Connectez-vous S'inscrire

Culture & Médias

La Wii pour les fêtes de fin d'année

Entretien avec Emmanuel Forsans

Rédigé par Aurélien Soucheyre | Mardi 19 Décembre 2006 à 00:00

           

Fondateur de l’Agence française pour les jeux vidéos, Emmanuel Forsans observe l’évolution du marché des jeux vidéo en France. Ces derniers se sont imposés comme l’un des loisirs récurrent des Français. Ce secteur en croissance permanente fait aujourd’hui parti des habitudes de consommation des Français. Les trois consoles de nouvelle génération (Xbox, Wii et PS3) vont très prochainement se disputer ce marché.



Emmanuel Forsans
Emmanuel Forsans

Saphirnews : La guerre des consoles nouvelle génération a débuté, quels sont les favoris ?

Emmanuel Forsans : On ne peut plus vraiment parler de « guerre des consoles » aujourd’hui. Il n’y a pas de risque de « décès » d’une console, comme pour la Dreamcast de Sega en 2000. L’affrontement lui-même est déjà joué. Les trois enseignes clairement installées sur le marché des consoles de salon : Microsoft, Sony et Nintendo vont chacune se tailler une part du marché. Aucune enseigne n’a intérêt à disparaître pour l’industrie du jeu vidéo. La concurrence actuelle permet une émulation et une progression constante des machines et du gameplay. Il y a même la place pour d’autres consoles, comme le démontre la percée des consoles portables, voir des jeux sur mobiles.

Qu’est-ce qui a changé dans le marché du jeu vidéo avec cette nouvelle génération de console ?

Emmanuel Forsans : Ce qui fait le succès d’une console, ce sont ses jeux. Surtout sur le marché européen. A long terme, l’importance des catalogues va primer sur la marque de la console.

Comment se porte le marché des jeux vidéo en France et dans le monde ?

Emmanuel Forsans : Très bien, la progression est constante et n’a jamais été aussi forte. Le marché a augmenté de 10 % l’an dernier. Il existe trois marchés du jeu vidéo qui répondent chacun à leur propre clientèle et culture vidéoludique : le marché japonais, le marché américain et le marché européen. Les jeux sont d’ailleurs zonés : un jeu japonais ne pourra pas être lu sur une console américaine.

Quelles sont les positions occupées par les machines dans la course aux ventes ?

Emmanuel Forsans : Il faut bien faire la différence entre les trois zones de ventes. Aux Etats-Unis, les trois consoles vont largement fonctionner, tout comme en Europe. Au Japon cependant, la Xbox 360 ne perce pas. Microsoft est boudé. Aujourd’hui, le catalogue des jeux d’une console vaut plus que son enseigne, et les jeux de la Xbox 360 correspondent moins aux habitudes de jeu des Japonais. La PS3 va cartonner, et Nintendo sait se vendre partout. Le marché japonais est le plus protectionniste et reste centré sur lui-même. Microsoft destine ses productions à une distribution mondiale, mais ses choix vont peu à peu s’affiner en fonction du public.

Et en ce qui concerne la France ?

Emmanuel Forsans : Microsoft a lancé la Xbox 360 à Noël 2005. Avec un an d’avance sur ses deux rivaux, il n’a pas su s’imposer comme le leader du secteur. La Wii de Nintendo et la Playstation 3 de Sony vont donc elles aussi se tailler une place sur le marché. La première sortira le 8 décembre en France. La seconde accuse un retard en raison de difficulté de production de la diode Blue Ray, elle arrivera sous nos latitudes en mars 2007.

Ce retard de la Playstation 3 va certainement défavoriser Sony qui va rater l’échéance ne Noël. Le prestige de la marque rattrapera certainement ce retard, mais le prix est conséquent.

La Wii possède deux avantages de choix. Elle va sortir pour Noël et son prix reste très attrayant par rapport à celui de ses concurrentes. Elle coutera 249 euros, soit beaucoup moins que les 600 euros de la PS3. La Xbox 360 coûte 400 euros, cependant, son lecteur HD-DVD, disponible depuis peu, est vendu 200 euros. A compétences égales, le prix de la Xbox 360 équivaut à celui de la PS3 puisque la machine de Sony est équipée d’un lecteur DVD Blue Ray.

