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Politique

Voile intégral : l'UMP se moque des Sages

Et pendant ce temps-là, la crise économique continue... chut !

Rédigé par Leïla Belghiti | Jeudi 1 Avril 2010 à 00:00

           

Branle-bas de combat bis autour du voile intégral. Après s'être quelque peu essoufflé, le débat refait surface, cristallisant les craintes identitaires et les discours parlementaires. Le Conseil d'État a enfin donné son avis : pas d'interdiction générale. Une position qui ne satisfait pas l'UMP, qui entend bien poursuivre sur sa lancée.



Voile intégral, un feuilleton qui tient en haleine les Français... Après l'épisode 1 « Les débats de la commission parlementaire », l'épisode 2 « Le rapport Gérin sur la burqa », voilà l'épisode 3 « Le Conseil d'État rend son rapport ».
Voile intégral, un feuilleton qui tient en haleine les Français... Après l'épisode 1 « Les débats de la commission parlementaire », l'épisode 2 « Le rapport Gérin sur la burqa », voilà l'épisode 3 « Le Conseil d'État rend son rapport ».
Tout le monde l'attendait. Après avoir remis au président de l'Assemblée nationale, fin janvier, son rapport sur les six mois de débats relatifs au voile intégral, le président de la mission parlementaire sur le fameux voile, André Gérin (PCF), ne trouve pas de bon augure l'avis du Conseil d'État.

Faute de dispositif ne pouvant « trouver aucun fondement juridique incontestable », les Sages (membres du Conseil d'État) ont rejeté mardi l'hypothèse d'une interdiction générale et absolue du port du voile intégral en France, dans un avis rendu au Premier ministre . Celui-ci leur avait demandé de trouver le moyen pour parvenir à une interdiction qui soit « la plus large et la plus effective possible ». Selon les Sages, les deux obstacles principaux seraient la jurisprudence de la Constitution et celle de la Cour européenne des droits de l'homme.

Renforcer la législation en vigueur

Au micro de France Info, Olivier Schrameck, qui a supervisé le rapport au Conseil d'État, insiste sur le fait qu'« une partie très importante des femmes qui portent le voile intégral le font volontairement, il est difficile d'invoquer ce principe (d'égalité hommes-femmes, ndlr) à l'égard de ce type de néophyte. De ce fait, il faut utiliser des instruments juridiques qui permettent de faire la distinction entre les différentes situations ».

Les Sages préconisent donc de renforcer les textes déjà existants, notamment ceux qui sont relatifs à la sécurité, qui interdisent déjà la dissimulation du visage, et de recourir à une loi qui préciserait les lieux publics où il serait obligatoire de se dévoiler. Les forces de sécurité (police) auront le devoir d'intervenir et d'appliquer des sanctions − encore non définies − en cas de refus de dévoilement.

Une manière, diront certains, de détourner les embûches que présenterait une loi d'interdiction générale, puisque les lieux publics n'ont pas encore été définis et pourraient être plus nombreux qu'on ne le pense. Quoi qu'il en soit, pour l'UMP notamment, les Sages seraient décidément trop sages, ou vieux jeu...

L'UMP sur le front

La claque des régionales n'a pas refroidi les politiques de l'UMP. « Nous sommes déterminés à aller le plus loin possible sur la voie de l'interdiction générale du voile intégral, dans le respect des principes généraux du droit », a affirmé le ministre de l'Intérieur Brice Hortefeux lors d'une séance de questions mardi 30 mars à l'Assemblée nationale.

« L'interdiction, elle est totale ou elle est incompréhensible. Le groupe reste sur cette idée que lorsque l'on passe un message on le passe vite, on le passe clair et on ne tergiverse pas sur les modes d'application. Aujourd'hui, on est tout à fait déterminé », surenchérit Jean Leonetti, vice-président du groupe UMP de l'Assemblée. Et Jean-François-Copé de rappeler : « Je me souviens que lorsque, en 1989 le Conseil d'État avait été sollicité sur la question des signes religieux ostentatoires à l'école, il s'était prononcé plutôt en défaveur d'une législation. Les responsables politiques étaient passés outre et l'Histoire montre qu'ils ont bien fait. »

« Criminalisation du voile intégral »

« Jean-François Copé est un bien piètre juriste », commente Lila Charef, chargée du pôle juridique du Collectif contre l'islamophobie en France (CCIF), qui rappelle qu'« en 1989 les politiques sont passés outre l'avis du Conseil d'État avec la loi du 15 mars 2004, qui a introduit une limitation bien déterminée (dans les écoles, collège et lycées publics, ndlr) », tandis que, là, « il s'agit d'une interdiction générale et absolue, c'est tout à fait différent », affirme-t-elle à Saphirnews, estimant que tous ces va-et-vient ne sont qu'une « mesure de diversion ».

« Il existe déjà une législation qui oblige l'individu à se dévoiler pour des mesures de sécurité », affirme-t-elle, « et, en général, les femmes en niqab s'y prêtent sans difficulté. » Ce qu'il y a de nouveau, c'est la « criminalisation » du port du voile intégral et la « volonté viscérale » de l'éradiquer. Et les politiciens, en particulier l'UMP, sont bien « prêts à adopter une loi, quitte à subir une condamnation de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH), ce qui serait très gênant pour la France », déclare la juriste.

La droite et la gauche divisées

Dans un communiqué, Marine Le Pen, vice-présidente du Front national, « demande aux pouvoirs publics une application complète de l'interdiction dans l'espace public de cet épouvantable vêtement ». « Cette affaire sera un bon moyen de juger de la volonté de l'État Sarkozy de défendre la laïcité et de résister concrètement à l'offensive communautariste dont notre système de valeurs fondamentales est l'objet », poursuit-elle.

L'autre parti gagnant des régionales, le Parti socialiste, a, par la voix de sa première secrétaire Martine Aubry, fait savoir qu'il se rangeait du côté de l'avis du Conseil d'État : « Prenons tous les moyens juridiques pour empêcher la burqa, mais faisons attention qu'il n'y ait pas une loi stigmatisante qui ne porte que sur les signes religieux et risque d'avoir les effets contraires », a-t-elle déclaré.

Lors des élections régionales, les Français s'étaient prononcés à la quasi-unanimité contre le port du voile intégral, mais davantage préoccupés par les questions d'ordre social. Ce qui a valu à la gauche une victoire pompante. Mais à imaginer que la gauche et l'UMP se retrouvent au coude à coude au second tour des présidentielles de 2012, il y a fort à parier que le parti de Sarkozy, avec les voix du FN, en ressorte victorieux... L'enjeu est de taille pour qui veut gagner en politique.

Dans son édito du Monde diplomatique intitulé « Burqa-bla-bla », Serge Halimi rappelle que « les Français sont vraisemblablement plus nombreux à connaître le nombre de minarets en Suisse (quatre) et de burqas en France (trois cent soixante-sept) qu’à savoir que le Trésor public a perdu 20 milliards d’euros à la suite d’une décision 'technique' de l’exécutif ». Et nous avertit : « On découvrira bientôt ce que cache réellement la burqa. Et combien cela coûte. » Qu'il y ait interdiction totale ou partielle du voile intégral, qu'importe finalement, car nous aurons tous in fine la gueule de bois.


Lire le rapport du Conseil d'État : « Étude relative aux possibilités juridiques d'interdiction du port du voile intégral »
Lire la synthèse du Conseil d'État
Lire les réponses du Conseil d'État sur les questions (laïcité, égalité, dignité, sécurité...) relatives à l'interdiction du voile intégral





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