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Points de vue

La police moderne est née à Bagdad au VIIIe siècle

Rédigé par Seyfeddine Ben Mansour | Lundi 25 Mars 2013 à 00:00

           


La police moderne est née à Bagdad au VIIIe siècle
L’entourage de Manuel Valls a indiqué le 7 mars dernier que les syndicats de police avaient voté « à une large majorité » pour le « projet de réforme du code de déontologie proposé » par le ministre de l’Intérieur. Ce nouveau Code, qui préconise le vouvoiement et encadre les contrôles d’identité, vise une plus grande conformité avec la mission qui échoit à cette institution par ailleurs relativement récente en Occident.

C’est en 1667 en effet qu’est créée à Paris, alors plus grande ville d’Europe, la fonction de lieutenant général de police. Mais c’est en terre d’islam que s’ébauche, neuf siècles plus tôt, l’institution de la police dans sa forme quasi moderne.

A l’origine, il s’agit d’un corps militaire d’élite chargé du maintien de l’ordre dans les cités du jeune Etat islamique. Des générations d’Arabes ayant servi dans les légions romaines à l’époque préislamique, techniques guerrières, modes d’organisation et concepts ont pu être mis à profit pour l’édification du nouvel empire : aussi, de même que ‘askar, « armée », est issu du latin exercitus, le mot shurta, « police », est l’arabisation de cohortes (urbanæ) qui désignait à l’époque romaine, puis byzantine, les forces militaires auxiliaires chargées du maintien de l’ordre dans les villes.

Chaque cité islamique avait son préfet de police

De fait, la police est une institution d’ordre pragmatique, dont le fondement ne trouve pas sa source dans la jurisprudence islamique (shari'a) alors en cours d’élaboration.

C’est al-Mahdi, le troisième calife abbasside (746-785) qui rompra avec les usages hérités de Byzance, en faisant de la police une institution civile. Cette évolution s’opère dans le cadre plus général d’une politique qui pose les bases d’une administration moderne, à travers la création de différents départements administratifs, tels que le Service des postes, la Cour des comptes, le ministère des Finances et celui de la Police.

De Cordoue à Samarcande, les cités du monde islamique avaient ainsi chacune leur sâhib ash-shurta, ou préfet de police, nommé, suivant les époques et les régimes, par le calife ou les princes locaux. Aux côtés du cadi, ou juge, et du muhtasib, ou magistrat commercial, il est l’un des personnages les plus importants de la ville. Il a le devoir de traiter les personnes de manière égale, de protéger les droits de ceux qui sont victimes d’une injustice, de contraindre, si besoin est, les parties à se présenter devant le juge et d’appliquer aux personnes convaincues de culpabilité les peines légales prescrites par le Coran ou la Sunna (hudûd).

Quoique le préfet de la police soit placé sous la juridiction du cadi, et que leurs domaines de compétence soient pour l’essentiel distincts – justice répressive et criminelle pour le premier, et justice civile pour le second –, les deux magistrats partageaient l’application des peines de hudûd, ce qui était source de rivalité, et partant, de conflits de pouvoir.

Par ailleurs, les cadis étant relativement autonomes vis-à-vis de l’exécutif, les souverains se servaient parfois des préfets pour contrer le pouvoir des juges. Ce fut notamment le cas du souverain de l’Espagne arabe al-Hakam 1er (796-822) dont les relations avec les oulémas de Cordoue étaient difficiles.

La fonction ouverte aux communautés défavorisées

Autre caractéristique moderne enfin, le fait que la fonction de préfet de police était ouverte aux individus issus des communautés défavorisées : ainsi, Muhammad Ibn Khalid Ibn Martanîl, descendant d’esclave (probablement d’origine wisigothique) et préfet de Cordoue sous ‘Abd ar-Rahman II (822-852), le mathématicien et philosophe juif né en France Ibrahim Ibn Hiyya (1070-1136), qui fut préfet de police de Barcelone, ou encore son coreligionnaire, le poète et philosophe Moïse Ibn ‘Ezra, qui assuma en 1095 la charge de sâhib ash-shurta de la puissante cité de Grenade.

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