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Cinéma, DVD

Mignonnes, un film sous forme d'un conte sans artifice ni faux semblant

Rédigé par Karima Peyronie | Mercredi 5 Août 2020 à 11:30

           

Sensible aux questions de femmes et de transmissions, la réalisatrice Maïmouna Doucouré revient sur le devant de la scène cinématographique avec son premier long métrage « Mignonnes », qui raconte le destin d’une jeune fille tiraillée entre deux cultures, deux mondes. Une chronique sous forme de conte sans artifice ni faux semblant.



© Mignonnes de Maïmouna Doucouré par Jean-Michel Papazian pour Bien ou Bien Production 2018
© Mignonnes de Maïmouna Doucouré par Jean-Michel Papazian pour Bien ou Bien Production 2018
Amy, jeune fille de 11 ans veut intégrer un groupe de filles populaires de son école baptisé « Les Mignonnes ». Elle doit alors en endosser les codes, qui passent par la danse, les tenues vestimentaires osées, la drague de garçons et autres préoccupations de jeunes filles collégiennes. Ce qui pourrait ressembler à un teen movie américain de prime abord par le pitch n’en est en fait rien.

Car Amy est issue d’un milieu où les traditions musulmanes et culturelles sont très fortes. Comme lui répète sa grande tante, son dessein sera de se marier et de combler son mari avant tout. Difficile pour Amy de se projeter dans ce futur archaïque quand elle voit la souffrance de sa propre mère, obligée d’accepter contre son gré la nouvelle polygamie de son mari. Cette fois-ci, on imagine un film de cinéma réaliste caricatural, de ceux « tirés des minorités » comme diraient certains. Et là encore, si on voudrait aller dans ce raccourci, il n’en sera absolument rien.

Doux et dur à la fois

Mignonnes ne ressemble pas à ce que l’on connait. C’est un film doux et dur à la fois, criant de réalisme tout en œuvrant par le récit d’un conte par sa forme. C’est un film où il n’existe pas de lecture manichéenne, qui désignerait les méchantes traditions contre la fureur de vivre occidentale.

C’est un film qui a été bercé par le vrai comme le souligne la réalisatrice : « J’ai recueilli les témoignages d’une centaine de jeunes filles au même profil qu’Amy. Elles m’ont toutes confiée, leurs doutes, leurs tiraillements, mais aussi leurs espoirs. Je me suis reconnue en chacune d’entre elles. »

Amy pourrait être notre petite sœur ou notre fille. Mieux encore la fillette que nous avons été un jour à se questionner autour des mêmes préoccupations : comment se forger une identité lorsqu’on vit entre deux mondes. Comment se rebeller contre sa famille, sans leur briser leurs rêves et projections ? Comment adopter les codes de la société, et surtout celles-ci, où l’hypersexualisation devient une nouvelle norme, sans se perdre ?

Vers un nouveau souffle pour le cinéma français

Maïmouna Doucouré nous entraîne avec malice et poésie dans le quotidien urbain, parfois cruel mais aussi mutin, de cette bande de mini-nanas qui feraient tout pour exister. Elle dessine avec la même perfection ces destins, comme elle l’a fait avec Maman(s) en se promettant de ne jamais tomber dans le pathos. L’émotion est vive certes ; la caméra embarquée notre emmène dans l’intimité de ces jeunes filles, comme l’ombre d’Amy au gré de ses tiraillements, de son audace, de sa rébellion, de sa résilience.

Comme on aimerait prendre Amy par la main, et lui promettre qu’elle sera une jeune femme épanouie et heureuse, peu importe ses choix.
Comme on aimerait lui chuchoter qu’elle a le droit de faire des erreurs à partir du moment où sa liberté ne sera pas entravée.

Alors on espère que ce film suffira à semer les graines auprès de la jeune génération, qu’il éduquera avec subtilité, comme seul le cinéma en a le secret. Qu’il sera une source d’inspiration comme Maïmouna Doucouré qui, en signant ici son premier long-métrage, confirme son talent salué dans les festivals à travers le monde. Mignonnes a, en effet, été auréolé lors du dernier Festival de Sundance du prix de la Meilleure réalisation internationale. Si le cinéma français connait un souffle nouveau, Maimouna en est cette brise libre, irrévérencieuses et hors des codes. Et ne lui dites jamais qu’elle est juste… « mignonne » !

Lire aussi cette interview de Maïmouna Doucouré : « Il est hors de question de faire partie d’un genre cinématographique qu’on appellerait "la diversité" »

Mignonnes, de Maïmouna Doucouré
France, 95 minutes
Avec Fathia Youssouf, Esther GohourouIlanah. Médina El Aidi-Azouni, Myriam Hamma, Maïmouna Gueye
Sortie en salles le 19 août 2020




Réagissez ! A vous la parole.

1.Posté par Milouda le 05/08/2020 17:51 | Alerter
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Pour une petite fille sa mère n'est pas une femme. Elle est sa mère.
C'est ensuite seulement qu'elle comprend qu'elle est une femme.
Elle comprend que c'est une femme sans savoir définir ce que ça signifie.
Elle la scrute, l'observe afin de tenter de trouver ce que c'est. Ce qu'il y a dedans. Elle la suit partout, elle l'imite, elle l'espionne, la questionne et tâche de s'en faire une idée.
Mais sa plus grande interrogation c'est de se demander comment a t-elle su tout ce qu'elle sait sur elle même, comment sait t-elle que l'être est faire ce qu'elle fait. Comment sait t-elle ce qu'il faut faire.
Puis elle comprend que la réponse ne se trouve ni dans ce qu'elle dit, ni dans ce qu'elle fait mais que c'est juste un rôle, une fonction.
Et là elle est complètement perdue. Une femme ne doit rien faire de spécial pour l'être, mais elle doit aussi faire des choses.
Elle se demande pourquoi et d'ou ça vient. Là commence à être comprise l'opposition à l'homme. Elle n'est pas un homme.
Là c'est le choc.


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