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Ramadan

Villiers le Bel, un jour de ramadan…

Rédigé par Nicolas MOM | Lundi 24 Octobre 2005 à 01:53

           

Les yeux marqués par la fatigue et l’effort, Lhaj Ganzou nous reçoit dans le bureau administratif de la mosquée de Villiers Le Bel. Cet homme aux cheveux grisonnants est le secrétaire général de l’AFMVB (Association française des Musulmans de Villiers Le Bel). Enfant, je le voyais souvent prendre la parole lors d’événements comme l’Aid el Fitr, pour parler de religion ou encore pour pousser les musulmans de Villiers le Bel à se prendre en main.



Chaque année la mairie prêtait une salle pour les prières des jours de fête ou encore la prière rituelle de Tarawih du mois de ramadan. "Ce n’est pas normal, disait-il, que nous les musulmans demandons chaque année une salle à la mairie, il faut que nous possédions notre propre mosquée ! " Quelques années plus tard, des cheveux blancs en prime, la mosquée est construite ! Ce fut un long combat, et non des moindres, qui a porté ses fruits.



Dans la mosquée, l’ambiance est sereine. Les yeux se reposent tant les couleurs des murs et des tapis sont en totale harmonie. Des bruits d'enfants parcourent la salle de prière. La voix d'un professeur perce cette atmosphère studieuse. Une classe s'est improvisée derrière un rideau la séparant ainsi de la salle de prière.

Lhaj me reçoit dans le bureau de la mosquée, situé en retrait. De références marocaines, Lhaj Ganzou est un ancien de la mosquée de Villiers Le Bel. Le regard profond, et quelque peu fatigué, il avoue tout faire pour rajeunir les cadres de l'association. "Mais le probléme vient des jeunes", constate-t-il. Il déplore en effet un manque d'engagement des nouvelles générations.

Une mosquée multiculturelle

Cependant, l'AFMVB peut se vanter d'une chose : la multiculturalité. Sa direction est composée de personnes de références diverses. Le président de l'association, Jalaludeen a des références indiennes. La composition est cosmopolite. Elle réunit des musulmans de Villiers Le Bel de tous horizons. "Nous avons le souci de rechercher l'indépendance des traditions des différents pays d'origine", confie-t-il.

La mosquée s'organise tant bien que mal avec sa quarantaine de bénévoles. "Il y a vraiment une forte mobilisation et motivation de la part des bénévoles pendant le mois de ramadan et les événementiels que nous organisons tous les ans", souligne-t-il. Même si le reste de l'année la mobilisation est moins importante.



Les cours de religion, une gestion à toute épreuve

Avec plus de 270 élèves, la gestion nécessite de plus en plus de moyens humains et financiers. La demande est grande et les moyens demeurent restreints. En attendant des jours meilleurs, la gestion est assurée par Lhaj qui assure ce travail bénévolement. "Les cours se font sur cinq demi-journées, avec au total trois salles de classe, une dans la salle de prière et deux autres à l'étage supérieur. Les cours ont lieu le dimanche, le samedi toute la journée, et le mercredi après midi", explique-t-il. L'enseignement se veut le plus complet possible. Bien sûr les cours d'arabe ainsi que le Coran y sont enseignés mais l'instruction religieuse et des cours d'éducation sont aussi au programme. Les enseignants sont recrutés sur critères universitaires et doivent justifier d'un bon comportement. "Nous avons établi quatre critères de recrutement : la culture arabo musulmane, la culture française, l'expérience et le bon comportement". Ce qui n'est certes pas facile à trouver. Il souligne d'ailleurs un réel manque de personnes qualifiées.


L'iftar, un moment privilégié

Quand arrive le moment de la rupture du jeûne, les chaises, les tables des salles de cours sont rangées pour faire de la place. Une grande tente est alors dressée dans la cour de la mosquée où l'iftar (la rupture du jeûne) a lieu. Lhaj me montre un drôle de planning sur lequel se sont inscrites les personnes se chargeant de préparer la nourriture. " La préparation de l'iftar est fait par deux familles à chaque fois, une famille arabe et une autre asiatique. Car nous avons constaté beaucoup de gaspillages les années précédentes, étant donné que certains n'ont pas l'habitude de changer leur alimentation. Du coup, maintenant on propose de tous les plats en quantité moindre." La multiculturalité se fait ainsi ressentir jusqu'à la préparation de l'iftar. "Mais les gens sont aussi libres d'apporter ce qu'ils veulent pour contribuer à la rupture". Lhaj insiste sur le fait que "l'iftar à la mosquée n'est pas uniquement pour les pauvres. C'est pour tout le monde afin que les gens se retrouvent autour d'un plat. C'est aussi la convivialité qui est recherché."



Aprés l'iftar, le temps passe vite et l'heure de la dernière prière de la journée arrive. Loqman, un jeune bénévole de la mosquée, endosse un gilet phosphorescent et se poste à quelques rues de la mosquée. Là, il est chargé de régler la circulation du flux des voitures qui arrivent, il les oriente vers des places disponibles, empêchant ainsi les automobilistes de stationner en dehors des espaces autorisés.



Située au cœur d'une zone pavillonnaire, la mosquée se doit de gérer les relations extérieures. Il n'y a pas de parking mis en place, c'est la raison pour laquelle une équipe de jeunes fidèles se chargent spécialement de l'arrivée des voitures afin de ne pas importuner les voisins.



Malika Dif et Larbi Kechat invités à débattre par la mosquée

Les relations avec la mairie sont bonnes. L'association participe à des réunions sur des projets éducatifs. "Elle nous répond favorablement à toute demande de salle pour organiser des rencontres, des conférences ou encore pour les prières qui mobilisent beaucoup de monde comme celle de l'Aid el Fitr", souligne Lhaj.

Parce que la mosquée ne s'arrête pas seulement à son rôle cultuel. Chaque année, elle organise des conférences et une rencontre annuelle qui a lieu la plupart du temps dans la salle communale Marcel Pagnol. Le 12 novembre 2005, après le mois de ramadan, une table ronde sera organisée avec Larbi Kechat (recteur de la mosquée Addawa), Malika Dif (écrivaine) et une personnalité de l'église de Villiers Le Bel. Le thème est : "La religion face à ses défis".

Les yeux pleins d'espoir, Lhaj termine l'entrevue en mentionnant un autre projet qui lui tient à cœur : la construction d'une plus grande mosquée encore. Mais cette fois-ci avec un minaret. "Une mosquée qui ressemblera vraiment à une mosquée".



D'une poignée de main, Lhaj me laisse et retourne à ses occupations. Un jeune pénètre dans le bureau. C'est Farouk, la vingtaine environ, qui s'installe à la place de Lhaj. Farouk est chargé d'organiser les visites aux personnes en difficultés physiques et morales. "Nous essayons de mettre en place un réel travail pour soulager et accompagner les personnes musulmanes et non musulmanes hospitalisées". Partant du constat douloureux et des conséquences de la canicule, qui a provoqué plus d'une dizaines de milliers de morts, la mosquée de Villiers le Bel, avec Farouk, a décidé de se lancer dans ce projet. En ce mois de ramadan, les ressources et les bonnes volontés sont gonflées à bloc. L'espérance est bien là malgré un manque de moyens évident. Aprés tout, ne dit-on pas que les rêves d'aujourd'hui sont les réalités de demain ?





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