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Finance éthique

La Réunion, tête de pont de la finance islamique en France

Rédigé par Assmaâ Rakho Mom | Mardi 15 Avril 2008 à 21:48

           

Depuis le 29 février dernier, le système banquier français, par le biais de la BFCOI, filiale de la Société Générale, propose à ses clients sur l’île de La Réunion deux produits financiers en accord avec les principes islamiques. L’offre découle, selon la BFCOI d’une « longue démarche locale » visant à « essayer de déterminer une offre précise qui puisse à la fois respecter les principes éthiques et se mettre en face de besoin réels exprimés par une communauté ».



Depuis 2004, la Société Générale Asset Management a développé une expertise sur la finance islamique et a dans ce cadre travaillé en collaboration étroite avec la Banque française commerciale Océan Indien (BFCOI), mais aussi « avec notre filiale la compagnie d’assurance Sogecam pour mettre au point deux produits qui respectent les critères de la charia afin de répondre à une demande détectée par l’équipe du service du patrimoine à la BFCOI », à savoir le « besoin de clients de La Réunion et de Mayotte de ces supports », a précisé à Saphirnews un responsable à la Société Générale Asset Management.

La Réunion, tête de pont de la finance islamique en France

Longue démarche

Une longue démarche locale a été conduite aux côtés d’experts comptables, de chefs d’entreprise et de particuliers, pour tenter de déterminer une offre précise qui respecterait à la fois les principes éthiques islamiques mais aussi se positionnerait en face de besoin réels exprimés par une communauté, explique la BFCOI, soulignant que les principales normes à respecter dans ce cadre sont, d’une part, l’« interdiction des transactions qui impliquent l’intérêt » et, d’autre part « l’interdiction d’utiliser des entreprises qui interviendraient dans des secteurs non conformes à la charia ».

Les autorisations de l’Autorité des marchés financiers (AMF) ont été obtenues courant février, et la commercialisation des deux produits a lieu depuis le 29 février.

Deux produits sont ainsi proposés, correspondant à deux besoins différents, nous explique la banque. Le premier, qui a été baptisé SGAM AI Liquidités, est « typiquement un produit qui correspond à une vocation monétaire », souligne le responsable à la Société Générale. Il s’adresse à tous types de clients, que ce soit le particulier, l’entreprise ou encore l'association, et a été validé par deux comités charia : la Cellule du fiqh du Centre islamique de La Réunion (CFCI) et Ratings Intelligence Partner. Le SGAM AI Liquidités fournit une liquidité quotidienne, utilisant pour cela la mourabaha.

Le second produit proposé s'intitule SGAM AI Barakah. Ce placement s'étale sur huit ans et requiert l'utilisation à la fois de la murabaha et de l'investissement en Bourse, dans des entreprises cotées à l’indice Dow Jones Islamic Market. En fonction de l'indice boursier, la part allant aux actionnairess augmente ou diminue.

Collaboration

Ces produits sont le fruit d’une collaboration avec la cellule fiqh du Centre islamique de La Réunion, souligne la BFCOI.

Mettre en place une offre de produits répondant à l’éthique islamique, c’est deux principes, précise la banque, précisant qu'il faut « d’abord s’intéresser à la façon dont la finance est comprise par les oulémas et ensuite voir les aspects techniques qui puissent répondre à ces exigences ». « En local on a eu la chance d’avoir des personnes qui souhaitent s’investir dans la démarche pour permettre à des musulmans de bénéficier de produits à la fois suffisamment rémunérateurs pour être intéressants et compatibles avec l’éthique de la charia. C’est là que c’est extrêmement novateur », estime la BFCOI.

« Et ce qui est encore novateur c’est le fait que sur le marché on soit dans le cadre du premier appel public à l’épargne de ce type en France », a déclaré la banque.

Patrimoine

Mais à combien est estimé le patrimoine des musulmans de l'île de La Réunion ? C'est une question à laquelle la BFCOI se refuse de répondre, soulignant qu'« on ne fait pas d’étude de marché en fonction de la religion », donc « on n’a pas de lecture précise du patrimoine des musulmans ».

« Ce qu’on peut dire c’est qu’à La Réunion ils sont très intégrés économiquement, et par rapport à leur intégration ils sont dans la capacité de pouvoir émettre des souhaits pour obtenir des produits qui soient plus en phase avec leur éthique", affirme la banque, ajoutant que i[« l’objectif est par la suite de pouvoir mettre en place une offre de crédit qui réponde également à l’éthique islamique ».

Cheminement client-produit

Si des produits en phase avec les principes islamiques ont pu apparaître sur l'île de La Réunion, ce serait d'après la Société Générale plus le produit d'« un cheminement client-produit que l’inverse. C’est une demande des clients, la structuration de produits pour répondre à un besoin né à La Réunion il y a plus d’un an ».

Si une demande de la même nature avait lieu en France, « on travaillerait sur le sujet pour voir comment y répondre », nous précise la banque, qui estime qu'« il n’est pas toujours évident de répondre car les critères de la finance islamique sont stricts et qu'il est hors de question d’en sortir ».

Le débat sur la proposition par les banques de produits répondant aux critères islamiques « est un débat qui n’a pas lieu uniquement à la Société Générale », reconnaît-on à la banque. « Chez nous, on voit depuis trois ans beaucoup d’intérêt sur les produits d’investissement de la finance islamique. Et depuis un ou deux ans on voit beaucoup de choses venir d’Europe, notamment de Suisse et d’Angleterre. Donc on a une demande presque spontanée de pas mal de clients européens sur les différents supports d’investissement de la finance islamique ».

Et notre interlocuteur à la Société Générale de rappeler que « c’est un débat qui devient de plus en plus européen et donc français, parce que la place de Paris a commencé à y réfléchir sérieusement. La Grande-Bretagne a un peu d’avance sur nous, sachant que là-bas on compte à peu près 2 millions de musulmans contre 5 millions en France. Et le gouvernement britannique a déclaré à plusieurs reprises qu’il voulait être le centre européen de la finance islamique. Il y a une petite compétition entre les deux pays là-dessus, mais qui répond à un besoin des populations musulmanes en Europe ».






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