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Arts & Scènes

Booder : « Si j’inspire ou je change la vie d’une seule personne, alors j’aurais tout gagné »

Rédigé par Karima Peyronie | Vendredi 9 Octobre 2020 à 11:00

           

Ne jamais se décourager, s’accepter tel que l’on est, et se donner les moyens d’atteindre ses objectifs. Autant de messages que Booder, de son vrai nom Mohammed Benyamna, veut transmettre au monde. Peu après sa naissance, le médecin avait prédit à sa famille qu'il ne passerait pas l'hiver en raison de sa maladie ; Booder a aujourd'hui 42 ans, est marié, a fondé une famille et peut revendiquer une belle carrière d'humoriste qui lui vaut la reconnaissance de ses pairs et de bien plus encore. Avec « Un bout d’air », ce comédien au grand cœur, qui sait faire preuve d'une autodérision décapante, signe une autobiographie aussi touchante qu’authentique. « Un bout d’air » par Booder : un jeu de mot mutin qui nous inspire pour une interview aux airs différents.



L'humoriste Booder est l'auteur d'une autobiographie baptisé « Un bout d’air », sorti en septembre 2020. © Facebook / Booder Officiel
L'humoriste Booder est l'auteur d'une autobiographie baptisé « Un bout d’air », sorti en septembre 2020. © Facebook / Booder Officiel

Saphirnews : Votre vie en un courant d’air, vous la décrieriez comment ?

Booder : Une brise. C’est une vie qui a commencé avec un faux départ. On me prédisait que j’allais mourir à ma naissance parce que j’avais un problème d’asthme. Alors cette vie, c’est ma deuxième chance. Une brise d’air qui peut être fraîche et chaude, tout dépend des moments de la vie, comme autant de bons et mauvais moments à traverser.

Avec vos allures de clown quelque fois, vous êtes tête en l’air ?

Booder : J’ai toujours la tête en l’air et, en même temps, j’ai beaucoup de choses dans ma tête. Je suis quelqu’un qui anticipe beaucoup, je prévois de loin. C’est mon côté cartésien comptable, le métier auquel je me prédestinais. Et puis, je suis aussi un artiste, en quête de renouvellement constant et qui s’inspire de la vie et du quotidien. Alors je me dois d’être rêveur, de fixer un endroit pendant 15 minutes et d’être dans ma bulle pour nourrir mon imaginaire. J’adore les gens et les rencontres, ce sont eux qui m’inspirent.

Dans la rue, vous vous donnez des airs ?

Booder : Je suis exactement le même dans ma rue et dans ma chambre. De toute façon, je ne saurai pas être quelqu’un d’autre, ou faire semblant. Mes parents étaient très intransigeants sur le comportement à avoir en société. Quand j’étais gamin, je faisais des bêtises, j’étais pénible mais jamais irrespectueux. J’ai toujours été le clown de la classe à faire vanne sur vanne, ce qui avait le don d’agacer mes profs qui savaient que j’étais doué à l’école mais je préférais faire mes blagues.

Qu’est-ce qui vous pompe l’air dans la vie ?

Booder : L’incivilité. Du genre les poubelles cramées, les vitres de voitures cassées, les ascenseurs pleins d’urine… Même si on grandit dans un quartier populaire, que je comprends le chômage, que c’est dur dans les cités, je suis d’accord, on est délaissé, on n’existe pas aux yeux de la société… Mais quand on jette une couche par les fenêtres, ce n’est pas le gouvernement qui le fait. Etre propre dans l’endroit où tu vis, ça n’a rien à voir avec les décisions politiques. Quand je suis dans le métro et que des gosses s’expriment qu’en hurlant, idem, il n’y a pas de distinguo socioculturel ici. Mon père n’aurait jamais accepté qu’on dise de nous « Ils sont mal éduqués ces gosses ! ». Rendez fiers vos parents dans tout ce que vous représentez.

Booder à la maternelle. © DR
Booder à la maternelle. © DR

La fois où on vous a coupé l’air ?

