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Société

Permis de tuer : l'impunité des crimes policiers en France dénoncée

Rédigé par Christelle Gence | Mercredi 29 Octobre 2014 à 06:00

           

En pleine semaine de sensibilisation sur les abus policiers, et à quelques jours de l'anniversaire de la mort de Zyed et Bouna, une rencontre autour du livre « Permis de tuer - Chronique de l'impunité policière » a été organisée jeudi 23 octobre. Amal Bentounsi et Farid El Yamni, dont les familles accusent la police d'être à l'origine de la mort de leurs frères, ont témoigné des difficultés qu’ils rencontrent dans leur combat pour que justice soit faite et que les auteurs d'abus policiers soient condamnés. Rencontre.



Permis de tuer : l'impunité des crimes policiers en France dénoncée
Difficile de se frayer un chemin dans les étroites allées de la librairie Libre Ere, jeudi 23 octobre, en début de soirée. Les auditeurs se sont déplacés en nombre pour assister à la rencontre organisée par Alternative Libertaire et le collectif Angles morts autour de Permis de tuer - Chroniques de l'impunité policière, et écouter le calvaire judiciaire que vivent les familles, dont Amal Bentounsi et Farid El Yamni.

A travers les témoignages des proches de six victimes « mortes entre les mains de la police républicaine », l’ouvrage, paru en septembre dernier, Permis de tuer met en lumière les « obstacles politiques, judiciaires, médiatiques rencontrés par les proches des victimes, du début à la fin des affaires ». La peine de mort a été abolie mais les crimes policiers sont une réalité. Et le constat est implacable : « 40 ans de crimes, 40 ans d'impunité », lâche Manu, d'Angles morts, en guise d’introduction. « Il faut sortir du silence. »

Farid El-Yamni et Amal Bentounsi
Farid El-Yamni et Amal Bentounsi

Police et justice, même combat contre l’impunité des crimes policiers

Les témoignages des proches ont permis de dégager certaines constantes, communes à chacune des affaires. Première d’entre elles, le profil type des victimes : des hommes jeunes, d'environ 25 ans, et d’origine maghrébine pour la plupart.

Ensuite, la défense systématique des policiers par le ministre de l’Intérieur et « une solidarité » entre police et justice à toute épreuve. C’est très exactement ce que vit Amal Bentounsi. Son frère Amine, 29 ans, a été abattu d’une balle dans le dos, le 21 avril 2012, à Noisy-le-Sec (Seine-Saint-Denis).

Initialement poursuivi pour « homicide volontaire », l’agent de police responsable de sa mort a vu sa peine requalifiée en « violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner ». Le chef d’inculpation « volontaire » a disparu, parce qu’un expert a jugé possible qu’un homme puisse se retourner en une seconde, et donc menacer le policier, rapporte la sœur de la victime, qui a du mal à retenir ses larmes. L’enquête sur la mort d’Amine, explique-t-elle, est « la démonstration magistrale qu’en France la justice n’est pas impartiale ».

Des experts favorables à la police, jamais aux victimes

Dans ce genre d’affaires, les procédures judiciaires sont en outre extrêmement longues et les experts dont les avis sont en faveur des victimes sont systématiquement écartés. Farid El Yamni, dont le frère Wissam, 30 ans, est mort le 9 janvier 2012 après une interpellation musclée le soir du nouvel an, ne mâche pas ses mots. Pour lui, on assiste à une « corruption généralisée » dans ce type d’affaires, « notamment des experts ».

Dans le dossier de Wissam, il y a une véritable « manipulation de preuves », explique son frère. Les photos apportées au dossier par les policiers ne sont pas les bonnes. Alors que les clichés réalisés le soir même de l’interpellation laissent voir des marques de strangulation, les forces de l’ordre les ont remplacés par des clichés qu’ils ont refaits quelques jours après. L’avocat de la famille de Wissam a voulu présenter des photos prises par les médecins et le frère de la victime, qui prouvent la strangulation, mais le juge n’a pas voulu en entendre parler, raconte-t-il.

Des abus qui relève du « racisme institutionnalisé »

En plus d’être un livre militant et politique, Permis de tuer se veut aussi un guide pratique pour les familles des victimes de tels drames. « Personne n’est à l’abri », tient à souligner Amal. Les personnes plongées du jour au lendemain dans ces affaires ne savent pas forcément qu'il faut se constituer partie civile, et après... il est trop tard. Les policiers leur disent qu’ils s’occupent de tout, sans leur lire leurs droits, et après... il est trop tard. La machine médiatique et judiciaire est engagée, et parvient toujours à faire passer les victimes pour responsables de leur mort.

Pour les organisateurs de la soirée, l'ouvrage doit également permettre de faire passer un message, celui du « manque d'implication du mouvement social et progressiste sur ces questions ». Il faut aller au-delà de la récupération médiatique au moment où ces affaires surviennent, et engager un vrai travail sur ces questions, qui relèvent du « racisme institutionnalisé ». Une triste réalité à laquelle les appareils policiers et judiciaires sont appelés à reconnaître pour que l'égalité devant la justice entre les citoyens soit assurée.





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