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Religions

Conseil national des imams : le retrait fracassant de la Grande Mosquée de Paris

Rédigé par | Lundi 28 Décembre 2020 à 19:45

           

« Cette décision, mûrement réfléchie, est irrévocable. » La Grande Mosquée de Paris a annoncé, lundi 28 décembre, son retrait du projet de création du Conseil national des imams face aux blocages entourant l’adoption de la « charte des valeurs » à laquelle les fédérations musulmanes devaient se concorder. Son recteur s’en explique, en s’en prenant sans détour et avec véhémence à « la composante islamiste » agissant au sein du Conseil français du culte musulman (CFCM).



Conseil national des imams : le retrait fracassant de la Grande Mosquée de Paris
A peine annoncé par le Conseil français du culte musulman (CFCM) en novembre, le projet du Conseil national des imams (CNI) était bruyamment fustigé dans les rangs des musulmans. A l’intérieur aussi, les discussions entre les membres de l’instance musulmane, à qui le président de la République, Emmanuel Macron, avait placé une « confiance » qui les « oblige », n'étaient pas de tout repos.

La « charte des valeurs » étant vite devenue un préalable à l'avancée des travaux autour du CNI, les fédérations devaient ainsi se mettre d’accord sur le contenu du document, qui devait être présenté à l’Elysée et au ministère de l’Intérieur sous deux semaines, au début du mois de décembre, avant signature de toutes les organisations musulmanes concernées. Cinq semaines plus tard, et après un nouveau report de réunion Place Beauvau le 23 décembre, c’est désormais peine perdue avec le retrait fracassant de la Grande Mosquée de Paris du projet, annoncée par ses soins lundi 28 décembre.

Un texte « ambitieux et clair » qui ne faisait pas l’unanimité

« Au lendemain de l'effroyable crime qui a coûté la vie à Samuel Paty, le chef de l'État avait exprimé sa volonté de voir toutes les instances musulmanes prendre leurs distances, de manière officielle et tangible, avec toute forme de propos séparatistes. Cette nécessaire clarification devait se matérialiser à travers l'élaboration d'une "charte des valeurs" », a indiqué dans un communiqué le recteur de la Grande Mosquée de Paris (GMP) Chems-Eddine Hafiz, qui déclare avoir soutenu l’initiative « dans un but pédagogique, afin que notre jeunesse musulmane notamment, puisse comprendre que rien ne l'empêche, en France, de vivre, de façon harmonieuse, sa citoyenneté et sa foi ».

Cette charte devait initialement, et dans les grandes lignes, proclamer l’attachement aux valeurs de la République, reconnaître que l’islam est une religion et non un mouvement politique et stipuler le refus de l'ingérence étrangère dans la gestion du culte musulman en France. Du coté du recteur, ce devait être « un texte ambitieux et clair » qui devait être rendu public courant du mois de décembre. Une mouture reprenant « les contributions de la plupart des fédérations » a été soumise par le président du CFCM Mohammed Moussaoui, en vue d’être adoptée.

« Son contenu respectait incontestablement la dignité de chaque musulman et sa foi, exprimait un attachement à toutes les lois de la République et aux principes qui fondent notre société », a estimé le recteur de la GMP, qui espérait un document au contenu « à même de répondre à tous les enjeux de notre époque, pour mettre fin définitivement aux ambiguïtés entretenues par certains courants qui ont pris l'habitude de faire de notre religion un levier de manipulation à des fins politiciennes, dévoyant ainsi le message de l'islam ».

Des fédérations « islamistes » accusées de « sabordage »

Alors que « tout semblait se dérouler dans des conditions normales jusqu'à la mi-décembre », Chems-Eddine Hafiz voit ses ambitions pour la charte bloquées. Il dénonce « la composante islamiste au sein du CFCM, notamment celle liée à des régimes étrangers hostiles à la France » qui « a insidieusement bloqué les négociations en remettant en cause presque systématiquement certains passages importants ».

