé une politique industrielle sans usines en oubliant simplement aussi que celle-ci contribuait grandement à l’aménagement du territoire !

Aujourd’hui, si le modèle mondialiste est décrié, c’est en raison du risque opérationnel considérable qu’il induit. Un seul maillon de la chaîne fait défaut et l’ensemble de la filière s’arrête. Quand il s’agit de santé publique, le coût de ce risque devient prohibitif car il engage le sort de milliers de vies humaines.

La relocalisation, utopie ou réalité économique ?

A travers la relocalisation, la quête d’une nouvelle souveraineté économique

Néanmoins, on n’a pas attendu la crise du coronavirus pour questionner un tel montage. Dans certains secteurs, dès 2010, on pouvait déjà observer les signes d’une relocalisation des chaînes de valeur. Celle-ci se justifierait notamment par la baisse des différences de coûts de production entre pays développés et émergents (due entre autres à l’automatisation des processus de production) devenues insuffisantes pour justifier les coûts de transport d’un pays à l’autre.

C’est pourquoi, la crise sanitaire mondiale que nous traversons est une formidable opportunité de remettre sur le devant de la scène quelques questions politiques et idéologiques, qui s’étalent de plus en plus dans la presse et sur les plateaux de télévision, sans doute pour préparer les futures et proches joutes électorales.

La crise sanitaire semble imposer à l’agenda politique la quête d’une nouvelle souveraineté économique, à travers la relocalisation de la production d’un certain nombre de biens jugés essentiels même s’il n’est pas impossible qu’une mondialisation numérique, déjà en route, bouleverse significativement les rapports humains à travers la planète, à un prix énergétique exorbitant.

La relocalisation soulève pourtant de nombreuses questions, aussi bien sur la compréhension des enjeux de dépendance auxquels elle cherche à répondre, que sur les opportunités économiques, sociales ou environnementales qu’elle peut offrir, sur ses leviers ou encore sur sa faisabilité et ses limites. Il conviendrait ainsi d’investir dans les domaines innovants à forte valeur ajoutée comme ceux de la transition écologique. En effet, on ne règle pas le problème du chômage en France avec une relocalisation d’activités effectuées dans des usines ultra-automatisées.

En revanche, il nous faut produire et créer des choses qui développeront des parts de marché. Le problème de compétitivité en France est bien une réalité, mais il est nécessaire de rappeler qu'il se pose aussi nos « partenaires » européens. En France, le premier poste de déficit commercial se situe vers l’Allemagne.

*****
Michel Ruimy est économiste. Première parution de l’article dans le bulletin de mars-avril 2021 de l’Observatoire d’études géopolitiques (OEG)

Du même auteur :
Les conséquences économiques de la crise sanitaire du Covid-19 : vers la dérive ou le sursaut du monde ?





SOUTENEZ UNE PRESSE INDÉPENDANTE PAR UN DON DÉFISCALISÉ !