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Points de vue

Averroes ne sera pas un refuge communautaire

Rédigé par . Entretien avec M. Mamèche | Mercredi 5 Novembre 2003 à 00:00

           

Après le Collège de la « Réussite », premier collège musulman qui effectuait cette année sa troisième rentrée ; l’histoire de France a vu l’ouverture, en septembre dernier du premier lycée musulman, il porte le nom d’ « Ibn Rushd » ou « Averroess », savant musulman du XIIème siècle. C’est après bien des rebondissements et trois refus successifs que cette rentrée à enfin pu se faire .Nous avons voulu revenir sur cette rentrée historique Avec le proviseur adjoint du lycée M. Mamèche ,nous avons voulu revenir sur cette rentrée historique .Il nous précise les orientations et objectifs de l’établissement qu’il co-dirige.



Après le Collège de la « Réussite », premier collège musulman qui effectuait cette année sa troisième rentrée ; l’histoire de France a vu l’ouverture, en septembre dernier du premier lycée musulman, il porte le nom d’ « Ibn Rushd » ou « Averroess », savant musulman du XIIème siècle. C’est après bien des rebondissements  et trois refus successifs  que cette rentrée a enfin  pu se faire. Avec le proviseur adjoint du lycée, M. Mamèche, nous avons voulu revenir sur cette rentrée historique. Il nous précise les orientations et objectifs de l’établissement qu’il co-dirige.

 

Saphirnet.info: M. Mamèche, vous et votre équipe travaillez sur ce projet de  Lycée confessionnel musulman depuis 1994 , après trois refus successifs la rentrée  a bien eu lieu en septembre dernier.Pourriez-vous nous dire dans quel état d’esprit le personnel encadrant et les élèves  ont vécu cette rentrée très médiatique ?

M. Mamèche: C’est avec une grande joie que nos élèves et notre personnel encadrant ont procédé officiellement à l’ouverture du premier lycée privé musulman de France métropolitaine. C’est un grand soulagement pour nous puisque nous attendions ce moment depuis longtemps. Cet événement « historique »marque un tournant pour l’Islam de France. Notre travail consiste maintenant à développer la structure dans les années à venir et passer un contrat d’association avec l’état dans les plus brefs  délais.

  

- Pourrions nous-revenir sur les difficultés administratives que les initiateurs de ce projet ont rencontré avant d’obtenir l’aval du ministère de l’éducation ? Y voyez-vous un traitement particulier du dossier parce qu’il s’agit d’un établissement confessionnel musulman ?

 Après trois refus consécutifs ; parfois pour des raisons objectives, parfois pour des raisons formelles, nous avons enfin obtenu l’autorisation d’ouverture de la haute instance « le Conseil supérieur de l’éducation nationale » qui a rejeté toutes les décisions précédentes et nous a donné gain de causes. Il n’y a pas un traitement particulier à notre égard.

 

-L’une des critiques les plus récurrente adressée à l'encontre d’établissements  musulmans est le risque d’un certain « communautarisme ». Quel projet pédagogique l’équipe éducative a t- elle prévu pour éviter que l’établissement  ne soit pour ses élèves comme une « bulle » culturelle et cultuelle , qui les handicaperait dans leurs droits et devoirs de citoyens français ?

 

Nous sommes conscient de ce « risque », c’est pourquoi nous avons donné toutes les chances au projet pour qu’il ne soit pas un «  refuge communautaire », mais plutôt un lieu ouvert sur les autres cultures et civilisations.

Deux points importants pour l’évolution du projet:

Les personnes qui enseignent au lycée Averroess sont tous des professeurs diplômés de l’université française ayant dans l’ensemble,  le concours (Capes, Cafep, Capeps…), et une très grande expérience dans le domaine de l’enseignement.

Quant à l’enseignement dispensé, nous avons adopté le programme de l’éducation nationale dans toutes les matières y compris la langue arabe, le même volume horaire…

Notre établissement n’est pas réservé aux musulmans uniquement mais ouvert à tous les élèves souhaitant s’y inscrire ; catholiques, juifs, protestants ou même athés. Tous sont les bienvenus

 

- Le projet d’un lycée confessionnel a Lille est né de l’exclusion en 1994 de 19 jeunes filles voilées d’un établissement public de Lille, pensez-vous que la création d établissements musulmans soit la solution au « problème du voile » à l’école ?

D’abord le lycée Averroès n’est pas réservé aux filles voilées expulsées des établissements, d’ailleurs nous avons pour l’instant 12 élèves (6 filles et 6 garçons) le voile est autorisé mais pas obligatoire. Certes le voile a fait couler beaucoup d’encre en France et la façon dont certains chefs d’établissement ont procédé à l’exclusion des filles voilées ont laissé des séquelles au fond de la communauté musulmane en France. Si le « problème du voile » continue à surgir à chaque rentrée scolaire, nous allons assister je pense à une période de création d’établissements privés musulmans.

 

-Les établissements confessionnels ne touchent qu’une certaine population d’ élèves, celle dont les parents ont les moyens de s’acquitter de frais de scolarité loin d’être à la portée de tous … Ces écoles privées ne deviendront elles pas celles d’une certaine « bourgeoisie » musulmane et de ce fait,  délaisseraient une partie de la communauté ?

 Dans un premier temps oui. Car ils n’ont pas les moyens (notamment financiers) ni la capacité d’ouvrir la porte à tous ceux qui souhaitent  s’y inscrire, mais je pense qu’après la signature d’un contrat d’association avec l’état les choses vont changer. A notre niveau nous avons des parents d’élèves qui appartiennent à des catégories socioprofessionnelles très différentes (ouvriers, commerçants,  professeurs,  retraités…)

 

 -En ce concentrant sur la création d’écoles musulmanes, les citoyens français musulmans ne délaissent- ils pas un champ d’action prioritaire au sein de l’école publique? Cette école publique, creuset socio-culturel  et qui accueille encore l’immense majorité des élèves musulmans et au sein de laquelle bien des combats restent à mener : contre l’échec scolaire, pour une application juste et équitable de la laïcité , pour une égalité des chances à la sortie du système scolaire… ?

 Avec la création des établissements privés musulmans, nous donnons plus de choix aux familles qui souhaitent placer leurs enfants dans des écoles musulmanes respectant leurs cultures et leur religion.

Il faut travailler dans les deux sens, c’est à dire sauvegarder les acquis de l’école publique qui accueille aujourd’hui environ 80% de nos élèves, continuer à développer les programmes scolaires, bref un travail de fond,.Mais rattraper aussi le retard qu’a connu la communauté musulmane dans le domaine de l’enseignement privé. L’un n’est pas, à mon sens, contradictoire à l’autre. Seulement chacun de nous contribue à sa manière.

Dieu merci, nous vivons dans un système qui est basé sur la diversité et le libre choix, ce qui fait le charme du système éducatif dans notre pays.

 

 Propos recceuillis par Naziha Mayoufi





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