« Des membres de la mouvance islamiste sont allés jusqu'à réaliser des manipulations médiatiques, salissant notre honneur et, dans le contexte, mettant ainsi notre vie en danger, faisant croire que cette charte avait pour ambition de toucher à la dignité des fidèles musulmans. Ce qui est un mensonge éhonté, dont les conséquences peuvent être particulièrement graves », déclare-t-il. L'allusion est faite, sans le citer, à l’article de Mediapart en date du 16 décembre dans lequel des extraits d’une version non finie mais avancée de la charte avaient été relayés.

Dans cette mouture, il était notamment question de dénoncer l’existence d’un « prétendu racisme d’Etat », qui « ne recouvre aucune réalité en France ». Dans celle voulue par la GMP, il était aussi question de nommer les courants de l’islam politique (« wahhabisme, salafisme, doctrine des Frères musulmans et plus généralement toute mouvance locale, transnationale ou internationale qui vise à utiliser l’islam afin d’asseoir une doctrine politique »), un point qui a aussi suscité, rapporte Mohamed Sifaoui au JDD, des oppositions parmi Musulmans de France (ex-UOIF), la Confédération islamique Milli Görus (CIMG) et Foi & Pratique (tabligh).

« Cette composante islamiste agissante au sein du CFCM œuvre, comme à son habitude, en coulisses et en surface, pour saborder toutes les initiatives qui visent à créer des rapprochements salutaires entre les musulmans de France et la communauté nationale », appuie Chems-Eddine Hafiz, qui déclare faire preuve de « franchise » et de « clarté », sans nommer clairement les fédérations visées par ses accusations.

Imposer son leadership face au CFCM

Parce qu’il estime que « la représentation des musulmans mérite autre chose que des manœuvres dilatoires et des agissements douteux entourés d'actions qui cherchent à diviser la communauté nationale et à séparer les Français de confession musulmane de leur société », la Grande Mosquée de Paris a décidé de son retrait des discussions autour du projet de charte, « de ne plus participer aux réunions qui visent à mettre en œuvre le projet du Conseil national des imams et de geler tous les contacts avec l'ensemble de la composante islamiste du CFCM ».

« Cette décision, mûrement réfléchie, est irrévocable », a-t-il déclaré, voulant dire aux musulmans de France, « à travers la position qui est la (sienne), que certains milieux islamistes, en multipliant ces agissements irresponsables, sont en train de compromettre l'avenir de notre religion en France, de nos enfants et de l'unité nationale ».

Le retrait tout juste annoncé de la GMP se fait avec grand bruit mais n'est pas une surprise en soi. Depuis plusieurs mois, la Grande Mosquée de Paris a les coudées franches pour tenter d’imposer son leadership face au CFCM. Le projet du CNI semble, aujourd’hui plus que jamais, mort-né aux yeux de nombreux acteurs du culte musulman. Contacté par la rédaction, Mohammed Moussaoui n’a pas répondu à nos sollicitations.

Mise à jour mardi 29 décembre : Après le retrait de la Grande Mosquée de Paris, le président du CFCM riposte et appelle à des explications face aux accusations lancées par le recteur Chems-Eddine Hafiz.

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Rédactrice en chef de Saphirnews En savoir plus sur cet auteur


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1.Posté par Chrif le 29/12/2020 07:23 | Alerter
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Ce retrait est irresponsible et un manque de loyauté vis à vis du Cfcm de ce monsieur qui en est un Vice President depuis de nombreuses années. Ce prétendu « recteur » est connu pour ses accointances avec le pouvoir algérien et l’ambassade de ce pays. Sa désignation à la tête de la mosquée de Paris est très contestée. Il n’y a rien à attendre de ce pro Bouteflika qui avait été le représentant d’un comité de soutien au 4 ème mandat de l’ancien président algérien chassé par le mouvement du Hirak.
Le constat c’est que le Cfcm qui est une création politique en 2003 par Sarkozy alors ministre de l’intérieur a été un échec. La communauté musulmane ne se sont pas concernée par cette structure et les soi disant « représentants » du culte musulman toujours les mêmes depuis de trop nombreuses années incompétents et incapables.
Mieux vaut stopper ces tractations et revenir au respect de l’Etat de droit comme pour l’ensemble des citoyens du pays. Cette charte n’est pas nécessaire..Les lois de la République sont assez suffisant et s’appliquent à toute la Nation sans distinction d’origine, de race ou de culte. InchaAllah

