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Points de vue

Charlie : tu ne m’offenseras point !

Rédigé par Hanane Karimi | Jeudi 15 Janvier 2015 à 06:05

           


Charlie : tu ne m’offenseras point !
Dimanche 11 janvier 2015, j’étais présente au rassemblement populaire à Strasbourg. Le collectif qui appelait à manifester a commencé son discours par « Nous sommes tous des Charlie ». Et pourtant, je n’étais pas Charlie. Je ne me reconnais pas en Charlie, je ne pouvais donc pas m’y identifier. Ce n’est pas seulement Charlie Hebdo que l’on a assassiné, c’est la France dans sa diversité qui a été meurtrie. Les journalistes de Charlie mais aussi Clarissa, Ahmed, Yoav, Philippe, Yohan et François Michel représentaient la réalité française, celle qui cohabite et coexiste au quotidien. Journalistes, gardien de la paix et civils étaient tous ensemble victimes de la haine et du terrorisme.

Alors dimanche, j’ai porté à bout de bras ma pancarte #NousSommesEnsemble. Les manifestants la lisaient, souriaient, s’exclamaient ou applaudissaient. Une dame d’environ 70 ans est venue vers moi pour me demander si j’étais musulmane et s’est émue face à ma réponse. Elle me dit : « Merci ! » Je lui répondis : « Merci à Nous tous. »

Entre Nous, il n’y avait plus de mots. Il y avait du sens. Un sens que les émotions rendaient palpables. Nous étions ensemble, en mémoire à toutes ces vies humaines volées, avec l’espoir d’un avenir meilleur.

Charlie est à l’image de la France dont l’histoire révolutionnaire anticléricale nous apprend tant sur son rapport aux religions. Charlie n’aime pas les religions tout comme la France à travers son histoire séculaire et douloureuse.

De qui Mahomet est-il le nom ?

Alors lorsque Charlie décide de sortir à 1, 3 puis 5 millions d’exemplaires un numéro dont la Une est une caricature du Prophète de l’islam, je m’interroge. Cet homme qu’il représente, s’appelle Mahomet. Je ne le connais pas. Il est l’archétype de l’arabe musulman, en turban et djellaba, auquel Charlie attribue tous les stigmates. Il est une projection française réductrice et contextualisée d’un homme qu’ils désignent comme nôtre. Il ne l‘est pas. Il n’est pas Muhammad. Il n’est qu’une image tronquée, une projection stylisée d’un ensemble de clichés pérennes. Charlie qui n’aime pas les symboles a son symbole de l’islam qui est Mahomet, « celui qui n’est pas béni ». Il est le symbole de l’autre : l’Arabe et le musulman caricaturés à l’extrême.

Et puis, il y a l’Autre, celui que l’ignorance, les stéréotypes et les critiques empêchent de connaître. Il s’appelait Muhammad, « celui qui est béni ». Il n’a aucun trait commun avec la caricature que Charlie en fait. Il ne porte pas même son nom. Alors pourquoi me sentirais-je offensée ? Je n’y vois pas la figure de celui qui vivait pour améliorer le monde qui l’entourait. Et surtout, je me rappelle ce passage de sa biographie, où se rendant dans un village nommé Taïf, il fut rejeté, insulté et attaqué à coup de pierres par les villageois. Le récit dit que l’ange Gabriel est venu à lui, lui demandant s’il voulait que Dieu venge cette offense. Savez-vous ce qu’il a répondu ?

Il a répondu qu’il souhaitait que ces personnes sortent de l’ignorance, par miséricorde. Il s’appelait Muhammad, celui qui agissait par miséricorde pour l’humanité.

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Hanane Karimi est doctorante en sociologie et porte-parole du collectif Femmes dans la mosquée.





Réagissez ! A vous la parole.

1.Posté par Guern le 16/01/2015 11:52 | Alerter
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Sur la couverture du dernier Charlie, il n'est fait aucune mention du prophète Mahomet. Cette caricature n'a pas de nom, c'est vous qui dites que c'est Mahomet, mais personne ne connaît son visage...C'est donc une interprétation. Ceci dit, pourquoi les a-t-on tués ? Pourquoi être choqué par ces caricatures ? Seuls les intégristes sont choqués parce que ce sont eux qui sont visés, pas "le prophète de l'Islam" auquel Charlie ne croit pas ! On ne caricature pas quelque chose ou quelqu'un qui n'existe pas...

2.Posté par François Carmignola le 19/01/2015 21:53 | Alerter
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Le #nousSommesEnsemble et aussi contradictoire et malsain que le #jesuischarlie.
Il en est l'exact équivalent.
D'abord utiliser un hashtag twitter pour symboliser une opinion que l'on veut collective en imposant une mode provisoire est certes moderne en apparence, mais en fait horriblement daté, prétentieux, provincial et ridicule, vous verrez dans six mois.
Ensuite, "jesuischarlie" décidé avant l'attaque de la superette, veut défendre la liberté d'expression, alors que les tueurs fascistes n'ont vocation qu'à tuer sur commande d'une puissance étrangère, pour mieux terroriser les civils qu'ils oppriment au Moyen Orient, en Afrique et ... en France.
Il n'est donc que l'expression fétichiste d'une opinion parisienne, qui pense important de symboliser certaines valeurs (celles de la gauche) à l'occasion d'un drame. Une récupération égoïste et commerciale, dirigée sans le dire, on se permettra juste un petit blasphème la semaine d'après, vers les vilains musulmans, mais chut.
La conséquence est cinglante: zéro arabe, zéro mahométan dans les cortèges. Au passage zéro juif, on les a oublié, mais c'était pour mieux séduire.

NousSommesEnsemble est un oxymore parfait: porté par des musulmans minoritaires pour contrer les bobos blasphémateurs il est une tentative dérisoire de prendre pied sur un théâtre dévalorisé. Au nom de quoi ?

Une jeune avec une léger accent ce matin à France Culture a exprimé ce que les vrais citoyens de ce pays ont ressenti la semaine dernière: "ils auraient d...  


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