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Dîner débat annuel de l’IIIT sous le signe de la laïcité

Rédigé par Nicolas Mom et Assmaâ Rakho Mom | Dimanche 30 Octobre 2005 à 12:00

           

C’est dans un cadre oriental, avec un fond musical, que l’institut international de la pensée islamique (IIIT) a organisé son cinquième dîner-débat annuel. Cette année, celui-ci s’est tenu au sein du restaurant de la mosquée de paris le jeudi 27 octobre. Mohammed Mestiri, comme à son habitude, affable et enthousiaste, accueille un à un ses invités, avec pour chacun d’entre eux un petit mot d’amitié et de bienvenue.



Une fontaine au centre de la salle, des murs en mosaïque : l’ambiance est à l’heure orientale. Les invités arrivent par petits groupes et prennent place autour des tables rondes où sera bientôt servi un couscous agneau. Après un repas frugal, le président de l’institut, Mohammed Mestiri prend la parole et présente le sujet du débat : la laïcité face à ses principes. En même temps que seront servis gâteaux et thé à la menthe, Alima Boumédiene Thiéry et Alain Gresh, les deux invités d’honneur, introduisent le débat autour du centenaire de la loi de 1905 relative à la séparation des Eglises et de l’Etat, loi donc qui introduira en France le concept de laïcité.

Mohammed Mestiri a posé la problématique : la laïcité face à ses principes, à savoir la liberté religieuse et la neutralité (de l’Etat ndlr). « En ce mois de ramadan, qui nous inspire méditation et convivialité, nous sommes venu pour débattre autour du rapport entre le politique et le religieux », a-t-il déclaré.

La parole est ensuite donnée à Alima Boumédiene Thiéry, sénatrice des Verts, puis à Alain Gresh, rédacteur en chef du Monde Diplomatique, pour enfin échouer au public au sein duquel le micro n’a cessé de circuler par la suite.

Universitaires, hommes politiques, cadres associatifs, journalistes, étudiants constituent exclusivement l’assemblée venue débattre ou pour quelques-uns étoffer son carnet d’adresses ou encore tout simplement bénéficier d’un bon repas en compagnie du beau monde.

Assis un peu en retrait à une petite table discrète, Bernard Stasi, bras croisés sur la poitrine, répondait aussi présent à l’invitation.

Venu comme il l’a annoncé « en ami », il a été néanmoins placé au coeur du débat, celui-ci s’étant orienté principalement en direction de la loi sur les signes religieux, loi par ailleurs fustigée à l’unanimité par les participants. Bernard Stasi a présidé la fameuse commission qui, dans ses conclusions présentées au Président de la République Jacques Chirac, allait dans le sens de la légifération s’agissant des « signes religieux à l’école ». Mme Boumediene sera la première à jeter son dévolu sur les conclusions de la commission et sur les effets de la loi qui s’en est suivie.

« Une loi d’exclusion »

« Si la Turquie entrait dans l’Europe, cela ferait deux pays laïcs en son sein : la France et la Turquie ! », a-t-elle commencé par dire. La sénatrice souhaitait souligner le fait que la Turquie et la France étaient les deux seuls pays à avoir inscrit la laïcité dans leur Constitution. « Mais, a-t-elle ajouté, la loi du 15 mars 2004 a fait resurgir une laïcité de combat qui n’est autre qu’une loi d’exclusion et de discrimination ». Bernard Stasi, touché, s’exaspère et soupire bruyamment.

Sous les applaudissements de la salle qui approuve, la parole est donnée à Alain Gresh. Lui aussi condamne la loi. Il souligne le fait que le débat dès le début a été faussé. « Les musulmans ont été pris en otage », dit-il. « Le discours laïc a toujours été orienté vers l’égalité homme / femme. Or l’égalité homme / femme est un autre discours, un autre débat, qui est sans rapport avec la laïcité ». D’ailleurs il mentionne le fait que la commission sur la laïcité était constituée à 95% d’hommes. Il rappelle aussi que les femmes n’avaient pas le droit de vote au temps d’une France déjà laïque. « Finalement, conclut-il, ce n’est pas la loi en elle-même qui est importante, mais plutôt le climat qu’elle a créé. Aujourd’hui certains maires refusent de marier des jeunes filles voilées, des mères de famille ne peuvent plus accompagner leurs enfants à l’école… » Alain Gresh a ainsi mis l’accent sur les disfonctionnements qui découlent d’une telle loi.

Ensuite, Mohammed Mestiri reprend le micro. « Dans tous les débats télévisés ou radiodiffusés auxquels j’ai eu l’occasion de participer, on m’a toujours interrogé en tant que musulman et non en tant que laïc. Je me suis retrouvé dans une situation où il fallait choisir : parler en tant que musulman ou en tant que citoyen. En fin de compte, l’islam a été à la marge du débat de fond. La vrai débat devait être celui-ci : la laïcité et sa capacité à intégrer l’islam, et non le contraire, » conclut-il avant de faire circuler le micro dans la salle.

« Je suis venu en ami »

Bernard Stasi prend ensuite la parole, rappelant que la loi a été votée à l’unanimité par les députés de tous bords et de toute sensibilité de l’assemblée nationale et que cette loi concernait autant les musulmans, que les chrétiens, que les juifs. Visiblement très remonté, il insistera sur la création de la HALDE (Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations et pour l’Egalité), fruit de la commission qu’il a présidée et dont personne n’a mentionné l’établissement. « Nous combattrons toujours tous les intégrismes quels qu’ils soient » a-t-il déclaré. « Je suis et j’ai toujours été l’ami des musulmans. J’ai accepté l’invitation et je suis venu en ami ». Précisant toutefois qu’il devait se rendre quelques heures plus tard à Berlin pour parler de la laïcité, Bernard Stasi a invité les participants à débattre quand ils le désireraient au sujet de la commission qu’il a présidé et de la loi qui s’en est suivie et a souligné qu’il serait prêt à répondre à toutes les critiques et observations. Match à plus tard donc.

Finalement, cinq années après l’instauration de son dîner-débat annuel, l’Institut international de la pensée islamique, avec à sa tête Mohammed Mestiri, a réussi son introduction dans le paysage français, qu’il soit médiatique, politique, social, etc… et sa rencontre annuelle est devenue une tradition.




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