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Religions

Mourir au Hajj, une organisation bien rodée

Rédigé par Mérième Alaoui | Jeudi 24 Septembre 2015 à 08:30

           

Chaque année, lors du pèlerinage, des musulmans décèdent sur place. Le Hajj 2015 a été marqué par l'épisode de l’effondrement d’une grue le 11 septembre, qui a provoqué la mort d'une centaine de personnes. Comment gère-t-on la mort en terre sainte ?



Mourir au Hajj, une organisation bien rodée
Que ce soit après des accidents, des maladies, les conséquences de mouvements de foule ou de rares accidents comme l’effondrement d'une grue le 11 septembre, les autorités saoudiennes sont parées à de multiples situations de crise. L'organisation est bien rodée puisqu'elles prennent en charge toutes les démarches jusqu'à la mise en terre des défunts.

« A notre connaissance, aucun pèlerin français n’est concerné par l’accident de la grue » à l'exception probable d'un ressortissant marocain « dont on ne sait pas vraiment s’il résidait en France ou au Maroc », nous explique El Houssine Marfouq, directeur de l’agence de voyage française Meridianis. L'accident a fait plus de 107 tués et des centaines de blessés. Ces derniers sont à l’hôpital où la totalité des soins est prise en charge par l'Arabie Saoudite.

Globalement, lorsqu'un décès est déclaré, tout doit aller très vite. Dès le moment où la mort est annoncée à la famille, il lui est demandé de signer une procuration pour autoriser les autorités saoudiennes à enterrer le défunt sur place. « Car toute personne décédée en terre sainte doit y rester, c’est quasi-impossible d’organiser un rapatriement. Personnellement, nous n’avons jamais eu à gérer ce cas », détaille le directeur de Meridianis. « J'ai déjà vu des cas de familles qui demandaient un rapatriement, c'est très rare. Mais elles n'y sont pas arrivées. Le temps de lancer les démarches, le corps est déjà sous terre », précise de son côté Saer Said, de l’agence Star Travel.

En effet, difficile de faire son deuil sans un corps pour des familles qui ne s'étaient pas préparées au non retour de leurs proches partis au pèlerinage. Par ailleurs, les tombes sont anonymes, rendant impossible l'identification a posteriori des défunts. Cependant, dans l'écrasante majorité des cas, les familles musulmanes signent aisément l'autorisation.

Mourir au Hajj, une organisation bien rodée

Mourir à Médine, une bénédiction

Du côté des voyagistes, la mission est de reconnaître le corps et de certifier l'identité du défunt. « Chaque pèlerin porte un bracelet avec son numéro de passeport. Même si nous reconnaissons la personne, nous procédons à une vérification avec ce numéro », détaille Saer Said. Puis, très vite, les autorités religieuses procèdent au lavage mortuaire et à l'enveloppement avec le linceul. « Tout est très bien organisé, nous n'avons pas du tout la main sur ces étapes. »

Si l'expérience peut être violente pour les familles, mourir à La Mecque ou à Médine est considéré pour les croyants comme une des meilleures fins, et même une bénédiction. « En particulier à Médine, qui est l'un des meilleurs endroits au monde pour être enterré, aux côtés du Prophète lui-même et de ses compagnons. Je n’ai jamais vu aucune famille exiger un rapatriement », poursuit le directeur de Meridianis. Pour les décédés à la Mecque, l’enterrement a lieu à Mina, à quelques kilomètres de la Grande Mosquée.

« Lors de chacune des cinq prières obligatoires, il y a une prière mortuaire. Chaque jour, des cercueils défilent et les pèlerins se précipitent pour aider à les transporter », raconte-t-il. Pas de mouvement de foule, ni de cafouillage, tout est bien géré. « Je n’ai jamais vu cela en effet, c’est la baraka d’Allah comme on dit chez nous », se réjouit El Houssine Marfouq.

Des familles indemnisées

Pour les personnes décédées lors d'accidents, une indemnisation - la diya ou le prix du sang - est proposée aux familles en deuil. C’est la personne, physique ou morale, identifiée comme responsable de la mort qui doit s’acquitter de cette somme, à moins que la famille veuille lui accorder son pardon.

Pour le cas de l'accident du 11 septembre, c’est le roi saoudien lui-même qui a précisé les modalités de l'indemnisation via l'agence de presse officielle SPA. La famille d’un défunt recevra un million de riyals (236 000 euros), la même somme sera versée aux blessés devenus infirmes, et 500 000 riyals (118 500 euros) pour chacun des autres blessés. Ces derniers, toujours hospitalisés et qui ne pourront pas accomplir les rites du Hajj, ont déjà leur place réservée pour l’année prochaine, aux frais du gouvernement saoudien.

Le pèlerinage est régulièrement secoué par de graves accidents.* La dernière qui a marqué les esprits a eu lieu en janvier 2006, lorsque 364 pèlerins sont morts piétinés après un mouvement de panique. 251 personnes sont mortes des suites d'une bousculade à Mina deux ans auparavant. Plus loin, en juillet 1990, 1 426 pèlerins ont péri, la plupart étouffés lors d'un mouvement de foule après la panne d'un ventilateur dans un tunnel. Le 31 juillet 1987, surnommé le « vendredi noir », des manifestations anti-américaines avaient dégénéré et provoqué la mort de 400 pèlerins. Des exemples qui rappellent les risques du pèlerinage mais que l'Arabie Saoudite entend minimiser au maximum par des travaux faramineux conduit par le royaume. Même à haut risque, le plus grand rassemblement de pèlerins musulmans au monde est encore perçu par ces derniers comme une belle aventure à vivre.

Mise à jour jeudi 24 septembre : Une bousculade a fait plus de 453 morts à La Mecque. Pour en savoir plus.





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