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Culture & Médias

Axiom : « Les quartiers populaires sont en lutte pour les droits civiques »

Rédigé par Pauline Compan | Mercredi 7 Mars 2012 à 00:04

           

Rappeur connu pour son engagement militant, Axiom livre un premier essai « J’ai un rêve », aux éditions Denoël*. Trente pages rythmées qui appellent à un mouvement populaire en faveur des droits civiques dans les quartiers.



Hicham Kochman aka Axiom, rappeur et militant.
Hicham Kochman aka Axiom, rappeur et militant.
Axiom est de toutes les luttes. Du collectif contre le contrôle au faciès, en passant par AC Le Feu ou sa propre association Norside, il s’investit sur le terrain et porte la parole dans les médias. Le Lillois a mis son don pour la rhétorique et son goût de l’écriture au service d’un livre court mais qui se veut avant tout accessible. Sortie en librairie le 8 mars prochain.

Saphirnews : Pourquoi sortir ce livre ?

Axiom : J’ai écrit un premier essai politique, mais il est complexe et pleins de références techniques. Un peu comme ces livres écrits par des universitaires, très érudits mais très complexes et que personne ne lit.
En terminant ce livre, j’ai réalisé que ce n’était pas une bonne démarche pour toucher le public. J’ai donc remodelé mon texte, pour obtenir un format plus court, sans démonstrations techniques et je n'ai gardé que l’essentiel de la pensée. Le choix du prix était aussi important (3,50 €, ndlr) : c’est un livre qui s’adresse aux jeunes et aux classes populaires, il devait être accessible.

Quel(s) message(s) avez-vous voulu faire passer aux lecteurs ?

A : Je voulais mettre les quartiers populaires au centre du débat politique français.
Le livre s’adresse aux citoyens des quartiers populaires, évidemment, mais plus largement à toutes les « forces de bonnes volontés ». Car les problèmes des quartiers touchent tous les Français.

La couverture du livre « J’ai un rêve », d'Axiom.
La couverture du livre « J’ai un rêve », d'Axiom.

Vous insistez sur la nécessité d’une lutte pour des droits civiques…

A : En termes juridiques, les droits civiques et le droit du travail existent. Nous sommes donc dans une lutte pour ces droits civiques.
Sous ce terme, je regroupe le droit de vote, mais aussi le droit d’éligibilité. Un des fondements de ces droits est l’égalité des citoyens, mais c’est là où ça pêche, car il n’y a pas de principe applicable de l’égalité. La France considère que les citoyens sont égaux de fait, mais nous savons bien que ce principe est galvaudé.

Dans votre livre, vous appelez à s’inspirer de la lutte des Noirs américains dans l’Amérique des années 1960…

A : Les États-Unis sont une vraie source d’inspiration, car ils ont connu les difficultés que nous expérimentons actuellement.
Leur premier enseignement est le pragmatisme. En France, nous passons des heures à nous « branler » sur de l’idéologie alors, que face à des problématiques spécifiques, il faut du pragmatisme. Les politiques ne doivent pas avoir peur de nommer les choses, un quartier populaire est un quartier populaire et les jeunes des banlieues de même.
Par exemple, au lieu de spéculer sur le nombre de personnes à embaucher dans l’Education nationale, il faut s’attaquer au problème concret de l’inégalité des chances à l’école. Des expériences existent en France, menées par des enseignants et offrent des résultats positifs, pourquoi ne pas s’en inspirer ?
Un deuxième enseignement tient à la structuration d’un mouvement. Les Noirs américains se sont déjà mis d’accord sur une terminologie pour se définir eux-mêmes. Mais il faut arrêter le fantasme, leurs victoires se sont faites au prix de disputes internes importantes. Et là, nous pouvons faire un parallèle avec notre situation. Il y a des dissensions et, du coup, nous pensons qu’il est impossible de s’organiser. Mais « s’organiser » en mouvement cohérent demande des débats où chacun s’exprime, cela se fait par étapes.

L’exercice de son droit de vote est un élément central dans votre livre…

A : Je prône la dédiabolisation du politique car, dans les quartiers, politiciens et politiques sont diabolisés indistinctement. Du coup, nos communautés sont absentes du vote et des luttes citoyennes. C’est un devoir, au vu de notre situation de classe, d’entrer en politique pour faire entendre notre voix et prendre du poids. Les populations africaines sont minorisées, pas des minorités. Il est temps aussi de commencer à refuser cette « infantilisation » des banlieues qui est intériorisée par les citoyens mêmes qui la subissent.

Vous qualifiez les initiatives des diverses associations de lutte pour les droits civiques de « trop timides », lancez-vous un appel à faire de la politique…

A : Le vote est fondamental mais il faut aller au-delà et l’articuler avec une organisation globale.
D’ailleurs, il y a un manque cruel de leaders dans les quartiers. J’appelle à favoriser leur émergence et à participer à toutes les élections, de la mairie jusqu’à la présidentielle. Au niveau de la représentativité, ce n’est pas la couleur de peau du candidat qui va nous sauver mais sa représentativité et ses idées.
Au niveau national, il convient de faire converger les luttes et de construire un mouvement pérenne, c’est d’ailleurs ce que nous essayons de mettre en place avec des associations. Ce projet se doit d’être en dehors du timing de l'élection présidentielle, pour qu’il puisse se construire sereinement et en profondeur.
Aujourd’hui, les tenants du pouvoir cherchent à gagner du temps. Mais ils ont compris qu’une nouvelle génération de trentenaires, issus de l’immigration, était prête à exercer des responsabilités et il leur faut trouver un moyen de gérer cela. C’est un problème de reproduction des élites : ils se gavent et ne veulent pas laisser leur place.


* J’ai un rêve, d'Axiom, Editions Denoël, 30 pages, 3,50 €, 2012.





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