2.Posté par francois.carmignola@gmx.com le 29/12/2020 08:06 | Alerter
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Il semble que l'on fut en désaccord sur la définition de l'islam politique donnée par le passage suivant:

"Par islam politique, la présente charte désigne les courants politiques et/ou idéologiques appelés communément : wahhabisme ; salafisme ; doctrine des Frères musulmans ; et plus généralement toute mouvance locale, transnationale ou internationale qui vise à utiliser l'islam afin d'asseoir une doctrine ­politique, notamment parmi celles dont les textes fustigent la démocratie, la laïcité, l'égalité entre les femmes et les hommes ou qui fait la promotion de l'homophobie, de la misogynie, de l'antisémitisme, de la haine religieuse, et plus généralement toute idée ou pensée qui contesteraient, directement ou indirectement, les principes fondamentaux énoncés dans la Déclaration universelle des droits de l'homme."

Refusé par l'ex UOIF, le Mili Gorus et le Tabligh pour des raisons qui ne sont en rien mystérieuses, et qui marquent ce qu'ils sont.

Ce qui est bien avec la clarté, c'est que cela dérange Dracula.

3.Posté par Abdoulaye le 29/12/2020 12:32 | Alerter
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Ces prétendues Charte passées entre français et français, suspectant les uns d'être des rétrogrades obscurantistes et les autres d'être des democrates éclairés est tout simplement insultant (on nous a déjà fait le coup au niveau des départements)
Quant à la notion d'slam politique c'est un concept creux.
Toute pensee est politique et le restera quoiqu'on puisse signer.
Quand les laicistes athestes nous laisserons en paix ?
Telle est la question.

4.Posté par francois.carmignola@gmx.com le 29/12/2020 15:18 | Alerter
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@Abdoulaye
Islam politique, concept creux ?
Il vient pour la première fois d'apparaitre en pleine lumière !
La définition précise et lumineuse en plus, n'est même pas le fait de l'Etat.
De quoi passer à la postérité.

5.Posté par Abdoulaye le 30/12/2020 19:39 | Alerter
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@francois
Oui c'est complètement creux, parce que chacun a une pensée politique qui est liée à sa façon d'appréhender ce qui est le mieux pour son pays.
Bien évidemment chaque musulman fait de l'islam politique dans la mesure où il va chercher quel est le débouché politique qui va le plus s'approcher des valeurs qu'il défend.
Et toutes les autres croyances vont faire de même.
Alors oui l'islam est politique, le judaïsme aussi, l'athéisme également etc..etc.
C'est pour cela ' qu'Islam politique' c'est de la mayonnaise intellectuelle bon marché.

6.Posté par francois.carmignola@gmx.com le 01/01/2021 23:06 | Alerter
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Il me semble que vous n'avez pas saisi la portée de la définition citée de l'islam politique, pourtant claire et proposée par des musulmans... Elle met en cause explicitement l'organisation des frères musulmans et les salafismes associés et ce pour des raisons précises et explicitées.

Ce dont vous parlez me semble délibérément ignorer cette définition. En avez vous pris connaissance ?

7.Posté par Abdoulaye le 02/01/2021 14:36 | Alerter
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Vous répondez à côté car vous ne savez que répondre.
Et au lieu de vous répéter en boucle les mêmes antiennes, allez sur le site des Musulmans de France, lisez leur charte et revenez me dire en quoi il y a un problème.


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