Booder : Je suis très sensible aux discriminations et j’en ai été victime, je l’explique dans mon livre, notamment quand il a fallu que je postule pour du travail. Mon faciès de Maghrébin n’est pas passé et, aujourd’hui, je remercie ce banquier ironiquement dans mon livre car, sans lui, je n’aurais pas eu envie de me battre deux fois plus.

Aujourd’hui, j’ai cette chance d’avoir une tribune et dire ce que je pense et entends. Mais c’est aussi une pression importante. Qu’on le veuille ou non, même si on ne veut représenter personne, on me donne des étiquettes de « Rebeu », « Marocain », « quartiers populaires »… Donc bon, je dénonce les discriminations quand je peux, et je n’oublie pas d’où je viens.

Pour quoi vous ficherez tout en l’air ?

Booder : Rien parce que je continuerai toujours à écrire. Il se peut que tout s’arrête un jour, et ça ne sera pas un problème. J’aime ce que je fais, je me bats pour continuer à le faire ; si ce n’est plus possible, c’est la vie. Je n’aurais jamais imaginé être là où je suis. Je crois beaucoup au destin et au mektoub, on est tous investi d’une mission particulière. Si j’en suis là, c’est que je n’ai pas encore fini de dire des choses, par la volonté de Dieu.

Quand vous levez les yeux dans les airs, vous parlez à Dieu ?

Booder : Je remercie Dieu et prie tous les jours parce que je suis pieux. La foi et l’éducation me servent à continuer d’être le plus juste possible, d’essayer de faire le moins d’erreurs et de suivre une certaine éthique. Je ne tournerai jamais nu dans un film par exemple. Les gens se trompent tellement en pensant que, parce que tu es connu, tu évolues forcément dans le milieu du showbizz où l’alcool et la drogue coulent et que tu zoukes tout le nuit.

Moi, j’ai une vie de famille, des parents, un petit garçon, je ne raconte pas ma vie. Quand je finis mon spectacle, je rentre chez moi, je redeviens le Booder normal du quartier que je n’ai jamais quitté d’ailleurs. Je retrouve mes potes, mes frères, mes voisins, loin des paillettes.

La fois où l’air aurait été plus doux ailleurs ?

Booder : Je raconte dans mon spectacle cette période où j’ai eu une vraie traversée du désert, au point d’être au RSA, le seuil de pauvreté donc. Là, l’air aurait été plus doux ailleurs, c’est sûr ! Je ne suis pas dans le misérabilisme mais c’est un fait qui existe. Personne n’est à l’abri. Et d’ailleurs, le confinement nous a mis les pendules à l’heure, on est tous pareil au final. Les artistes ne sont pas plus extravagants que les autres. Moi, je fais mon marché à Belleville, je mange souvent à la maison, je ne passe pas ma vie à me nourrir à 30 euros sur les Champs-Elysées.

A quel moment avez-vous besoin de changer d’air ?

Booder : Quand je finis mon spectacle et que je cours rentrer chez moi ! J’aime respirer mon air familial. Celui qui ne me stresse pas. Quand je rentre chez moi, je peux être drôle mais je ne fais pas des vannes toutes les cinq minutes. Si un paparazzi me suivait, il s’embêterait bien dans ma vie où la famille et les amis ont une place tellement importante.

Alors avec ce livre, avouez-le, vous voulez être milliard’aire ?

Booder : Je ne le voudrais jamais, ma vie serait bien triste ! Je pense que l’être humain a besoin d’avoir des limites pour pouvoir rêver. Si tu es milliardaire, tu n’as pas de rêve, tu prends ton avion et tu vas en Colombie pour prendre ton café, c’est trop facile. Alors que si tu rêves d’aller en Colombie, tu vas façonner toute ta vie pour réaliser ce but. Je n’ai pas l’ambition d’être milliardaire, je suis un simple artiste, pas une star, je veux juste vivre en faisant ce que j’aime.

Tant que je ne manque de rien ainsi que les miens, tout me va. Et puis ce livre, je l’ai surtout fait pour mon fils, quelle fierté de raconter mon histoire. Et si j’inspire ou je change la vie d’une seule personne, alors j’aurais tout gagné, je ne demande rien de plus !





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