La Wii de Nintendo est très différentes de ses deux opposantes ?

Emmanuel Forsans : Totalement, les cartes sont redistribuées. Au lieu de poursuivre la course à la puissance graphique, Nintendo a tout misé sur le gameplay, afin de décloisonner le jeu vidéo, de l’ouvrir à la famille. La manière de jouer est ici totalement inédite, le plaisir vidéoludique y est réinventé, reconceptualisé. Et ça marche, il y a déjà 400 000 réservations rien qu’en France, Nintendo a dû les stopper, la demande est énorme.

Le marché du jeu vidéo empiète-il sur celui du cinéma, de la musique ou de la littérature ?

Emmanuel Forsans : Non, il s’est totalement incorporé au marché du loisir. Il ne nuit pas aux autres industries. Bien évidemment, les consommateurs ont un choix à faire au niveau de la gestion de leur temps et de leurs dépenses.

Et du côté des consoles portables ?

Emmanuel Forsans : Sony avec la PSP et Nintendo avec la DS ont lancé leurs consoles portables. Les ventes démontrent que certains joueurs possèdent des consoles de salon mais aussi des consoles portables. Ces dernières pourront se connecter avec leurs «sœurs» de salon PS3 et Wii. De nombreuses options et nouveautés de gameplay iront avec. Microsoft ne possède pas sa console portable. Cependant, sa console de salon suit la mouvance Internet.

Internet va-t-il cette fois-ci prendre un rôle important dans l’usage d’une console ?

Emmanuel Forsans : A l’image des jeux vidéo sur PC, les consoles de salon nouvelles générations offrent une nouvelle dimension vidéoludique avec la démocratisation du jeu en ligne. Les joueurs pourront se retrouver sur Internet ce qui donnera sans doute naissance à des communautés de joueurs connectés chacun depuis leur salon et dans toute la France, comme avec les ordinateurs.

On observe actuellement une hausse des prix.

Emmanuel Forsans : Oui, les consoles n’ont jamais été aussi cher, les jeux non plus. 50 euros c’est déjà cher pour un jeu, et les productions nouvelles générations coutent 70 euros. C’est une erreur. Il y aura toujours des fans pour beaucoup dépenser. Mais il ne faut pas oublier qu’une console se destine à une distribution de masse. Quand on voit le succès des jeux réédités ou du marché d’occasion, les prix actuels apparaissent stupides.

Des jeux seront-ils à vendre à bas prix sur le net depuis les consoles?

Emmanuel Forsans : Cela constitue une révolution, malgré les lobbys de la distribution qui freinent ce phénomène. A long terme, nous allons peut-être assister à une dématérialisation du produit vidéoludique.

A l’échelle mondiale, le jeu vidéo constitue-t-il un produit de luxe ?

Emmanuel Forsans : Tout à fait, les nouveaux produits sont uniquement vendus au Japon, en Amérique du nord, et en Europe, en dehors du Brésil qui constitue une exception. Chez certains pays d’Amérique du Sud et dans le Maghreb, les consoles dépassées, celles des anciennes générations, se voient offrir une seconde vie une fois la production terminée pour les trois marchés de référence. Ce sont souvent les stocks invendus qui y sont soldés.

Derrière la concurrence 360 contre PS3, c’est peut-être la guerre des lecteurs DVD qui se joue ?

Emmanuel Forsans : Certainement, le HD-DVD de Microsoft affronte le Blue Ray de Sony. Cela va segmenter le marché. Par exemple, Columbia appartient à Sony, donc ses films ne seront lus que sur le Blue Ray le temps qu’un support l’emporte. Microsoft est de toute façon en position favorable puisqu’il fournit les cartes de codages de l’HD-DVD et du Blue Ray…




SOUTENEZ UNE PRESSE INDÉPENDANTE PAR UN DON DÉFISCALISÉ !