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Points de vue

Réponse à Zineb El Rhazoui et à sa conception de l’islam et des musulmans

Rédigé par | Lundi 1 Octobre 2018 à 11:45

           


Réponse à Zineb El Rhazoui et à sa conception de l’islam et des musulmans
Zineb El Rhazoui est de retour sur les plateaux télés, cette fois sur CNews. Dans une argumentation aussi surprenante que consternante, elle conclut que les femmes voilées seraient en quelque sorte les porte-voix du terrorisme mondial et que l’islam ne serait une religion qui ne parle que de burkini, de voile et de polygamie. Autant d’honneurs faits aux musulmans de France et d’ailleurs nous laisse pantois.

Revenons sur ces paroles, visiblement d’évangile, qui consistent à estimer que les femmes portant le voile sont des islamistes en puissance et qu’elles sont forcément liées au terrorisme mondial, qu’elles le veuillent ou non, directement ou non.

Directement, d’abord. Y avait-il une seule femme portant le voile sur le plateau ? Par ailleurs, d’où Zineb El Rhazoui tire-t-elle ces références ? Elle ne cite aucune étude, aucun chiffre et se permet de se hâter dans des conclusions alors que les intéressées ne sont pas présentes sur le plateau.

Cette manie qui vise à dire que le voile est le symbole évident de l’islamisme est en réalité le pendant similaire d’une pratique saoudienne qui se nomme le takfir, dont nous n’apprendrons pas la définition à l’arabisante que Zineb El Rhazoui est. Le takfir est une pratique qui vise à déterminer qui est le « bon musulman » et celui qui ne l’est pas. Aujourd’hui, si on devait suivre le raisonnement de la polémiste, le voile serait un moyen de déterminer les « mauvaises » musulmanes puisqu’il est un signe visible de l’islamisme tandis que les « bonnes » musulmanes ne portant pas le voile s’intègrent directement dans la société française. Islamisme qui, jusqu’aujourd’hui, n’a pas été défini plus que par « les Frères musulmans » ou encore les « salafistes ». Intégration qui n’a aucune espèce de contenance lorsqu’on parle des Français de confession musulmane.

Cessons les procès d'intention

Regardons les choses en face plutôt que de faire constamment des procès d’intention aux femmes voilées (comme on fait des procès d’intention aux femmes portant des jupes trop courtes ou des talons trop hauts). La France connait un accroissement de la visibilité religieuse et également un accroissement des tensions qui sont largement le fait de médias qui ont poussé les débats au-delà de la bande d’arrêt d’urgence représentée par les dérives du populisme et de l’extrême droite. Marine Le Pen n’a désormais plus à être honteuse puisqu’Eric Zemmour ou encore Zineb El Rhazoui reprennent très largement le credo du grand remplacement ou encore de l’islam responsable des maux de la France.

Et ce n’est pas la première fois que des amalgames aussi honteux sont proférés par Zineb El Rhazoui. Rappelons-nous qu’elle tenait tête à l'imam Mohamed Bajrafil en pensant que le mot « amour » n’existait pas dans le Coran, essayant ainsi de reprendre une rhétorique largement prospère dans les colonnes des médias d’extrême droite. La réalité de l’exercice médiatique du débat perd d’ailleurs tout son sens dans l'émission L’heure des Pros : chacun parle plus fort que l’autre – et il faut le dire la palme doit être décernée à Zineb El Rhazoui – pensant ainsi imposer devant les Français une vision sabordée et irréelle de la France.

Qui est réellement en train de favoriser le terrorisme ?

Car le terrorisme est et restera le fait d’une minorité dans notre société. Ce type de phrase visant à amalgamer musulman et haine ou encore femmes voilées et islamisme crée un climat social anxiogène qui ne représente en rien la réalité du terrain. Il vise également à regarder nos concitoyens de confession musulmane avec inquiétude ou doute. Cela ne doit pas arriver en France, pays qui a fait de la fraternité un pilier essentiel de sa devise républicaine. N’oublions pas que nul ne peut être inquiété en raison de ses opinions est un fondement de notre Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.

Nous sommes libres de croire ou de ne pas croire. Mais parler de l’islam en tant que religion violente et des femmes voilées en tant qu’islamistes revient, pour moi, à alimenter la logique de Daesh qui se livre à une véritable guerre de communication. Pourquoi me direz-vous ? Parce que plus la division est grande, plus le levier de recrutement de Daesh est important. Que souhaitons-nous faire ? Diaboliser pour limiter nos libertés aveuglément ou identifier les problèmes et apporter des solutions concrètes sans pour autant brimer nos libertés publiques ?

La deuxième solution me parait la plus cohérente. A Zineb El Rhazoui, je tiens à lui dire que ce ne sont pas les femmes voilées qui représentent le terrorisme. Mais à travers son argumentation, elle ne fait que donner de l’importance à Daesh et l'on sait que les amalgames peuvent conduire très souvent à la radicalisation.

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Asif Arif
Asif Arif est avocat au Barreau de Paris, auteur de plusieurs ouvrages sur l’islam, le terrorisme... En savoir plus sur cet auteur



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