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Sur le vif

Rohingyas : Facebook accusé d’amplifier la vague de haine contre les musulmans en Birmanie

Rédigé par Lionel Lemonier | Mardi 11 Octobre 2022 à 17:25

           


Rohingyas : Facebook accusé d’amplifier la vague de haine contre les musulmans en Birmanie
Les réseaux sociaux ont des répercussions dans la vraie vie. Parfois pour le pire. Un long rapport publié fin septembre par Amnesty International vient de le rappeler à la communauté internationale. « Les dangereux algorithmes de Meta, qui détient Facebook, ainsi que la recherche effrénée du profit ont considérablement contribué aux atrocités perpétrées par l’armée myanmar contre le peuple rohingya en 2017 », explique l’ONG.

« Des Rohingyas ont par milliers été tués, torturés, violés et déplacés dans le cadre de la campagne de nettoyage ethnique menée par les forces de sécurité du Myanmar. Dans les mois et les années ayant précédé ces atrocités, les algorithmes de Facebook ont intensifié la vague de haine contre les Rohingyas, contribuant ainsi à la survenue de violences dans la vraie vie », a déclaré Agnès Callamard, secrétaire générale de l’organisation non gouvernementale.

Et de poursuivre : « Pendant que l’armée du Myanmar commettait des crimes contre l’humanité contre les Rohingyas, Meta tirait profit de cette caisse de résonance créée par ses algorithmes qui a induit une hausse vertigineuse du sentiment de haine. Meta doit rendre des comptes. Cette entreprise a à présent la responsabilité d’apporter réparation à toutes les personnes qui ont souffert des violences provoquées par ses agissements irresponsables. »

Œuvre commandée pour la publication de la recherche sur le droit à réparations des Rohingyas de la part de Meta © Amnesty
Œuvre commandée pour la publication de la recherche sur le droit à réparations des Rohingyas de la part de Meta © Amnesty

Quand Facebook privilégie sa croissance sur les droits humains

Quelque 700 000 Rohingyas ont été poussés à migrer au Bangladesh en 2017, pour éviter les massacres en Birmanie. Amnesty a remonté le fil des événements qui ont conduit à l’impensable. L’organisation, qui a également interrogé de nombreux Rohingyas, démontre l’inaction de Facebook devant la multiplication de propos racistes et de menaces visant cette minorité musulmane pendant les mois et les années précédant les événements eux-mêmes.

L’algorithme de Facebook met systématiquement en avant les contenus qui font beaucoup réagir. Or les contenus haineux font réagir de nombreux internautes, que ce soit pour approuver ou critiquer. De manière automatique, Facebook offrait une audience énorme aux appels à la violence envers les Rohingyas. Ce qui est critiquable, c’est l’absence de réaction de Meta.

Au Monde, l'avocat Patrick Brun, auteur du rapport d’Amnesty, explique que l’entreprise dédie des effectifs très restreints à la modération dans les pays du Sud. « Comme les moyens investis dans l’intelligence artificielle chargée de repérer les discours haineux et les outils linguistiques. » Il précise cependant que la responsabilité de Meta est plus grande encore. « Même si Facebook avait mis autant de moyens en Birmanie qu’en Occident, nous doutons que cela aurait suffi. La modération est un exercice qui pose problème à Facebook, partout dans le monde. »

Dans le cas de la Birmanie, Meta ne peut prétendre avoir ignoré la situation. L’entreprise a reçu des dizaines d’avertissements de la part d’acteurs locaux, de militants des droits humains et des chercheurs d’université occidentales. Certains d’entre eux sont allés jusqu’à se rendre au siège de Facebook pour que le message soit entendu. Mais l’entreprise a privilégié sa croissance… Une plainte collective a été déposée en décembre 2021 contre elle par des réfugiés rohingyas aux Etats-Unis.

En juillet 2022, la Cour internationale de justice (CIJ) s’est déclarée compétente pour instruire une affaire à l’encontre du gouvernement du Myanmar au titre de la Convention sur le génocide, et compte tenu du traitement infligé au Rohingyas par le Myanmar. Dans son rapport, Amnesty International se réjouit de ce qu’elle qualifie comme « une avancée capitale qui constitue un pas de plus pour amener le gouvernement du Myanmar à rendre des comptes ».

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